Des cantines au coût élevé mais souvent « mal évalué » selon la Cour des comptes
L’un des chapitres thématiques du rapport de la Cour des comptes est consacré à la restauration collective. Constatant « une maîtrise de coûts inégale » face à des « attentes nouvelles », les magistrats préconisent davantage de mutualisation des fonctions support au niveau intercommunal et la mise en place d’outils de suivi des performances. Ils estiment que la charge financière de la restauration collective est encore trop souvent « mal appréhendée » par les collectivités.
L’étude de la Cour des comptes s’appuie sur l’analyse de cantines gérées par 80 communes ou EPCI dans tout le pays, représentant 28,8 millions de repas fournis en 2017.
Différents modes de gestion
Les enfants scolarisés représentent 85 % du public visé par la restauration collective, le reste se partageant entre les personnes âgées, la petite enfance et plus rarement des restaurants administratifs pour les agents. La Cour revient sur les différents modes de gestion – régie (le mode le plus répandu), délégation de service public ou marché public. La gestion en régie présente des « difficultés de gestion particulières », dans la mesure où c’est la seule collectivité qui se retrouve alors responsable du respect de très nombreuses normes. La gestion des ressources humaines est également un « facteur de complexité », dans un secteur où les salaires sont bas, la pénibilité élevée, le temps non complet fréquent. Par ailleurs, les collectivités qui exploitent des cantines en régie font face à un problème de recouvrement des recettes, avec des taux d’impayés qui peuvent atteindre 30 % dans certaines communes pauvres. Notons que, bien que le rapport de la Cour ne le souligne pas, ce problème existe également dans les services délégués.
Ceci dit, remarque la Cour, l’externalisation, si elle « allège certaines contraintes », présente aussi « ses risques propres » : le secteur de la restauration collective est très concentré (quatre groupes représentent à eux seuls 75 % du chiffre d’affaires national de la branche), ce qui amène des conditions de négociations « difficiles et déséquilibrées ». Par ailleurs, l’externalisation « fait perdre [aux communes] une partie de leur pouvoir de contrôle » sur les prestations fournies. Elles perdent également « la maîtrise du processus de production des repas ».
Manque de « vision globale »
Le service de restauration – qui, rappelons-le, est facultatif – est une charge « élevée » pour une commune ou un EPCI, en particulier lorsqu’il faut bâtir une cuisine centrale. Sur l’ensemble des collectivités contrôlées dans ce rapport, le coût moyen brut d’un repas s’établit à 7,33 euros. Mais les magistrats notent que ces charges font trop peu souvent l’objet « d’une évaluation financière consolidée ». « Conséquence de cette absence de vision globale, parfois au détriment de la qualité, les collectivités concentrent souvent leurs efforts d’économie sur les achats de matières premières ou de repas dont les coûts sont les plus aisément mesurables même s’ils ne contribuent en moyenne qu’à 23 % du prix de revient total. »
Dans la plupart des cas, le service est très largement financé par la collectivité, les tarifs étant le plus souvent très inférieurs au coût brut du repas.
Nouvelles exigences
De la loi sur la transition énergétique à la loi Égalim, plusieurs évolutions législatives sont venues complexifier la tâche des gestionnaires de cantines, en particulier l’article 24 de la loi Égalim qui imposent de nouvelles normes en matière de produits bio ou « de qualité », à partir de 2022. Il faut également désormais proposer un repas végétarien par semaine. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé sa volonté de voir les collectivités proposer aux publics les plus défavorisés des repas à un euro, avec une aide de l’État de 2 euros seulement par repas (lire article ci-dessus).
Tous ces objectifs seront « difficiles à atteindre pour les seules collectivités », juge la Cour des comptes. Elle relève également un paradoxe depuis longtemps dénoncé par l’AMF : si la loi impose un approvisionnement plus « local », les règles européennes sur les marchés publics interdisent les critères géographiques dans l’attribution d’un marché.
Les magistrats dénoncent également – au niveau de l’État cette fois – le manque « d’indicateurs nationaux synthétiques » permettant de mesurer précisément les critères qualitatifs fixés par la loi Égalim. La mise en place de tels indicateurs fait partie des préconisations de la Cour des comptes. Tout comme « le développement de la mutualisation des fonctions support », notamment les achats.
Les associations d’élus demandent une compensation
Comme il est d’usage, la Cour des comptes a demandé aux différentes parties prenantes de formuler leurs « observations » sur ces conclusions. L’AMF n'a pas formulé d'observations sur le rapport final puisque qu'elle avait déjà eu l'occasion de le faire, lors des étapes intermédiaires à la rédaction du rapport, et que ses remarques ont été intégrées au rapport final. Villes de France dit « souscrire à la plupart des constats » de la Cour, épinglant au passage « l’absence de concertation » sur les repas scolaires à un euro et « déplorant » le mécanisme de compensation prévu, qui va essentiellement concerner les communes de moins de 10 000 habitants, « pénalisant une nouvelle fois les villes qui ont proportionnellement plus de scolaires par rapport à leur population totale ».
Quant à l’Association des petites villes de France (APVF), si elle partage « bien évidemment » les objectifs visés par les nouvelles normes en matière de restauration collective, elle souhaite que ces mesures « soient intégralement compensées par l’État », ce qui n’est « pas systématiquement le cas ». Par ailleurs, l’APVF remarque que la mutualisation au niveau intercommunal, si elle « peut être une piste », d’ailleurs le plus souvent « déjà explorée par les communes », n’est « pas adaptée à tous les territoires et doit se faire en accord avec tous les maires concernés ».
F.L.
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