Application de la loi Egalim dans la restauration collective : le gouvernement demande de passer à la vitesse supérieure
Par Franck Lemarc
C’est l’un des derniers textes signés de la main d’Élisabeth Borne, quelques jours avant sa démission forcée. Une circulaire aux ministres et aux préfets, datée du 21 novembre, a été publiée la semaine dernière au Bulletin officiel du ministère de l’Agriculture, et appelle à la « mobilisation » pour mettre en œuvre les dispositions législatives en matière de restauration collective. Si les prescriptions de l’ancienne Première ministre concernent avant tout la fonction publique de l’État, il est précisé que « les collectivités territoriales (…) sont invitées à suivre les prescriptions », car « l’ensemble des décideurs publics doit être mobilisé pour réussir (la) transition alimentaire dans la restauration collective ».
Obligations législatives
Pour mémoire, deux lois successives sont venues fixer les nouvelles règles en matière de restauration collective, outre la loi AGEC du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. D’abord la loi Egalim 1 du 30 octobre 2018, qui a fixé des objectifs obligatoires à atteindre au 1er janvier 2022 dans tous les restaurants collectifs : servir au moins 50 % de « produits durables et de qualité », dont au moins 20 % de produits « bio ». Par la suite, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a rendu obligatoire, à compter du 1er janvier 2023, de servir un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires et les restaurants administratifs « de l'État, de ses établissements publics et des entreprises publiques nationales », il est devenu obligatoire à compter du 1er janvier 2023 de servir un menu végétarien au moins une fois par semaine. La même loi a lancé une expérimentation permettant aux collectivités volontaires de proposer quotidiennement le choix d’un menu végétarien. S’agissant de cette dernière, terminée fin août 2023, faute de suites concluantes, l’AMF a demandé l’absence de traduction législative.
Enfin, toujours dans la loi Climat et résilience, l’article 237 impose une nouvelle règle qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2024 : les viandes et produits de la mer servis dans la restauration collective doivent, à hauteur de 60 % minimum, répondre à des critères de qualité et de durabilité. Pour les restaurants collectifs gérés par l’État, ce taux est de 100 %.
Ces différentes dispositions, explique l’ancienne Première ministre dans la circulaire, sont insuffisamment respectées. Selon un premier bilan de l’application de la loi Egalim, réalisé en 2021, seuls 15 % des restaurants collectifs respectaient alors totalement les préconisations de la loi (les collectivités étant, en la matière, les meilleures élèves). La Première ministre appelle donc à ce que soient mobilisés « les moyens nécessaires pour être en conformité avec la loi, au plus vite ». Y compris sur les dispositions les plus récentes – celles qui sont entrées en vigueur cette année, portant à 60 % le taux de viandes et de produits de la mer « durables ». Le taux de 100 % est réservé à la fonction publique de l’État mais, on l’a dit, la Première ministre invite les collectivités locales à suivre le mouvement.
Inscription obligatoire sur Ma cantine
Pour tenir cet objectif, un outil essentiel est la plateforme « Ma cantine » développée par le ministère de l’Agriculture, qui non seulement offre toutes sortes de ressources documentaires mais, surtout permet le « rapportage » (reporting) des données d’achat de chaque cantine inscrite sur la plateforme. Ainsi, non seulement ces données peuvent être consolidées à l’échelle nationale, mais les usagers, de surcroît, peuvent avoir accès en toute transparence aux chiffres de la cantine qu’ils – ou leurs enfants – fréquentent.
Sur environ 90 000 cantines répertoriées dans le pays, près de 28 000 sont inscrites sur le portail, dont une très grande majorité de cantines scolaires (19 000) environ. Mais seulement environ 17 500 cantines publient leurs données d’achat sur le site. Et un nombre encore plus faible d’établissements (2 300) ont entamé une démarche de « diagnostic », permettant de mesurer leur degré d’application de la loi Egalim. Et les résultats ne sont pas très bons : pour 2023, annonce le site, seulement 10 % des cantines ayant démarré un diagnostic atteignent les objectifs de la loi Egalim. Le taux moyen d’achats bio, parmi ces 2 300 cantines, est de 14 %, et celui des aliments « durables et de qualité », hors bio, également de 14 %.
Il n’est donc pas surprenant que le gouvernement cherche à relancer le dispositif et accélérer son application. Il est demandé à tous les ministres et aux préfets de veiller à ce que tous les établissements sous leur tutelle soient inscrits sur la plateforme, « saisissent les informations relatives à leurs achats alimentaires, les publient et les télédéclarent ». Élisabeth Borne rappelle que « l’inscription de tous les restaurants collectifs sur Ma cantine est obligatoire, ainsi que la saisie (…) des informations à télédéclarer ». Sauf que ce n'est pas si simple : l'AMF a eu plusieurs fois l'occasion d'alerter l'État sur les difficultés que peuvent rencontrer les communes – notamment les plus petites – pour télédéclarer, parmi lesquelles le mande de personnel ou les dfifficultés à obtenir des données auprès des délégataires.
Projets alimentaires territoriaux
La Première ministre rappelait par ailleurs que plus de 400 projets alimentaires territoriaux (PAT), en 2023, étaient déployés localement, « avec l'ambition de fédérer les différents acteurs d'un territoire autour de la question de l'alimentation ».
« Un des objectifs des PAT est notamment d'accompagner la restauration collective, en lien avec les filières des territoires dans l'atteinte des objectifs d'approvisionnement en produits durables et de qualité, rappelait en conclusion Élisabeth Borne. Il convient donc de mobiliser au mieux ces dispositifs qui sont des leviers en matière d'animation, de formation, de mise en réseau des gestionnaires de restauration collective et de mise en relation avec les fournisseurs de denrées alimentaires. Les Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf}, et notamment les Services régionaux de l'alimentation (Sral), sont les interlocuteurs privilégiés des restaurants collectifs pour une mise en lien avec les PAT et leurs réseaux régionaux. »
Notons enfin que l'AMF va publier prochainement les résultats de sa nouvelle enquête relative à la restaurations scolaire.
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