Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 19 mars 2025
Restauration scolaire

Plastique dans les cantines : le gouvernement rétropédale sur son rétropédalage

Après avoir mis en consultation un projet de décret organisant le retour des assiettes et couverts en plastique dans les cantines, le gouvernement a finalement formellement assuré, hier, qu'un tel retour était hors de question et qu'une loi allait être votée en ce sens. Explications.

Par Franck Lemarc

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© D.R.

Un pas en arrière, un pas en avant. C’est très certainement devant le tollé suscité par sa décision de permettre à nouveau l’usage des couverts et assiettes en plastique dans les cantines que la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a fait marche arrière toute, hier. 

La loi et le décret

Rappel des épisodes précédents : la loi Egalim de 2018 prévoit qu’à partir du 1er janvier 2025 (ou 1er janvier 2028 dans les communes de moins de 2 000 habitants), les services de restauration scolaire et universitaire et les établissements d’accueil du jeune enfant ne pourront plus utiliser « de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique ». La loi Agec de 2020 a étendu cette interdiction aux services de pédiatrie, d’obstétrique et de maternité, ainsi qu’aux services de PMI. 

La définition des ustensiles concernés par cette interdiction a été donnée, par la suite, par un décret, qui a englobé dans l’interdiction les objets « utilisés pour la cuisson, la préparation, la remise en température, la présentation, le service ou la consommation des plats, y compris la vaisselle et les couverts ». 

Ce sont ces derniers mots, « y compris la vaisselle et les couverts », qui posent problème – sur lequel se sont naturellement jetés les industriels du plastique : la loi parle de « contenants », et les couverts ne sont pas des contenants. Autrement dit, le décret va plus loin que la loi, ce qui fragilise juridiquement, de fait, ces dispositions. 

Pour régler le problème, le gouvernement a alors choisi (lire Maire info du 12 mars) de rédiger un projet de décret excluant la vaisselle et les couverts de l’interdiction. Ce projet de décret a été mis en consultation publique le 20 février. 

Première observation : s’il ne s’agissait que d’un problème juridique, le gouvernement aurait pu s’en tenir aux seuls « couverts », qui ne sont pas des « contenants de service », selon les termes de la loi. Mais pourquoi y ajouter « la vaisselle », c’est-à-dire les assiettes et les verres, qui eux, sont indiscutablement des contenants ? 

Et surtout, comme l’écrivait Maire info le 12 mars, pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de publier un décret annulant en grande partie les avancées de la loi Egalim, plutôt, puisque la loi n’était pas suffisante, que de chercher à renforcer la loi ?

Ces éléments donnent à penser que plus qu’une simple « protection juridique », le gouvernement a en réalité cédé aux infatigables campagnes de lobbying de Plastalliance, le syndicat des professionnels de la plasturgie. 

Tollé

Mais ce que le gouvernement n’avait pas prévu, c’est le tollé provoqué par la révélation de ce décret – qu’il avait mis en consultation assez discrètement, sans communication particulière. L’AMF, qui participe aux travaux du Conseil national de la restauration collective, dont ceux sur l’interdiction progressive du plastique,  n’a pas été tenue informée de cette démarche engagée par le ministère de la transition écologique. Le représentant du ministère de l’Agriculture n’avait pas non plus mentionné ce projet de décret lors de la réunion du groupe de travail Alimentation et restauration scolaire de l’AMF tenu le 30 janvier dernier et auquel il a participé.

À partir du moment où le quotidien Le Monde a publié un article sur ce projet de décret, le nombre de contributions sur le site de la consultation publique du ministère de la Transition écologique a explosé : au moment de la clôture de la consultation, il y avait pas moins de 14 852 contributions ! Ce chiffre est absolument exceptionnel : en général, une consultation publique sur un projet de décret ou d’arrêté de ce ministère donne lieu à quelques dizaines de contribution, plus rarement quelques centaines. À titre de comparaison, un sujet aussi important que la programmation pluriannuelle de l’énergie (consultation en cours) a pour l’instant donné lieu à … 223 contributions. 

C’est donc bien une levée de boucliers de parents d’élèves, élus, associations, professionnels de santé, scientifiques, qui s’est déroulée sur le site de la consultation publique, avec à la clé une bien mauvaise publicité pour un gouvernement déjà fréquemment accusé de négliger les questions environnementales. 

Revirement

Résultat : un virage à 180 degrés. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, est montée au front hier, sur RMC, pour affirmer avec un certain aplomb que non, « il n’a jamais été question de réautoriser le plastique à usage unique »  dans les cantines. Jamais ? C’était pourtant écrit en toutes lettres dans un projet de décret portant sa signature. 

L’essentiel est que le gouvernement a changé son fusil d’épaule et qu’il y a de fortes chances que ce projet de décret ne soit jamais publié. La ministre a expliqué, ce qui est parfaitement exact en revanche, que « le décret est allé plus loin que la loi », ce qui pose un problème que le gouvernement souhaite « corriger ». « On va interdire tout », a affirmé la ministre, « mais pour cela il faut une loi ». Et – cela tombe merveilleusement bien – la députée Renaissance du Finistère Graziella Melchior a annoncé hier son intention de déposer dès demain une proposition de loi rectifiant la loi Egalim pour inclure formellement assiettes et couverts en plastique dans l’interdiction. Agnès Pannier-Runacher a, dans la foulée, annoncé que le gouvernement soutiendrait cette proposition de loi, qui pourrait être examinée dès le mois de mai. 

Tout est bien qui finit bien, donc, en particulier pour les milliers de communes qui ont fait l’effort de réorganiser les cantines pour tenir compte des obligations nouvelles, parfois en avance sur la loi. Le gouvernement serait plus crédible s’il avait, dès le début de cette affaire, dit son intention de porter ou de soutenir un texte législatif sur le sujet – ce qu’il n’a absolument jamais fait jusqu’à hier, notamment dans la notice de la consultation publique. Mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. 

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