Rénovation des ponts par les communes : le gouvernement n'envisage pas de soutien financier supplémentaire
Par Franck Lemarc
C’est à la suite des « alertes » des maires de son département (la Seine-Maritime), que la sénatrice Catherine Morin-Desailly a interpellé le gouvernement : après le plan de diagnostic des ponts lancé en 2021, de nombreux ouvrages ont été identifiés comme nécessitant des travaux parfois importants. Dans certains cas, les maires doivent conduire des études complémentaires, qui « ne sont pas prises en charge au titre de la Dsil », a rapporté la sénatrice. En attendant, l’état de certains ponts est tellement préoccupant que certains maires ont dû « adopter des arrêtés de limitation du tonnage, ce qui a des conséquences sur la fluidité du trafic routier et des services publics – ambulances, pompiers, ramassage scolaire, service de collecte des ordures ménagères, etc. ».
Mais c’est surtout le coût de la rénovation elle-même qui pose problème. Il est en grande partie à la charge des communes, malgré des solutions de financement proposée par la Banque des territoires, des aides au titre de la Dsil ou la possibilité de mettre en place un fonds de concours avec l’EPCI de rattachement. La mission sénatoriale pilotée par Hervé Maurey, en 2019, avait demandé instamment dans son rapport la mise en place d’un « fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ouvrages d'art ». La sénatrice a demandé au gouvernement quelle serait la suite donnée à cette demande.
Programme national ponts
Rappelons que la question de la sécurité des ponts a été cruellement remise au centre des préoccupations par l’effondrement du pont Morandi de Gênes, le 14 août 2018, qui avait fait 43 morts. Un an plus tard, le sénateur de l’Eure Hervé Maurey tirait le signal d’alarme en indiquant qu’au moins « 25 000 ponts en France » (sur 200 000, dont la moitié est gérée par le bloc communal) sont « en mauvais état structurel ». Le sénateur appelait alors à un « plan Marshall sur dix ans », pour éviter qu’un drame comparable à celui de Gênes se produise en France.
Une des réponses du gouvernement a été de lancer le PNP (programme national ponts) sous l’égide du Cerema, en 2021. Il s’agissait d’une vaste enquête s’adressant à quelque 28 000 communes, le Cerema organisant des visites d’expert sur les différents ouvrages d’art de ces communes et fournissant un « carnet de santé » de ces ouvrages. Si ces interventions ont été gratuites, le plan, en revanche, ne prévoyait en effet pas de financement ni pour des visites complémentaires ni, surtout, pour les travaux de rénovation.
Constat aggravé
En juin dernier, un nouveau rapport sénatorial révisait encore à la hausse les sombres prévisions d’Hervé Maurey, estimant que ce ne sont pas « 25 000 ponts » qui sont en mauvais état mais plutôt « 30 à 35 000 ». Selon ce rapport, 23 % des ponts du bloc communal seraient concernés. Et les sénateurs pointaient encore une fois l’absence de financement pour accompagner les collectivités, en estimant que les dépenses à prévoir par le seul bloc communal s’échelonneront entre 2,2 et 2,8 milliards d’euros.
La demande d’un « fonds pérenne » de 350 millions d’euros la première année puis de 120 millions d’euros par an pendant dix ans étaient réitérée par le Sénat. Sans oublier la demande logique que ces dépenses de maintenance des ponts deviennent des dépenses d’investissement et non de fonctionnement, afin que les communes puissent profiter du FCTVA.
Pas de fonds spécial
La réponse à la question de la sénatrice Morin-Desailly décevra plus d’un maire. La secrétaire d’État chargée de la Ruralité, Dominique Faure, a clairement répondu qu’il « n’existe pas d’enveloppe consacrée au financement de (ces) travaux ». La secrétaire d’État a rappelé ce que l’on savait déjà, à savoir l’existence de prêts de la Banque des territoires (dispositif Mobi prêt), et la possibilité de mutualiser les dépenses entre plusieurs communes via des « sociétés de projet ». Elle a également dressé un bilan du Programme national ponts, indiquant que la phase d’évaluation des ouvrages les plus sensibles avait concerné, à la fin de l’été 2022, « 5 649 communes ».
Dominique Faure a certes affirmé que « le gouvernement restera attentif aux difficultés que pourraient rencontrer certaines communes », ce qui ne reste qu’une formule. « Il faut créer un fonds spécial ! », s’est écriée Catherine Morin-Desailly après cette réponse évasive de la secrétaire d’État. Cela n’est, apparemment, pas à l’ordre du jour.
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