Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 16 décembre 2020
Réseaux de télécommunication

Fin du service universel assuré par Orange : 215 maires ruraux mobilisés pour « garantir l'accès universel au téléphone fixe »

Aux côtés de Célia de Lavergne, députée La République en marche de la Drôme, 215 maires de ce département rural interpellent Orange, désigné par l'État pour fournir le service universel et dont la mission s'est achevée le 3 décembre, mais aussi le gouvernement pour qu'ils s'occupent au plus vite des « oubliés du téléphone fixe ».

« Des poteaux penchés, cassés ou effondrés bordent nos routes. Les fils électriques distendus tombent sur les arbres ou traînent sur le sol, quand ils ne sont pas arrachés. L'intervention de sous-traitants non qualifiés vient parfois détériorer une situation déjà délicate ». À l’heure où les communiqués annonçant l’arrivée de la 5G dans les grandes villes pleuvent (lire Maire info d’hier et du 2 décembre), à Montfroc, Saint-Thomas-en-Royans, Recoubeau-Jansac, les habitants désespèrent d’entendre un jour la tonalité de leur téléphone fixe résonner. Dans la Drôme comme dans de nombreuses campagnes françaises, en effet, « des services de base comme le simple accès à une ligne fixe ne sont pas garantis », résument, en une phrase, les 215 maires signataires d’une tribune ce dimanche dans le JDD

Le sentiment d’être abandonnés

Orange, dont ils dénoncent « le silence assourdissant »  est notamment la cible de leurs attaques. « Comment accepter qu'en 2020 des personnes âgées soient laissées seules chez elles, sans ligne fixe, sans téléassistance, des semaines durant ? Que nos maires soient contraints de réparer eux-mêmes des poteaux téléphoniques cassés ? Qu'ils ne puissent plus être en lien avec leurs administrés faute de ligne ? Que l'ouverture d'une ligne prenne plus de six mois et la réparation des semaines ? », s’indignent les élus depuis des années, bien avant, donc, que le service universel, tel qu’on le connaît depuis trois ans, ne prenne fin le 3 décembre. 
Opérateur du service universel de la téléphonie fixe, Orange avait été chargé par l’État, à compter de 2017, de fournir les prestations « raccordement »  et « service téléphonique ». « La réalité derrière ces indicateurs est tout autre : des territoires ruraux, représentant « peu de lignes », sont négligés, abandonnés. Preuve en est qu'Orange a été mis en demeure en 2018 par l'Arcep, l'autorité de régulation, à hauteur d'un milliard d'euros pour non-respect de ses obligations. Après un bref et léger sursaut, nous constatons que rien n'a changé », poursuivent les élus, rejoints dans leur combat par Célia de Lavergne, députée Le République en marche de la Drôme. 
Pour étayer ses accusations, l’Arcep citait, à l’époque, des critères de qualité de service précis du cahier des charges d’Orange, comme le délai maximum pour traiter 85 % des dérangements d’abonnés. Il devrait être de 48 heures mais ce délai a atteint 70 heures au premier trimestre 2018, puis 63 heures au deuxième. Depuis, Orange avait bien rectifié le tir, selon l’Arcep : « Les indicateurs de qualité de service se sont significativement améliorés et la quasi-totalité d’entre eux ont dépassé les objectifs annuels fixés par le ministre pour 2019 », écrivait le régulateur en septembre 2020, rappellent nos confrères de ZDNet. 85 % des pannes repérées en 2019 ont été réparées en 46 heures, alors que ce délai était de l'ordre de 62 heures, en 2018.

Un nouveau service universel qui mobilisera tous les opérateurs

Mais selon toute vraisemblance, le décalage est encore perceptible sur le terrain. La semaine dernière, à la tribune de l’Assemblée nationale, la même Célia de Lavergne se levait contre cette « inégalité criante ». Alain Griset, ministre chargé des Petites et moyennes entreprises, lui présentait alors les contours du nouveau service universel, prévu à l’article 29 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière et qui prendra effet dans les prochains mois. « Un service universel, qui mobilisera cette fois tous les opérateurs, incluant l’accès au haut débit sera instauré dans les prochains mois, dans le cadre de la transposition du Code des communications électroniques européen (lire Maire info du 17 juillet) ». Celle-ci « crée un nouveau cadre pour le service universel, en le redéfinissant non seulement comme l’accès à la téléphonie fixe, mais également comme l’accès à l’internet en haut débit pour une liste minimale de services », confirmait Célia de Lavergne. 
« L’Arcep fixera prochainement des obligations de qualité de service, dans une décision dite d’analyse de marché qui est sur le point d’être adoptée, lui a répondu Alain Griset (lire Maire info du 9 décembre). Orange devra respecter des niveaux de qualité de service vis-à-vis des opérateurs clients pour la construction de nouvelles lignes et la réparation des pannes, et devra naturellement être au niveau attendu par les usagers et les élus locaux. L’autorité régulatrice imposera également à Orange de publier des indicateurs de qualité de service, concernant notamment les délais et les taux de conformité des prestations, ou encore le taux d’incidents mensuels apporté au parc de liaisons. »  Un accord qui sera scruté de très près par les élus signataires de cette tribune, pour qui « seul un effort inédit et immédiat de l'opérateur, couplé au contrôle vigilant, renforcé et territorialisé des pouvoirs publics, permettra d'améliorer la situation ». D'ici là, les élus peuvent signaler les pannes et les dysfonctionnements sur le site de l’Arcep : jalerte.arcep.fr

Une extinction du réseau cuivre en 2030 ?

Autre sujet source de tensions entre Orange et les élus : la bascule du cuivre vers la fibre annoncée à partir de 2023 (le gouvernement a, en effet, pour objectif de fibrer la France à 100 % en 2025) et l’extinction du réseau cuivre en 2030. Une extinction programmée, qui fait craindre aux élus locaux que l’entretien des lignes cuivre ne soit plus une priorité pour l’opérateur (lire Maire info du 29 octobre 2018). « Si ces lignes en cuivre ont vocation à être remplacées par la fibre, nous ne pourrons nous en passer pendant encore au moins 10 ans. D’ici là, nous en sommes cruellement dépendants ». C’est dans ce contexte que l'Arcep a attribué, début décembre, le statut de zone fibrée à deux territoires, première étape vers l'arrêt du cuivre dans les 23 communes de la Loire et les 51 communes de l’Aisne concernées.
Interrogé sur l’avenir des réseaux cuivre en octobre, Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, s’est opposé, pour sa part, « à la fermeture du cuivre tant que l’on ne sera pas certain de fournir du 100 % Ftth partout »  (lire Maire info du 22 octobre).

Ludovic Galtier

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