Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 9 février 2023
Commerce

Revitalisation commerciale : le gouvernement crée un bail réel solidaire d'activité 

Créé sur le modèle du « bail réel de solidarité » des ménages, ce dispositif doit favoriser l'installation d'entreprises et d'activités dans les secteurs à revitaliser. Ce nouvel outil sera « Ã  la main des territoires » et « répond aux attentes de nombreux élus locaux », assure le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.

Par A.W.

Après le bail réel solidaire (BRS) pour les ménages, voici le bail réel solidaire d’activité (BRSA) pour les entreprises. Présenté hier en Conseil des ministres, ce nouveau dispositif doit venir compléter le premier et favoriser l’installation de certaines entreprises ou activités - notamment dans les secteurs à revitaliser - afin de créer « durablement »  de « la mixité », de « l’animation »  et de « la proximité ». Un nouvel outil sur lequel le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) a émis un avis favorable.

Pour rappel, le BRS permet depuis plusieurs années à certains ménages, sous conditions de ressources, d’accéder à la propriété à des prix « 30 à 50 % »  plus faible que sur le marché. Conclu avec un organisme de foncier solidaire (OFS), ce type de bail connaît un succès « important et croissant », a indiqué, hier, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, au sortir du Conseil des ministres. Toutefois, si le ménage devient bien propriétaire de sa maison ou de son appartement, ce bail le contraint à rester locataire de son terrain (le foncier restant la propriété de l'OFS).

« A la main des territoires » 

Dans la même veine, le BRSA permettra désormais aux organismes fonciers solidaires, grâce à une disposition de la loi 3DS, de « réaliser ou faire réaliser des locaux à usage commercial ou professionnel sur des terrains acquis ou gérés au titre de leur activité principale », dans des conditions similaires au BRS. Tout cela à « titre subsidiaire », et afin de « favoriser la mixité fonctionnelle ».

« A la main des territoires et des élus », cette nouvelle mission affectée aux OFS doit ainsi « répondre aux attentes de nombreux élus locaux », a assuré l’ancien ministre de la Santé, dans sa présentation succincte.

Afin de le rendre « pleinement opérationnel », une ordonnance dédiée a été publiée, dans la foulée, pour préciser les contours et détailler les modalités de ce nouveau type de bail. Celui-ci doit ainsi reprendre certaines caractéristiques majeures du bail réel solidaire, notamment le principe de la dissociation de la propriété foncière et bâtie, le caractère de longue durée du bail (jusqu'à 99 ans) avec « caractère rechargeable à chaque cession »  ainsi que « la faculté de pouvoir céder les droits réels à tout moment sous réserve d’un encadrement des prix de cession ». Le versement d’une redevance foncière à l’OFS est ainsi conservé.

Microentreprises ou EPL : un bail, deux possibilités

Deux possibilités de mise à disposition de ces locaux sont proposées : au bénéficie soit des microentreprises, soit des établissements publics et entreprises publiques locales qui serviront d’intermédiaires.

Dans le premier cas, le preneur, c’est-à-dire la microentreprise, « occupera et exploitera le local concerné », en contrepartie d’une redevance foncière, mais « sans pouvoir le louer ». « En fonction des objectifs recherchés, l'OFS pourra éventuellement appliquer des critères complémentaires ou plus restreints à ces microentreprises ». Fondées notamment sur le chiffre d'affaires, le statut ou le type d'activité, ces modalités seront fixées « par décret en Conseil d'Etat ». 

Dans le second cas de figure, le BRSA pourra être consenti, par exemple, à une société d'économie mixte locale ou une société publique locale (qui sera titulaire des droits réels) afin « d'articuler l'activité de certains OFS avec celle des foncières commerciales mises en place à l'initiative des collectivités ». 

L’établissement public ou l’entreprise publique locale assurera ainsi la mise en location des locaux à une microentreprise « à des niveaux de loyers modérés ». Comme dans le premier cas, celle-ci ne pourra pas sous-louer le local, mais, cette fois, « il revient au titulaire du BRSA, l’établissement public ou l’entreprise publique locale, de s’acquitter de la redevance foncière auprès de l’OFS ». Une redevance qui sera constituée d'une part fixe et d'une part variable qui « pourra être modulée en fonction de l'évolution de la situation du preneur et notamment des gains tirés de l'exploitation du local ».

On peut noter que le collège des élus du Cnen a d’ailleurs jugé, sur ce point, dans sa délibération du 12 janvier dernier, « essentiel »  que les organismes fonciers des collectivités territoriales puissent être preneur du bail étant donné que « des acteurs économiques voire des investisseurs pourront potentiellement prendre possession des locaux commerciaux ». 

En outre, « il est prévu un principe de publicité préalable pour toute intention de conclure un BRSA, ce qui permet en particulier d'assurer une forme de transparence quant à la mise en œuvre de ce dispositif par les OFS et/ou les éventuels opérateurs intervenant après l'OFS », détaille-t-il.

Durée minimale de 12 ans

Afin de « prendre en compte les spécificités de certaines activités et la situation des microentreprises »  pouvant prétendre à ce dispositif, le bail pourra être conclu pour une durée minimale de 12 ans, alors que, habituellement, les régimes de baux réels de longue durée prévoient une durée minimale de 18 ans.

Concernant la nature de l'activité exercée dans le local, l'OFS pourra déterminer dans le BRSA « la destination des lieux et la ou les activités autorisées et, le cas échéant, les activités accessoires qui peuvent être exercées ». Une mesure qui s'inscrit dans « la volonté de nombreuses collectivités de préserver l'attractivité des centres-villes grâce à une action sur la nature des activités qui y sont conduites », précise le rapport associé à l'ordonnance.

A noter que l’ordonnance donne également un droit de préemption à l’OFS, à l'occasion de toute cession ou donation. Dans ce cas, « le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels immobiliers ».

« Difficultés juridiques » ?

Bien qu’ils aient émis un avis favorable sur ce nouveau dispositif, les membres du collège des élus du Cnen ont fait part de plusieurs points d'attention.

Ils ont notamment fait remarqué au gouvernement que les microentreprises bénéficiaires du BRSA pourraient « évoluer, en cours de bail, en petites ou moyennes entreprises (PME) en raison de l'accroissement de leur effectif ou de leur chiffre d'affaires », ce qui pourrait entraîner des « difficultés juridiques »  pour celles-ci.

Ils ont également rappelé que, au regard des expériences locales précédentes, « dans les territoires ou le prix du foncier est particulièrement élevé, ni le BRS ni le BRSA ne permettent de lutter efficacement contre la spéculation foncière », le prix d'achat conclu dans ce contexte reste « le prix de marché constaté ». 

Rien d’étonnant selon le gouvernement puisque ces deux dispositifs n'ont « pas vocation à lutter contre la spéculation foncière mais contre la spéculation immobilière », celui-ci soulignant que « l’effet réel des opérations du BRS sur les spéculations foncières n’est pas connu ». Il a toutefois rappelé que « le caractère rechargeable du BSRA permettra de soustraire certaines opérations foncières des phénomènes de marché ».

Le collège des élus du Cnen a, par ailleurs, une nouvelle fois, critiqué, le manque de concertation du gouvernement sur ce texte, celui-ci n’ayant « pas procédé à la consultation des représentants des collectivités territoriales ». « L'avis des communes et intercommunalités n'a pu être pris en compte alors même que le développement économique et les aides à l'immobilier d'entreprise figurent dans le champ des compétences des collectivités territoriales », regrettent-ils, en rappelant que les communes et leurs EPCI prennent « toute leur part dans les OFS ».

Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a, de son côté, fait valoir qu’un « important travail de concertation et de co-construction »  a bien eu lieu… avec « divers acteurs du monde commercial et artisanal », le sujet ayant été également « évoqué »  lors des Journées nationales de l’association des OFS et validé par le Conseil national de l’habitat.

Consulter l’ordonnance.

Consulter le rapport relatif à l’ordonnance.
 

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