Transfert des digues domaniales : une impréparation dangereuse pour l'avenir
Par Fabienne Nedey
C’était un rendez-vous attendu de pied ferme par les collectivités et, logiquement, l’affluence a été forte (90 participants), le 18 décembre, pour le webinaire sur le transfert des digues domaniales organisé par l’AMF. Il s’agissait d’un temps d’échange avec la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, venue faire un point de situation devant les collectivités « gémapiennes » (en charge de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) et expliquer les décrets du 21 novembre 2023 (n° 2023-1074 sur le cadre juridique de ce transfert et n° 2023-1075 sur le financement de travaux de mise en conformité).
Pour rappel, le transfert des digues domaniales était prévu par la loi Maptam du 27 janvier 2014, qui laissait 10 ans pour le préparer. Elle stipulait que, pendant cette période, l’État continuerait à « assurer la gestion des ouvrages pour le compte de la commune ou EPCI compétent » et qu’il financerait les travaux de mise en conformité des ouvrages. Elle précisait que les charges transférées feraient « l’objet, dans le cadre d’une convention, d’une compensation ».
Les 10 ans écoulés, le gong est sur le point de sonner : le transfert aura lieu le 29 janvier 2024. Du point de vue des collectivités « gémapiennes » , les conditions dans lesquelles s’organise ce transfert sont irresponsables au regard de l’enjeu qui, rappelons-le, est la sécurité des populations face aux crues. On ne reviendra pas ici sur la parution « surprise » des deux décrets précités ni sur leur contenu (lire Maire info du 23 novembre 2023, et Maire info du 13 décembre 2023 sur le courrier adressé par le président de l’AMF au ministre Christophe Béchu). Certaines collectivités ont reçu le projet de convention de transfert il y a quelques semaines, d’autres l’ont eu… à la fin de la semaine dernière. L’un des constats que font les élus est, qu’à date, ils ne disposent pas de liste précise, exhaustive et délimitée des ouvrages que l’État entend leur transférer, qu’ils connaissent encore moins leur état et qu’ils n’ont pas de vision objective des travaux à réaliser ni des investissements nécessaires.
La lecture de la situation que fait la DGPR est bien différente. Elle met en avant les « nombreux travaux de réhabilitation réalisés ou en cours sur ces digues » . Dans les « nouveautés » des récents décrets, elle insiste sur la possibilité que l’Etat termine, après le 28 janvier, les marchés publics qu’il avait engagé avant cette date. Mais précise que cela « ne sera possible que dans le cas où les marchés en question sont listés dans la convention de transfert » . Elle confirme que l’accompagnement financier à 80 % par le Fonds Barnier, lui aussi, ne sera valable que pour les travaux listés dans la convention. Ce qui implique que si la convention n’est pas signée au 28 janvier, les travaux à engager sur les digues ne sauraient bénéficier de ce taux de 80 % (pour rappel, le décret n° 2023-1074 instaure un « transfert automatique » : en l’absence de convention signée au 28 janvier, un arrêté préfectoral actera le transfert au 29 janvier). On notera que la DGPR a par ailleurs mentionné la possibilité de bénéficier de crédits du Fonds vert pour les travaux sur ces digues.
Un échange important a concerné l’arrêté ministériel fixant la liste des digues domaniales transférées : la DGPR a précisé que sa publication aurait lieu « après le 29 janvier, pour ne pas y inclure d’ouvrage ayant vocation à être désaffecté ». Dans cette optique, elle a invité les « gémapiens » à faire connaître avant le 29 janvier les ouvrages qu’ils ne veulent pas conserver « afin que ceux-ci soient exclus de la liste des ouvrages transférés » . Une requête totalement lunaire pour les participants au webinaire, qui ne voient pas comment se positionner là dessus sans avoir la liste précise des ouvrages que l’Etat prévoit de mettre à disposition. La DGPR, percevant le malaise, a cherché à rassurer en affirmant que « dans les projets de convention, la liste est présente » et en spécifiant, à l’intention de « ceux qui n’ont pas reçu de projet de convention à ce jour, qu’ils peuvent considérer qu’ils ne sont pas concernés par un transfert » . La suite des échanges a confirmé que, hormis quelques cas très particuliers, la DGPR considère que les collectivités gémapiennes disposent, dans les projets de convention, de toutes les données nécessaires. Une vision que Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-la-Napoule (06) et co-président de la mission Risques et crises de l’AMF a qualifié « d’idéaliste » . Sans conteste, les questionnements des élus locaux n’ont pas été levés au terme de cette réunion.
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