Maire-info
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Édition du lundi 20 février 2023
Catastrophes

Retrait-gonflement des sols : le Sénat insatisfait de l'ordonnance du gouvernement

Quelques jours après la publication d'une ordonnance du gouvernement sur le traitement des aléas dus au retrait-gonflement des argiles (RGA), la commission des finances du Sénat a publié un rapport sur le financement de ce risque, estimant que l'ordonnance n'est pas allée assez loin.

Par Franck Lemarc

C’est le 8 février que le gouvernement, en Conseil des ministres, a présenté son ordonnance « relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols »  (lire Maire info du 9 février). Ce texte vise à améliorer l’indemnisation des sinistrés, touchés par un phénomène déjà très fréquent et qui est appelé à se multiplier, du fait du changement climatique : des périodes de sécheresse alternant avec des phénomènes de pluies violentes sont les ingrédients qui favorisent la survenue de cet aléa. Environ la moitié de l’habitat individuel, soit quelque 10,4 millions de maisons, sont exposées à ce risque. 

Triplement des coûts

Le changement climatique a très fortement augmenté l’exposition au risque RGA : à preuve, rappelle le Sénat dans son rapport sur « le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti », piloté par la sénatrice des Hauts-de-Seine Christine Lavarde : la charge assurantielle liée au risque RGA, qui représentait en moyenne moins de 500 millions d’euros par an, jusqu’en 2017, s’établit à plus d’un milliard d’euros par an. Pour 2022, du fait de la sécheresse exceptionnelle, elle pourrait frôler les 3 milliards d’euros. 

Le Sénat explique par ailleurs que selon les prévisions du BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières), des sécheresses sévères devraient survenir au moins une année sur trois entre 2020 et 2050, avec un coût cumulé qui pourrait dépasser les 40 milliards d’euros sur ces trente années. Résultat : « Le régime CatNat ne serait alors plus en mesure de dégager assez de réserves pour couvrir les sinistres à l’horizon 2040 ». 

Ordonnance « insuffisante » 

Que faire face à ce risque ? Les sénateurs jugent, en préambule, que sortir le RGA du régime CatNat serait, à l’heure actuelle, la pire des solutions, car ce risque « ne pourrait être couvert par le secteur assurantiel privé de droit commun ». Quant à la création « d’un régime spécifique 100 % public », elle « pèserait très lourd sur les finances publiques ». 

Autre option : « Améliorer les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour le risque RGA tout en créant, en parallèle, un fonds public ad hoc pour indemniser certains des sinistres non pris en charge dans le cadre du régime CatNat ». Cette possibilité « nécessiterait cependant de dégager plusieurs centaines de millions d’argent public par an ». 

Quant à l’ordonnance prise par le gouvernement, les sénateurs de la commission des finances du Sénat jugent qu’elle ne répond pas pleinement au problème. Les mesures décidées (« simplification du critère météorologique, éligibilité automatique d’une commune limitrophe d’une commune reconnue en état de catastrophe naturelle ou encore reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en raison d’une succession de sécheresses d’ampleur moyenne » ), ne sont pas suffisantes, selon les sénateurs, voire « pourraient remettre en cause la nature assurantielle du régime ». Les sénateurs sont notamment très sceptiques sur une des dispositions prévues, obligeant les assurés à utiliser l’argent de l’indemnisation pour réparer les dommages… alors que bien souvent, « la décision de démolir une habitation sinistrée pour reconstruire ailleurs est plus pertinente que d’engager de lourds travaux de réparation ». 

Par ailleurs, les rapporteurs soulignent que l’ordonnance « ne règle en rien »  la question du financement à moyen terme, puisque les financements prévus sont à peine équivalents à 50 % des coûts attendus. 

Prévention

Selon les sénateurs, il est nécessaire de travailler sur ce qu’ils appellent « l’angle mort »  de ce dossier : la prévention. En particulier, ils appellent à mettre l’accent sur les actions touchant à « l’environnement du bâti », en installant par exemple des « écrans anti-racinaires »  et des systèmes de drainage. Ces systèmes, bien moins coûteux que des reprises de fondation, doivent être évalués scientifiquement et, si leur efficacité est prouvée, « généralisés », selon le Sénat, qui réclame « une stratégie globale de développement et de financement des techniques de prévention ». 

Par ailleurs, les rapporteurs regrettent que le RGA ne soit toujours pas éligible au Fonds Barnier. Celui-ci pourrait pourtant « être utilisé pour confirmer l’efficacité des mesures (de prévention) ». Pour tester ces mesures, les sénateurs proposent de s’appuyer sur un panel de communes « volontaires », « pour lesquelles l’état de catastrophe naturelle a été demandé mais non reconnu ». « Se focaliser sur les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle permettra donc à la fois de tester la viabilité de certaines techniques, autant d’un point de vue préventif que curatif, et d’apporter un premier remède à des logements qui ne peuvent pas bénéficier de l’indemnisation dans le cadre du régime CatNat », concluent les sénateurs. 

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