Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 11 juin 2021
Aménagement

Revitalisation des centres-villes : état des lieux avant 2022

À la demande du groupe Les Républicains, le Sénat a débattu hier autour de l'enjeu crucial de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. L'occasion de faire un premier bilan de la politique du gouvernement depuis le lancement du programme « Action coeur de ville » en 2018. 

Par Caroline Reinhart

« Enjeu écologique, social, économique, civilisationnel », la problématique de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs n’est pas neuve. « Les commerces de détail  (boucheries, boulangeries) sont en net recul depuis 1990, et la vacance commerciale a bondi de 7 à 12 % entre 2008 et 2019 », a ainsi rappelé Joël Giraud, secrétaire d'État chargé de la Ruralité au ministère de la Cohésion des territoires, venu répondre aux sénateurs. Une préoccupation d’autant plus marquée dans le contexte actuel de prise de conscience de l’urgence climatique. Artificialisation des sols, étalement pavillonnaire, entrées de villes défigurées par les zones commerciales : la densification des centralités, et plus globalement, la « reconstruction de la ville sur la ville », sont au cœur des réflexions actuelles de la politique d’aménagement des territoires. Pour le secrétaire d’État, les programmes de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – « Action cœur ville », doté de 5 milliards d’euros sur le quinquennat, « Petites villes de demain »  doté de 3 milliards d’euros sur 6 ans, mais aussi Territoires d’industrie, etc. – font partie de la « politique de réarmement des territoires », qui devrait être le fil rouge de la future loi dite 4D.

« Donnez-nous les moyens de respecter le ZAN ! » 

Bruno Rojouan (LR) a alerté Joël Giraud sur le coût de la rénovation en centre-ville par rapport à la construction en périphérie. Avec un exemple parlant : les frais de notaire sont ainsi multipliés par sept dans le cadre d’une opération de rénovation. Un obstacle considérable à l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN), en particulier en zone rurale : « Donnez-nous les moyens de respecter le ZAN ! »  a-t-il lancé. Dans ce contexte, « comment comptez-vous intégrer la ruralité et ses spécificités avec des dispositifs adaptés ? »  Pour Joël Giraud, les programmes de l’ANCT répondent déjà à cette question, en particulier le plan « Petites villes de demain »  lancé en octobre dernier, et qui concernent les communes de moins de 3 500 habitants. Les critères pour en bénéficier (fonction de centralité et signes de fragilité) ont notamment permis d’intégrer au programme une commune de 220 habitants, s’est défendu Joël Giraud. Le secrétaire d’État a également rappelé l’intérêt du dispositif des opérations de revitalisation des territoires (ORT), prévu par la loi Élan de 2018. En avril 2021, 250 ORT seulement étaient recensées : pour bénéficier de l’ingénierie de l’ANCT, « il faut généraliser la signature de ces opérations ». À noter que la future loi 4D devrait faciliter leur développement, en ouvrant la possibilité de conclure plusieurs ORT dans un même EPCI.

Fonds friches : un « suivi très étroit des crédits » 

De son côté, Nadège Havet (RDPI) a interrogé le secrétaire d’État sur la pérennisation du « fonds friches », créé dans le cadre du plan de relance, et doté initialement de 300 millions d’euros – réabondé il y a peu de 350 millions d’euros. Une centaine d’opérations aurait ainsi été débloquée. Joël Giraud a de nouveau insisté sur l’intérêt d’intégrer les programmes de l’ANCT : près de 70 % des projets sont ceux de collectivités engagées dans ces programmes. « La dynamique est là. L’emploi des crédits fait l’objet d’un suivi très étroit », a-t-il assuré. Quant à sa pérennisation après 2022, « une réflexion est cours ». Mais pour l’heure, « les crédits sont là, il faut les mobiliser ! ».  

Services publics

Michelle Gréaume (CRCE) a, quant à elle, posé la question de la suppression des services publics (trésoreries, maternités, etc.) dans les territoires, et le coût excessif pour les communes rurales des Maisons France Service mises en place pour pallier cette désertification administrative. Ce à quoi Joël Giraud a rétorqué que la création de postes dans les services déconcentrés – dont des référents DGFIP – avait été actée début février. 
Pour lutter contre le développement de centres commerciaux en périphérie, Serge Babary (LR) a également évoqué la réintégration des chambres de commerce, d’industrie et d’artisanat dans les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC). Le droit européen en a décidé autrement, en estimant que les acteurs économiques étaient alors juges et parties, a précisé le secrétaire d’État. 

Commerce en ligne, une « chance » 

Serge Babary (LR) est aussi revenu sur le paradoxe entre le développement des entrepôts et l’objectif ZAN assigné aux collectivités, en posant la question de l’après-crise. Selon Joël Giraud, le commerce numérique peut être une « chance », en permettant d’augmenter les zones de chalandise. Et Amazon n’est pas le seul à en bénéficier : le plan de relance prévoit une aide de 20 000 euros pour les plateformes digitales locales. 
Enfin, Louis-Jean de Nicolay (LR) a clos les débats en rappelant les exigences du « terrain ». Une « action structurelle transversale »  et des « leviers pragmatiques et facilitateurs »  sont indispensables pour mener à bien la politique de revitalisation des centres-villes. 
Il a également rappelé la vigilance des élus locaux quant au champ d’application des CRTE (contrats de relance et de transition écologique) : « Il faut s’assurer que le dispositif intègre les communes qui ne bénéficient pas des programmes de l’ANCT ». L’AMF a déjà alerté le gouvernement sur le sujet, après avoir mené une enquête en avril dernier auprès des EPCI à fiscalité propre. 
Autre point de vigilance : la multiplicité des appels à projet (AAP), qui peuvent être « rebutants »  pour certains territoires. « En alliant le beau et l’agréable à vivre, il ne faut pas oublier le rôle sociétal et culturel des centres-villes et centres-bourgs, qui doivent aussi pouvoir bénéficier des innovations fiscales et des aides financières de l’État. Il faut agir collectivement, efficacement, et en synchronicité. ».

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