Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 23 septembre 2019
Ruralité

Ruralité : beaucoup de mesures, peu de moyens

Le détail des 173 « mesures pour la ruralité »  sélectionnées par le gouvernement est à présent connu. C’est vendredi dernier, en ouverture du congrès de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) que le Premier ministre en a fait l’annonce (lire Maire info du 20 septembre). Si les mesures sont nombreuses, les financements, eux, sont plus incertains.
Rappelons que ces mesures sont issues du rapport Ruralités, une ambition à partager, rendu le 26 juillet dernier au gouvernement par ses cinq auteurs (Cécile Gallien, vice-présidente de l’AMF, Pierre Jarlier, président délégué de l’APVF, Dominique Dhumeaux, vice-président de l’AMRF, ainsi que les parlementaires Patrice Joly et Daniel Labaronne). Ce rapport contenait quelque 200 propositions pour un « agenda rural »  (lire Maire info du 26 juillet). Le gouvernement a donc choisi de retenir près de 90 % d’entre elles, dans des domaines aussi variés que le commerce, la santé, l’éducation, le numérique.
Pour ce qui est du financement, en revanche, les propositions gouvernementales sont beaucoup plus floues.

Exonérations pour le petit commerce
Au-delà de la mesure qui a probablement été la plus commentée dans les médias (la possibilité de créer de nouvelles licences IV dans les territoires ruraux), un plan plus général de « soutien aux petits commerces dans les zones rurales »  va être lancé dès 2020. Les communes pourront octroyer aux petits commerçants des exonérations de CFE et de TFPB, qui seront partiellement compensées par l’État dans les communes de moins de 3 500 habitants. 150 tiers-lieux seront par ailleurs déployés dans les territoires ruraux.
Dans le domaine de la santé, le gouvernement promet « le déploiement de stages d’internes en médecine dans les zones sous-denses »  et l’accélération du recrutement de « 400 postes de médecins salariés ».
Afin de lutter contre l’artificialisation des sols, le gouvernement souhaite favoriser « la rénovation de l’ancien », via notamment l’amélioration des dispositifs de défiscalisation et d’aide à la rénovation. Les Plans d’investissement volontaires d’Action logement pourront être mobilisés pour « faciliter la démolition de logements sociaux vétustes et soutenir leur reconstruction ». 
Pour soutenir les projets d’investissements touristiques, un « fonds d’ingénierie patrimoine »  doté d’un million d’euros va être créé. 

Prolongation du régime des ZRR
Pour ce qui concerne le numérique, le gouvernement réaffirme sa volonté de résorber les zones blanches « en cinq ans »  et de déployer la 4G « sur tous les pylônes existants d’ici 2020 ». Un « quota minimal »  de sites 5G sera décrété dans les territoires ruraux, et une aide de « 150 € par installation »  sera accordée sur les solutions de très haut débit par satellite.
Une large partie du plan est consacrée à l’emploi : « renforcement du rôle des missions locales », doublement du nombre de bénéficiaires des dispositifs d’insertion par l’activité économique… Le régime des ZRR (zones de revitalisation rurale) sera prolongé jusqu’à fin 2020, pendant qu’une refonte complète du zonage sera engagée. 
L’éducation n’est pas oubliée, avec notamment la création d’un « indice d’éloignement »  pour moduler l’allocation des moyens de l’Éducation nationale. Il est également prévu de « renforcer le dialogue entre les rectorats et les élus locaux »  sur l’organisation scolaire à travers des « conventions ruralité ». 
En matière de services publics, peu de nouveauté : le déploiement d’une maison France services dans chaque canton était déjà acté ; le gouvernement souhaite, de plus, « développer l’accueil de premier niveau en mairie par une articulation étroite entre le réseau des maisons France service et le maillage des mairies », et prévoit « la formation des secrétaires de mairie ». Les élus attendront certainement avec intérêt des précisions sur ce sujet – notamment sur ce que le gouvernement attend des secrétaires de mairie en la matière. 
Bien d’autres propositions sont listées dans le projet du gouvernement, dont certaines ne sont pas des annonces mais étaient déjà connues depuis plusieurs semaines ou mois dans le cadre, par exemple, de la loi d’orientation des mobilités ou le projet de loi Engagement et proximité. 
Notons enfin que l’État s’engage à « défendre auprès de l’Union européenne les crédits »  dédiés à la ruralité, notamment le programme Leader. Il entend « encourager la territorialisation des fonds européens vers les territoires ruraux les plus fragiles ». 

Pas de fonds national
Il reste qu’au milieu de cette longue liste de mesures, il en est une qui ne figure pas : celle d’un financement spécifique, dédié. Lors de la présentation de leur rapport, en juillet, les élus avaient insisté sur la « nécessité »  de doter tout plan pour la ruralité de moyens réels – faute de quoi, le risque est toujours réel d’en rester à des déclarations d’intention. Ils avaient même proposé un dispositif : créer un Fonds national de cohésion des territoires, appuyé sur les crédits du FNADT (fonds national d’aménagement du territoire) et d’un nouveau fonds de péréquation sur les territoires les plus riches. 
Rien de tout cela ne figure dans le dossier de presse de 28 pages publié par le gouvernement après le discours d’Édouard Philippe. Si des financements sont bien évoqués, il s’agit plus d’une mobilisation de divers fonds existants que de la création d’un fonds nouveau et dédié. Ce qui peut faire courir sur l’ensemble du plan un risque de « saupoudrage », au lieu de la mobilisation nationale souhaitée par les auteurs du rapport. 
Il sera intéressant de regarder, dès la publication du projet de loi de finances pour 2020, la place qu’y occupera déjà le financement de ces mesures pour la ruralité.

Franck Lemarc

Télécharger le dossier de presse.

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