RER métropolitains : le Sénat demande que l'avis des maires soit davantage pris en compte
Par Franck Lemarc
Adoptée le 16 juin dernier par les députés, la proposition de loi du groupe Renaissance sur les RER métropolitains, désormais baptisés Serm (Services express régionaux métropolitains), arrive en séance publique au Sénat après avoir été débattue en commission la semaine dernière.
Ce texte a pour objet de mettre en musique l’annonce surprise faite par Emmanuel Macron fin novembre dernier (lire Maire info du 28 novembre 2022) : la création d’un RER (réseau express régional) dans « dix grandes agglomérations » : « Dans les dix principales villes françaises, où il y a thrombose, où il y a trop de circulation, on doit se doter d’une vraie stratégie de transport urbain », plaidait le chef de l’État.
Le 25 avril dernier, le groupe Renaissance déposait une proposition de loi sur ce sujet, que le gouvernement a aussitôt placée sous le régime de la procédure accélérée. L’un des points essentiels de ce texte est de désigner comme maître d’ouvrage de ces futurs projets la Société du Grand Paris (SGP), rebaptisée Société des grands projets. Cette société, qui exerce la maîtrise d’ouvrage du chantier pharaonique du réseau de métro Grand Paris express, serait ainsi autorisée à exercer en dehors de l’Île-de-France, de façon à ce que « l’expertise acquise en Île-de-France serve l’ensemble du territoire », expliquait alors le ministre des Transports Clément Beaune.
Ce choix ne fait pas l’unanimité, en particulier chez les élus franciliens qui craignent, comme le maire de Sceaux et vice-président de l’AMF, Philippe Laurent, que la SGP soit « détournée de sa mission initiale ». Plusieurs élus et députés ont d’ailleurs regretté que la maîtrise d’ouvrage des Serm ne soit pas tout simplement confiée à SNCF-Réseau.
Consultation des maires
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté ce texte la semaine dernière, non sans y avoir ajouté une quarantaine d’amendements (lire le texte de la commission). Sur le fond, la commission s’est montrée tout à fait favorable au projet, estimant qu’un « choc de l’offre » est nécessaire en matière de transports collectifs. Mais elle a ajouté plusieurs dispositions visant à éviter « une recentralisation des politiques de mobilité ».
Première modification importante : la commission a accentué le caractère multimodal de ce projet, en précisant que les Serm devront intégrer « des réseaux cyclables et, le cas échéant, de services de transport fluvial, de covoiturage, d’autopartage et de transports guidés ». Elle souhaite également que les Serm intègrent « systématiquement » une offre de « cars à haut niveau de service », permettant de « prendre en compte les territoires les plus éloignés du centre des métropoles ». Ces lignes de cars, selon les sénateurs, pourraient utilement « accompagner la mise en place des ZFE » (zones à faibles émissions).
Les sénateurs ont par ailleurs amendé le texte pour « placer les collectivités territoriales au cœur du processus de décision ». D’une part, les départements ont été ajoutés dans le processus de concertation. Et surtout, les sénateurs ont exigé que « les maires des communes concernées par un projet de Serm » soient « consultés sur l’avancée dudit projet » et que leur avis « soit pris en considération dans le processus décisionnel ». Les auteurs de l’amendement précisent : « Un projet d'une telle dimension ne peut se faire sans l'avis des maires et les décisions prises dans le cadre de celui-ci ne peuvent aller à l'encontre des intérêts locaux. (….) Quand bien même une consultation aurait lieu de la part des métropoles concernées par un projet labellisé SERM avec les petites communes, ces dernières étant souvent moins représentées au sein d'intercommunalités, en particulier dans les agglomérations, un sentiment de délaissement au profit des villes centres peut être ressenti. »
Il faut rappeler que pendant le débat à l’Assemblée nationale, le gouvernement s’était formellement opposé à un tel dispositif. Il n’a toutefois pas déposé d’amendement de suppression en vue de la séance publique au Sénat.
Enfin, pour « éviter toute recentralisation », les sénateurs ont souhaité que la décision de créer un Serm soit « subordonnée à une délibération du conseil régional ».
Financement : le grand absent
Les membres de la commission ne se sont pas opposés au rôle nouveau joué par la SGP, mais ont, là encore, souhaité donner un rôle plus important aux collectivités. Le texte initial prévoyait que l’intervention de la SGP en tant que maître d’ouvrage d’un projet soit décidée « par arrêté du ministre chargé des Transports ». Ajout du Sénat : cette décision du ministre se ferait « à la demande de la région » et des autorités organisatrices concernées.
Reste la question du financement – la grande absente de ce texte. La commission a exprimé « de sérieuses inquiétudes » sur ce sujet, estimant que les promesses de l’État sont aujourd’hui « loin d’être à la hauteur de l’objectif ». Rappelons que le gouvernement ne s’est pour l’instant engagé que sur une enveloppe de 700 millions d’euros – quand le chantier de ces 10 Serm est estimé, au bas mot, à 15 milliards d’euros d’investissements. Il est donc à craindre que les collectivités soient confrontées à la nécessité de financer elles-mêmes une grande partie de ces investissements.
La proposition de loi ne contient aucun engagement financier, à part sur la capacité d’emprunt de la SGP. Les sénateurs ont en revanche ajouté par amendement l’obligation d’organiser, avant le 30 juin prochain, une « conférence nationale de financement » pour « débattre des solutions à mettre en œuvre pour assurer un financement pérenne des dépenses d’investissement, d’une part, et de fonctionnement, d’autre part, de ces services ». Seraient parties prenantes de cette conférence, outre l’État, les conseils régionaux et métropolitains, les associations nationales d’élus, SNCF-Réseau et la SGP ainsi que les grands opérateurs de transport.
En séance publique, la question du financement sera débattue : au moins un amendement (socialiste) demande que « le gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’engagement financier direct qu’il compte déployer pour développer les Serm ». Un autre amendement socialiste pose la question des autorités organisatrices encore dépourvues de versement mobilité, proposant de doter celles-ci d’une nouvelle « dotation transition mobilité ».
ZAN
Enfin, on peut s’attendre à d’âpres débats sur la question du ZAN (zéro artificialisation nette). En effet, un amendement ajouté en commission au Sénat prévoit que les infrastructures réalisées dans le cadre des Serm soient considérées de droit comme « projets d’intérêt général », ce qui permettrait de les « sortir » des règles du ZAN : on se rappelle que la loi prévoit un forfait de 12 500 hectares à l’échelle nationale d’espaces artificialisables, qui ne seraient donc pas décomptés de la surface artificialisée à l’échelle de chaque région.
Le groupe écologiste du Sénat a déposé un amendement demandant la suppression de cette disposition, estimant que « les projets de Serm n’ont pas à être exonérés de la trajectoire du ZAN car ils participent bien au recul des terres agricoles et des espaces naturels ». Les sénateurs écologistes demandent que ces projets soient « recensés au sein des enveloppes régionales ».
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