Réouverture des crèches et des écoles : le casse-tête des maires
« Les crèches et micro-crèches oubliées de la phase 2 ! Oubli inexplicable. » Ce tweet de la Fédération française des entreprises de crèches, hier, à la fin de la conférence de presse d’Édouard Philippe, résume l’état d’esprit des professionnels de la petite enfance, dont beaucoup se disent « ébahis » par le silence du gouvernement sur ce secteur pourtant essentiel. Plus généralement, beaucoup d’élus se sentent ce matin désemparés après l’annonce hier d’un déconfinement presque général, qui va mécaniquement faire exploser les demandes… alors que le protocole sanitaire, très strict, n’évolue pas.
Crèches : « Toute les demandes ne seront pas exaucées »
Élisabeth Laithier, adjointe au maire de Nancy et co-présidente du groupe de travail Petite enfance de l'AMF, s’en étonne aussi ce matin : « Pas une seule fois le mot ‘’crèches’’ n’a été prononcé hier lors de conférence de presse. Les élus, les CCAS, les assistantes maternelles, tout le monde est perdu : le 2 juin, c’est mardi, entretemps il y a le week-end de la Pentecôte, et les gestionnaires ne savent pas comment ils vont faire. »
Explication : le protocole mis en place au moment du 11 mai reste en vigueur, et il impose des règles très strictes en matière de distanciation et d’organisation de l’espace et des flux. Jean-Michel Blanquer l’a dit hier : la réouverture des écoles – et, par extension, des crèches même s’il ne l’a pas dit – se fera « dans le respect du protocole ».
« Le protocole, pour les crèches, ce sont des groupes de 10 maximum », rappelle Élisabeth Laithier. Et c’est aussi le fait que les personnels classés « à risque » ne travaillent pas. « Nous n’aurons ni assez de place, ni assez de personnel pour faire face à la demande, anticipe l’élue, et j’affirme que mardi, nous ne pourrons pas accueillir tous les enfants dont les parents ont fait une demande. » À Nancy, il y aura « plus de 100 demandes qui ne seront pas exaucées », et la situation est la même, a pu constater Élisabeth Laithier, « à Lyon, à Toulouse, à Bordeaux, à Versailles… ». À Lyon, par exemple, l’homologue d’Élisabeth Laithier lui a témoigné qu’elle pouvait espérer passer de 30 % à – peut-être – 50 % de la capacité d’accueil normale. « Il va donc y avoir un vrai hiatus entre les besoins et l’offre que nous pourrons assumer. »
Conclusion : nombre de parents ne vont pas trouver de places en crèche, et ne pourrons donc pas retourner travailler le 2 juin. À Nancy, la mairie délivre déjà des attestations pour leur permettre de justifier cette difficulté face à leur employeur.
Écoles : « Les collectivités ne seront pas en mesure d’accueillir tout le monde »
Dans les écoles, la question se pose de la même manière, avec les mêmes difficultés attendues. Agnès Le Brun, maire de Morlaix et rapporteure de la commission Éducation de l’AMF, l'explique à Maire info. « Tout le monde a retenu que toutes les écoles vont rouvrir dans le pays. Mais comme le protocole sanitaire reste le même, ni les enseignants ni les collectivités ne seront en mesure d’accueillir tout le monde. Prenez la question de la demi-pension : les groupes sont toujours limités à 15, sans brassage entre les classes. Comment fera-t-on s’il faut accueillir tous les élèves ? On fait 5 services, 6 ? On fait manger les enfants à 3 heures de l’après-midi ? »
Et là encore, ce sont les maires qui vont être rendus responsables de la situation – ce qui pour certains, alors que la campagne du second tour débute, est réellement un cadeau empoisonné. « Je reçois déjà des mails de parents qui se disent ‘’furieux’’ que l’on refuse une place à la cantine à leur enfant alors que le ministre a dit que tout le monde devait être accueilli », raconte Agnès Le Brun.
La maire de Morlaix ne partage pas davantage la volonté gouvernementale de demander aux communes, pour pallier le manque de place et de personnel dans les écoles, d’organiser les fameux « 2S2C » (sport-santé-culture-civisme), c’est-à-dire des activités en complément des apprentissages, sur le temps scolaire, dans d’autres locaux que les écoles – alors que le temps scolaire n’entre pas dans le champ des compétences légales des communes. Jean-Michel Blanquer l'a dit hier : « Nous développerons particulièrement au mois de juin le programme 2S2C, a déclaré hier le ministre, qui doit permettre d’avoir des activités conçues avec les communes avec le soutien de l’État. (…) En d’autres termes, les élèves pourront être soit en classe en petits groupes, soit dans ce type d’activités. »
« Il nous revient donc d’organiser les 2S2C. Avec quel personnel ? Avec quel budget ?, demande Agnès Le Brun. Nous avons eu le plus grand mal à savoir quelle serait l’aide apportée par l’État, il s’avère finalement que c’est 110 € par vacation de 6 heures. C’est totalement insuffisant. »
Avec, de plus un problème très concret rencontré par les élus qui cherchent à recruter des animateurs : le service d’interrogation du casier judiciaire est fermé depuis le 16 mars. « Recruter des animateurs sans avoir la possibilité de vérifier que tout va bien, c’est tout de même un problème », souligne la maire de Morlaix.
Les services de l'AMF confirment ce matin que les difficultés soulevées par les deux élues sont partagées par bien des maires. Les semaines à venir s’annoncent, indiscutablement, compliquées pour les élus sur ces questions.
F.L.
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