Lutte contre le gaspillage alimentaire : de nouvelles obligations pour les collectivités
Un an quasiment jour pour jour après l’entrée en vigueur de la loi Égalim, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Didier Guillaume, a présenté, hier en Conseil des ministres, une ordonnance visant à impliquer l’ensemble des opérateurs de la restauration collective et des industries agroalimentaires dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Leurs engagements devront être rendus publics à compter du 1er janvier 2020. Objectif affiché : « éviter une perte annuelle estimée à 320 000 euros en termes de denrées alimentaires non consommées (soit 20 % des repas préparés) ».
Depuis le 11 février 2016, date de l’entrée en vigueur de la loi Garot, l’État, les établissements publics et les collectivités territoriales sont sommés de lutter contre le gaspillage alimentaire « dans les services de restauration collective dont ils ont la charge ». L’ordonnance, publiée ce matin au Journal officiel, étend cette obligation « à l’ensemble des opérateurs de la restauration collective privée », soit environ 250 opérateurs. D'autres dispositions concernent aussi les collectivités. Parmi leurs nouvelles obligations, les opérateurs de la restauration collective et de l’industrie agroalimentaire ont désormais « l’interdiction de rendre les invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation » sous peine d’une amende de 3 750 euros, « qui peut être assortie de la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion par voie de presse ».
Une convention pour le don de denrées consommables et non vendues
Aussi, les opérateurs de la restauration collective, préparant plus de 3 000 repas par jour (au niveau d’une cuisine centrale) et ceux de l’industrie agroalimentaire réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros, seront dans l’obligation de « proposer une convention aux associations habilitées d’aide alimentaire pour le don de denrées consommables et non vendues » et de réaliser un diagnostic préalable pour lequel « un accompagnement des collectivités sera nécessaire en lien avec l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) », promet-on au ministère. Ces obligations s’appliqueront dans un an, « à compter de la date du début d’activité ou de celle à laquelle ces opérateurs de la restauration collective atteindront le seuil des 3 000 repas par jour ».
Quant aux autres opérateurs, ceux se situant en dessous du seuil de 3 000 repas, ils pourront, eux aussi, conclure à titre facultatif des conventions de dons, « permettant ainsi d’encourager le développement des initiatives locales », assure-t-on au ministère.
Des questions sur le seuil de 3 000 repas par jour
Le seuil de « 3 000 repas préparés par jour » doit être entendu « au niveau d’une cuisine centrale », rappelle-t-on du côté du gouvernement. Une décision pas toujours bien comprise de la part des élus. C’est ainsi que leurs représentants émettaient, le 12 septembre lors de l’examen du projet d’ordonnance au Conseil national de l'évaluation des normes (Cnen), des réserves « quant à la rentabilité pour les associations de collecter les denrées alimentaires non consommées d’une cuisine centrale desservant plusieurs restaurants collectifs, lesdites denrées se trouvant de ce fait sur plusieurs sites ». Se pose, en effet, la question du montant des frais de logistique, de transport, de stockage temporaire et de distribution pour les associations.
Les représentants des élus estimaient, en outre, « qu’une relocalisation des productions des cuisines centrales vers des restaurants collectifs préparant moins de 3 000 repas par jour risque de s’opérer, pouvant remettre en cause l’efficacité de la présente réforme ».
Plus largement, ils se sont interrogés « sur l’opportunité d’encadrer [c]es initiatives locales par des dispositions contraignantes, ces nouvelles obligations pouvant s’avérer contreproductives, voire bloquantes ». Le ministère a tenté alors de les rassurer, soulignant que « l’objectif de la présente réforme vise davantage à généraliser les bonnes pratiques émanant des initiatives locales que de pénaliser les collectivités territoriales ».
S’agissant, enfin, des conventions qui lieront opérateurs et associations, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation garantissait, en septembre, qu’une « certaine liberté » serait accordée aux collectivités dans la passation de ces conventions avec les associations d’aide alimentaire et que le modèle de convention serait « fixé ultérieurement par un décret d’application visant à permettre la prise en compte des spécificités de la restauration collective et de déterminer le partage de responsabilité ». Une modification de l’arrêté du 12 avril 2017 fixant les catégories de denrées alimentaires exclues des dons effectués entre un commerce de détail alimentaire et une association d’aide alimentaire serait envisagée.
Selon des chiffres publiés par l’Ademe en 2016, les pertes et le gaspillage alimentaire dans la restauration collective représentent 17 % des aliments achetés et 14 % des coûts d’achat de matières premières.
Ludovic Galtier
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