Le patrimoine rural affronte « une crise sans précédent », s'inquiètent les sénateurs
Assurant des milliers d’emplois locaux « non délocalisables », le patrimoine rural et de proximité affronte « une crise sans précédent » et souffre d’un manque de moyens, alertent les sénateurs dans un rapport, publié jeudi et intitulé « les maires face au patrimoine historique architectural : protéger, rénover, valoriser ».
La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à l’origine de ce travail qui a permis l’audition d’une cinquantaine d’organismes et de personnalités, conclut que les communes, « petites et rurales en particulier », sont en « grande difficulté » pour entretenir leur patrimoine historique et architectural, mais aussi que des « milliers de propriétaires » de monuments ont été précipités dans une « situation désastreuse » par les conséquences de la crise sanitaire. La délégation réclame ainsi que ce secteur devienne « une grande cause nationale » et formule 36 recommandations.
500 000 emplois sont en jeu
Le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-Marie Bockel, souligne que « certains (propriétaires) ne peuvent faire face à leurs charges en étant privés de visiteurs » à cause de la crise sanitaire, qui a également « mis à l'arrêt de nombreux chantiers ».
La situation est d’autant plus inquiétante, selon lui, que le secteur représente « des emplois locaux non délocalisables, un enjeu de développement local et un levier d'attractivité touristique (...) Les conséquences pourraient être dramatiques car 500 000 emplois dépendent du patrimoine en France ». Le tourisme, l’artisanat, les métiers d'art et d'histoire, la construction et la rénovation… sont ainsi directement ou indirectement concernés. « La fermeture des sites patrimoniaux constitue un drame, certes invisible et silencieux, mais bien tangible dans nos territoires », jugent les auteurs du rapport.
Vade-mecum pour les élus municipaux
Ces derniers rappellent, en outre, que « plus en plus de communes, petites et rurales en particulier, ont de grandes difficultés pour entretenir, préserver et faire vivre ce patrimoine historique et architectural ». « Devant le manque de moyens financiers, de compétences d’ingénierie ou en raison de contraintes trop fortes, le découragement gagne de nombreux élus locaux » qui « observent la lente dégradation de ce patrimoine qu’ils sont parfois contraints de renoncer à préserver », observent-ils, estimant que 23 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état ou en péril. D’autant que les sommes qui y sont dédiées restent « relativement modestes face à l’ampleur du patrimoine architectural à protéger ».
C'est dans ce contexte que la délégation aux collectivités territoriales a publié ce rapport dont l’un des objectifs est d’offrir aux élus municipaux, « en particulier aux maires des petites communes », un « vade-mecum » afin de les « accompagner utilement dans leur double mission de préservation et de valorisation du patrimoine ».
Les deux co-rapporteurs, Sonia de la Provôté et Michel Dagbert appellent, dans ce cadre, à « mieux identifier et recenser le patrimoine vernaculaire de proximité en développant de nouveaux usages et usages mixtes », « à consolider l'ingénierie à disposition des communes, en particulier celle des services de l'État en direction des petites communes » et, surtout, à « renforcer les moyens financiers consacrés au patrimoine local en mobilisant aides publiques et financements privés ». Ils insistent sur le fait que le patrimoine ne doit pas être « une variable d’ajustement ». Ils souhaitent que les chantiers patrimoniaux soient mis à profit pour relancer l’économie, qu’une réflexion soit lancée autour de la « réorientation du Loto du patrimoine sur le patrimoine de proximité » et évoquent également le patrimoine religieux et les nombreuses petites églises et chapelles en péril. Les sénateurs ont également recommandé de supprimer les taxes sur le Loto du patrimoine.
« New deal » du patrimoine rural
Interrogé par les auteurs du rapport, Stéphane Bern, à la tête de la « Mission Patrimoine », a dit craindre des « conséquences terrifiantes » et en a appelé aux pouvoirs publics pour lancer un vaste plan de soutien : « Il faut un New deal massif de l’État en faveur du patrimoine rural ».
Jugé comme « déterminant », le soutien des collectivités au patrimoine local, en particulier des communes, a représenté environ 295 millions d’euros l’an passé pour restaurer le patrimoine protégé (633 millions d’euros avec l’Etat).
Le rapport rappelle que la France dispose de 45 285 édifices patrimoniaux protégés au titre des monuments historiques, dont 13 517 classés et 31 768 inscrits, et 14 670 communes comptent au moins un monument historique. Les communes détiennent 41 % des monuments historiques protégés, classés ou inscrits, alors que les propriétaires privés en détiennent 43 %, le reste appartenant notamment à l’État. A noter que la majorité du « patrimoine communal » se situe dans des petites communes puisque 55 % des édifices protégés au titre des monuments historiques sont situés dans des communes de moins de 2 000 habitants.
A.W.
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