Maire-info
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Édition du mardi 11 mars 2025
Ruralité

Les députés adoptent une proposition de loi pour faciliter l'obtention de la licence IV dans les communes rurales

Faciliter la création de licences IV dans les communes de moins de 3 500 habitants : c'est ce que porte la proposition de loi visant à simplifier l'ouverture des débits de boisson en zone rurale adoptée hier à l'Assemblée nationale. Les pouvoirs du maire en la matière seraient renforcés.

Par Lucile Bonnin

Les bistrots et cafés sont « des lieux qui permettent de maintenir et parfois recréer du lien social », comme l’a rappelé hier en séance publique le député et ex-ministre Guillaume Kasbarian à l’occasion de l’examen de la proposition de loi simplifiant l'ouverture de débits de boissons dans les communes de moins de 3 500 habitants dont il est le rapporteur.

« Le déclin des débits de boisson est alarmant, a-t-il souligné. Ils étaient près de 500 000 au début du XXe siècle, 200 000 il y a 50 ans, et moins de 35 000 en 2020. Parallèlement, la désertification commerciale des territoires ruraux s’accélère. Alors qu’en 1980 une commune sur quatre n’avait plus de commerce ; aujourd’hui ce sont deux communes sur trois qui en sont totalement dépourvues. » 

Pour redynamiser les centres-villes des communes rurales, la proposition de loi qui a été adoptée à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale hier après-midi vise à faciliter l’obtention de licences IV, permettant de vendre de l’alcool titrant à plus de 18 % dans les communes de moins de 3 500 habitants.

« Simplifier la vie des commerçants et des élus » 

« Ouvrir un café en zone rurale relève souvent du parcours du combattant », constate l’ancien ministre de la Fonction publique. Considérant que le cadre législatif actuel est « ancien et obsolète », Guillaume Kasbarian regrette l’existence d’une interdiction « par principe de l’ouverture de nouveaux débits de boisson de 4e catégorie ». Ainsi, les licences IV disponibles au transfert sont de plus en plus rares et sont « souvent introuvables dans certains départements »  et « leurs coûts, prohibitifs, qui peut atteindre plusieurs milliers parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros »  rend très difficile voire impossible l’ouverture d’un bar dans une petite commune. 

Le texte voté hier par les députés comporte un article unique qui permet concrètement, par dérogation à l’article L. 3332-2 du Code de la santé publique, l’ouverture de nouveaux débits de boissons de quatrième catégorie dans les communes de moins de 3 500 habitants dépourvues d’un tel établissement et sur déclaration en mairie. 

C’est une disposition qui a été reprise de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique qui autorisait déjà une telle dérogation pendant trois ans. Le nouveau texte prévoit donc de pérenniser cette expérimentation pour « simplifier la vie des futurs gérants de cafés dans nos villages mais aussi la vie de nos élus qui se battent pour revitaliser leurs territoires », a résumé le rapporteur du texte.

Certains députés ont cependant regretté, à l’instar de Chantal Jourdan (Parti socialiste), que la généralisation de l’expérimentation se fasse sans étude d’impact notamment sur la santé publique, l’alcool entraînant la mort de 49 000 personnes par an en moyenne en France. Cette question relative aux risques de consommation a rapidement été éludée par le rapporteur qui a expliqué hier que dans la majorité des cas l’alcool est consommée à domicile en raison des prix plus élevés dans les bars et cafés. Pourtant, comme le souligne l’association Addictions France, selon le CREDOC, 38 % de la consommation d’alcool en France a lieu hors domicile.

Le rôle du maire et du conseil municipal 

Quatre amendements ont été adoptés hier par les députés et ils concernent en premier chef le maire. Alors que le texte prévoyait qu’une simple déclaration en mairie pourrait suffire afin d’acter l’ouverture d’un nouveau débit de boissons doté d’une licence IV dans les communes de moins de 3 500 habitants, un amendement socialiste a été voté donnant un pouvoir de « veto »  au maire, en prévoyant que l’autorisation d’ouverture se fasse par arrêté municipal.

Malgré les avis défavorables du rapporteur et du gouvernement, ce dernier a été adopté. Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et moyennes entreprises et de l'Économie sociale et solidaire a indiqué en séance que cette disposition pourrait mettre le maire dans une position difficile. « Que va prendre comme critère le maire pour autoriser une personne à ouvrir une licence IV ou non ? », s’est-elle interrogée. Dans le cas où deux commerçants demanderaient l’obtention de cette licence, le maire aura à faire un choix. Le gouvernement considère que « le système déclaratif est plus confortable pour l’élu qu’est le maire ».

Interrogée par Maire info, Catherine Lhéritier, présidente de l'Association des maires de Loir-et-Cher et membre du bureau de l’association des maires de France, considère que ce système ne représente au contraire pas un inconvénient pour le maire : « Cela permet qu’une relation s’instaure entre le maire et le promoteur et c’est un exercice auquel le maire peut se livrer sans problème dans l’intérêt collectif de la commune. » 

Les députés ont également introduit dans le texte la possibilité d’octroyer une licence IV après avis du conseil municipal pour exploiter un débit de boissons dans le cas où une autre licence serait déjà exploitée dans la commune. « Dans certaines communes vous avez déjà un établissement mais il n’est pas dans la centralité, constate le député Erwan Balanant (Les Démocrates). Il est parfois plus loin en périphérie et n’est ouvert que le week-end, comme cela peut être le cas pour une discothèque. L’ouverture d’un nouvel établissement peut également être autorisée par le conseil municipal d’une commune pour prendre en compte une répartition équilibrée sur le territoire de la commune. » 

Cette disposition est bienvenue, selon la présidente de l'Association des maires de Loir-et-Cher qui constate que bien souvent, « certaines communes ont une licence IV mais détenue par des structures hôtelières en périphérie de la ville. Or il est important aussi qu’il puisse y avoir un bar de centre-bourg qui favorise le lien social ». Les maires espèrent « davantage de souplesse par rapport au dispositif antérieur afin qu’il puisse y avoir une possibilité d’appréciation, localement ». À Valloire-sur-Cisse – commune dont Catherine Lhéritier est maire – une licence est déjà exploitée dans la commune mais pour un golf, loin du centre-bourg. L’obtention d’une nouvelle licence pour un bistrot en cœur de ville pourrait, si le texte est adopté avec cette modification, être autorisée par le conseil municipal. 

La question du transfert de licence fait débat 

Puisque la législation ne permet pas actuellement la création de nouvelles licences IV, un établissement qui souhaite en obtenir une doit, après autorisation du préfet, l’acquérir auprès d’un autre établissement du département ou du département limitrophe. Le système fonctionne donc par transfert de licences. En autorisant la création de nouvelles licences dans les communes de moins de 3 500 habitants, certains députés craignent qu’un business de ces licences ne se créé. « Nous ne pouvons pas faciliter la monétarisation des licences que vous voulez accorder à travers ce dispositif ! », a lancé dans l’Hémicycle le député Gérard Leseul (Parti socialiste). Pour Guillaume Kasbarian, libéral revendiqué, le risque de spéculation n’existe pas et le transfert de licences apparaît déjà suffisamment encadré.

Finalement, un amendement a été adopté prévoyant que cette licence ne puisse faire l’objet d’un transfert au-delà de la commune et limitant ainsi la revente d’une licence à l’intérieur de la commune où elle a été attribuée. Pour la maire de Valloire-sur-Cisse, il est « important que le maire ait son mot à dire concernant ces transferts de licence »  et elle regrette notamment l’existence d’« une surenchère »  dans le rachat de ces licences. 

Enfin, un autre droit de veto a été accordé au maire avec le vote d’un amendement visant à permettre au maire de s’opposer à tout transfert de licence, au grand dam du député Guillaume Kasbarian qui considère qu’on ajoute « des réglementations à un texte qui se voulait simple ». Concrètement, aujourd’hui le maire ne peut pas s'opposer à un tel transfert que si la licence concernée est la dernière de sa commune. L’amendement adopté hier propose de permettre aux maires de s'opposer à tout moment à un tel transfert, et leur donner en conséquence la possibilité de racheter les licences. 

La procédure accélérée a été déclenchée pour ce texte mais on ignore encore la date de son examen au Sénat. Maire info suivra de près la suite de son parcours législatif.  

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