Rencontre des communes nouvelles à l'AMF : retours d'expérience et questions de porteurs de projets
Par Lucile Bonnin
Au 1er janvier 2021, la France comptait 778 communes nouvelles. La plupart ont été créées entre 2015 et 2018, dans le cadre de la loi portée par l’ancien président de l’AMF, Jacques Pélissard, et la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune.
Cette dynamique de création de communes nouvelles a été naturellement ralentie par l’approche des élections municipales et la crise sanitaire. Pourtant, cet épisode compliqué aura permis de constater à quel point la commune nouvelle peut se montrer efficace, selon Philippe Chalopin, maire de la commune nouvelle de Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire) et co-président, avec Paul Carrère, du groupe de travail de l’AMF consacré aux communes nouvelles.
Françoise Gatel, sénatrice qui a porté la loi de juillet 2019 « visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires » (lire Maire info du 26 juillet 2019), a dit son souhait « que ce phénomène s’amplifie car c’est un atout, notamment pour renforcer et consolider nos ruralités. Je ne connais pas de commune nouvelle qui pense avoir fait une erreur. La commune nouvelle, c’est l’exemple même de la confiance faite aux élus. »
Des échanges enrichissants
La rencontre d’hier a permis à de nombreux maires qui ont déjà « sauté le pas » de témoigner. Paul Carrère, maire de la commune nouvelle de Morcenx-la-Nouvelle, dans les Landes, explique qu’il n’existe que deux communes nouvelles pour l’instant dans son département. Pourtant, « des territoires veulent un retour d’expérience, assure-t-il. Il faut rassurer ceux qui veulent se lancer dans l’aventure et des témoignages peuvent tordre le cou à de fausses idées qui ont été véhiculées ça et là ».
La principale réticence porte d’ailleurs sur la perte d’identité des communes déléguées et sur un potentiel amoindrissement du rôle des maires de ces dernières. Christine Burch-Boileau, première adjointe au maire de la commune nouvelle de Sèvremont (Maine-et-Loire) s’interroge : « Comment est vécue l’évolution des pouvoirs des maires délégués dans les communes nouvelles ? » Virginie Carolo-Lutrot, maire de Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime) répond à cette interrogation : « Nous avons laissé toute la place aux communes déléguées et avons mis en place un conseil communal. Il y a une force vive qui reste dans les villages, malgré la fusion des communes, qui ne sont pas, il faut le rappeler, absorbées ».
Philippe Chalopin insiste : « Les communes déléguées doivent conserver une entité pour conserver aussi leur identité. Dans chaque commune déléguée, nous avons gardé nos quinze conseils, je conseille de conserver ces conseils consultatifs. Il ne faut pas oublier que le regroupement de communes, c’est aussi une richesse d’hommes et de femmes supplémentaires. » Une commune nouvelle est en somme « une commune singulière qui repose sur la pluralité », résume Jean-Marc Vasse, maire de Terre-de-Caux (Seine-Maritime) et maire référent de l’AMF sur les communes nouvelles.
Autre question d’un maire : quel est l’avantage d’une commune nouvelle par rapport à une mutualisation dans le cadre d’un syndicat type Sivom ? À cela, Philippe Chalopin rappelle qu’un « syndicat n’est pas une collectivité. La décision dans les syndicats peut se prendre de manière autoritaire, alors que dans une commune on a l’habitude de partager la décision. » Virginie Carolo-Lutrot résume avec humour : « Le syndicat, c’est des fiançailles… c’est une bonne façon de commencer à travailler ensemble. Mais on ne peut pas rester fiancés toute sa vie, si on est bien ensemble, il faut se marier ! ».
Joël Balandraud, maire d’Évron (Mayenne), explique qu’avant de former une commune nouvelle en 2019, Châtres-la-Forêt, Saint-Christophe-du-Luat et Évron avaient mutualisé de nombreux services. « La commune nouvelle représente des avantages de facilité d’action et semblait être l’étape finale de cette collaboration », explique t-il.
Retours d’expériences et nouveaux enjeux
Des élus se sont interrogés sur le bien-fondé d’un référendum avant la construction d’une commune nouvelle. Laurence Perez, maire du village de La Motte-de-Galaure (Drôme), a pour projet de former une commune nouvelle avec le village de Mureils. Elle raconte qu’un village voisin de 160 habitants, qui faisait initialement partie du projet, a organisé un référendum qui a donné 75% de « non ». La commune a donc quitté le navire…
« La question du référendum ne vaut que s’il y a une expression réelle, rappelle Jean-Marc Vasse. Le vrai sujet du référendum, c’est la question de la participation ». D’autant plus que le sujet du regroupement des communes est très technique. Dans le cas de la commune de Port-Jérôme-sur-Seine, un questionnaire avait été envoyé aux habitants avec des questions sur leurs priorités et leurs craintes, et la maire estime que « la bonne question à poser » aux habitants est : « Qu'est-ce que le service public pour vous ? ». Un bon moyen d’intégrer les citoyens dans ce processus et de mettre en place une sensibilisation autour de ce nouvel enjeu.
Un nouveau point sensible a été ensuite évoqué, qui concerne la loi SRU. Franck Villand, maire de la commune nouvelle Porte-de-Savoie (Savoie), se souvient de son désarroi lorsqu’il a appris que sa commune nouvelle se retrouvait brutalement soumise aux obligations de cette loi en termes de logements sociaux, puisque le regroupement de communes lui avait passer le seuil des 3500 habitants. « Il faut que l’État prenne en compte nos spécificités ! », interpelle Philippe Chalopin. Pour la commune nouvelle de Thue-et-Mue (Normandie), un système dérogatoire a pu être établi car, selon son maire Michel Lafont, le préfet du Calvados a fait preuve de compréhension.
Présent lors de cette réunion, Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales, a pris note de ce problème. Il a rappelé que « les services de l’État ont toujours été en soutien à la commune nouvelle. Des textes successifs ont apporté des changements » comme la prolongation du « pacte de stabilité » de 3 ans pour les futures communes nouvelles. Mais le représentant de l’État n’a pas annoncé de nouvelles évolutions législatives ou réglementaires à court terme : « Les derniers textes datant de 18 mois, il n’y a pas de modification législative prévue », notamment sur les questions financières, ajoute t-il, estimant qu’il faut un peu de « stabilité pour donner de la visibilité aux élus ».
Communes nouvelles : un projet de long terme
La création d’une commune nouvelle est un long processus. Pour Morcenx-la-Nouvelle (Landes), il aura fallu « 18 mois de préparation et de concertation », selon son maire. De nombreuses étapes sont à suivre notamment celle de la rédaction d’une charte, qui est « essentielle » pour les maires. Joël Barbery, maire de Cazoulès (Dordogne), petit village qui va bientôt fusionner avec deux autres communes, insiste sur la nécessité d’élaborer une charte solide. « Il y a eu 10 rédactions de notre charte avant qu’elle soit validée par les conseils municipaux. Ce travail mène à une obligation de transparence et est aussi nécessaire car c’est un outil de communication vis à vis des habitants qui ont, eux aussi, accès à la rédaction. »
Ce projet territorial exigeant porté par les élus, les personnels et la population, mérite un accompagnement. C’est notamment pour cela que l’AMF, en partenariat avec Territoires Conseils, a présenté ce jour un guide de bonnes pratiques à l’usage des élus porteurs d’un projet de création de communes nouvelles. Il a pour objectif de proposer des méthodes, des pistes de réflexions, des clés et des outils pour réussir un tel projet. En accès libre sur le site de l’AMF, les maires et leurs équipes peuvent s’approprier cet ouvrage inédit pour appréhender au mieux les enjeux d’une transformation en commune nouvelle. Rendez-vous maintenant au congrès de l'AMF, le mercredi 17 novembre à 14 h 30, pour un forum consacré aux communes nouvelles, « élan durable pour les territoires ».
La rencontre des communes nouvelles du 6 octobre sera visible en replay sur le site de l’AMF dans les tout prochains jours.
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