Régionales : abstention record et statu quo en métropole, alternance outre-mer
Par Franck Lemarc
Ces élections régionales auront, décidément, déjoué bien des pronostics : il était prévu une percée du Rassemblement national – il n’a remporté aucune région et a perdu des voix. On pensait, depuis quelques années, que le clivage gauche-droite était en voie de disparition – il apparaît, dans la foulée des municipales, que ce n’est nullement le cas. Les partis traditionnels que sont Les Républicains et le Parti socialiste sortent, au final, vainqueurs de ce second tour, où presque tous les présidents de région sortants ont été reconduits.
Abstention comparable à celle du premier tour
Le ministère de l’Intérieur n’a pas encore publié les chiffres officiels de l’abstention, mais ils seront comparables à ceux de dimanche dernier. Selon les estimations, le taux d’abstention à l’échelle nationale sera compris entre 64 et 66 %. Dans plusieurs régions, le taux d’abstention a été inférieur d’environ un point, seulement, à celui de dimanche dernier, qui confirme que l’abstention « abyssale » du premier tour n’a pas été un accident, comme le montre le graphique ci-dessous.
La Corse a, hier comme au premier tour, largement plus voté que le continent (20 points de mieux), et le Grand-est reste la région où l’on vote le moins. La seule région dans laquelle une différence de participation un peu notable peut être constatée est Paca (+ 3 points de participation), seule région dans laquelle il y avait un risque réel que le Rassemblement national l’emporte.
Les présidents LR largement réélus
La droite conserve les sept régions qu’elle dirigeait déjà (Hauts-de-France, Normandie, Île-de-France, Grand Est, Pays-de-la-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes et Paca). Avec, dans trois régions, des scores supérieurs à 50 % pour des candidats Les Républicains. Le candidat le mieux élu de la droite a été Renaud Muselier en Paca : le président de Régions de France, opposé au RN Thierry Mariani et servi par le désistement des listes de gauche, a obtenu 57,3 % des voix. C’était un des seuls duels à deux candidats du pays et, pour la deuxième fois consécutive, la gauche et les écologistes seront totalement absents de l’hémicycle régional.
Dans les Hauts-de-France, où avait lieu une triangulaire LR/RN/Union de la gauche, le président sortant Xavier Bertrand a réalisé un très confortable score de 52,37 % des suffrages. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a obtenu 55,17 % des voix, face à la gauche et au Rassemblement national, qui n’a obtenu que 11 % des suffrages.
Avec Valérie Pécresse, qui a largement remporté l’Île-de-France avec plus de 12 points d’avance sur la liste d’union de la gauche, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez ont, en remportant facilement leur élection régionale, franchi la première étape de leur course vers une investiture à l’élection présidentielle.
Dans les autres régions remportées par la droite, Hervé Morin (centre droit) garde son fauteuil en Normandie, tout comme Jean Rottner (LR) dans le Grand est et Christelle Morançais (LR).
Les régions PS restent au PS
Statu quo également à gauche, qui garde les cinq régions qu’elle dirigeait déjà (Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie).
Seule région avec la Nouvelle-Aquitaine dans laquelle avait lieu une « quinquangulaire » ou « pentangulaire » (cinq candidats), la Bretagne a élu le socialiste Loïg Chesnais-Girard avec un peu moins de 30 % des suffrages, tandis que le socialiste sortant François Bonneau, en Centre-Val-de-Loire, a gardé son fauteuil avec 39,15 % des voix. En Nouvelle-Aquitaine, François Rousset – qui dirige la région depuis 1998 – a également été réélu avec 39,5 % des suffrages, devant le Rassemblement national. En Occitanie, Carole Delga (PS) a été très confortablement élue avec 57,8 % des suffrages, laissant la liste du RN plus de 30 points derrière. En Bourgogne-Franche-Comté, enfin, Marie-Guite Dufay, garde son siège de présidente de la région dans le cadre d’une quadrangulaire avec 42,2 % des suffrages, le RN étant relégué en troisième position.
Corse : le poids des nationalistes
En Corse, l’ancien président de l’assemblée locale Gilles Simeoni a été réélu avec plus de 40 % des voix. Il est notable que la quadrangulaire du second tour a vu s’affronter pas moins de trois candidats indépendantistes et un candidat de droite. À eux trois, les candidats indépendantistes représentent 68 % des suffrages, confirmant l’ancrage profond de cette tendance dans la population corse – d’autant que, répétons-le, l’abstention y a été nettement moins forte qu’ailleurs.
Le Rassemblement national en échec
Malgré les appels à la mobilisation des cadres du RN, qui avait vertement tancé leurs électeurs aimablement qualifiés « d’amorphes », la semaine dernière, il n’y a pas eu de sursaut pour le RN. Pourtant donné potentiel vainqueur par les sondages, il y a trois semaines encore, le parti de Marine Le Pen se retrouve lui aussi victime de la vague abstentionniste – ce qui est probablement le fait politique majeure de ce scrutin. Même dans les régions où il est le plus fort, le RN voit ses scores baisser drastiquement aussi bien en voix qu’en pourcentages : 23,8 % en Bourgogne-Franche-Comté, 26,3 % dans le Grand est, 25,6 % dans les Hauts de France. Dans ces trois régions, le parti de Marine Le Pen avait obtenu, en 2015, 32,44 %, 36,08 % et 42,23 %. C’est dans les Hauts-de-France que la chute est la plus brutale : le RN voit son nombre de voix divisé par trois, passant de 1,01 million de voix pour Marine Le Pen en 2015 à 346 000 voix pour Sébastien Chenu, hier.
La République en marche à l’arrêt
L’autre grand perdant de ce scrutin est le parti présidentiel, qui, à l’échelle des régions où il restait en lice pour le second tour, obtient avec son allié du MoDem moins de 12 % des suffrages. Il ne passe la barre des 10 % ni en Bourgogne-Franche-Comté (9,79 %), ni en Île-de-France (9,62 %), ni en Pays-de-la-Loire, où l’ancien ministre François de Rugy essuie un échec cuisant avec 8,2 % des voix. Les trois ministres qui restaient en lice au second tour (Geneviève Darrieussecq, Brigitte Klinkert et Marc Fesneau) arrivent tous derniers du second tour en Nouvelle-Aquitaine, Grand est et Centre-Val-de-Loire.
Basculement dans toutes les collectivités ultramarines
Contrairement à la métropole, les collectivités d’outre-mer ont fait jouer l’alternance. C’est le cas en Guyane, où la liste d’union de la gauche menée par Gabriel Serville a détrôné le président sortant de la collectivité territoriale de Guyane, Rodolphe Alexandre, avec 54,8 % des voix. C’est une relative surprise, dans la mesure où l’ancien président était largement en tête à l’issue du premier tour.
Même scénario à La Réunion, où l’union de la gauche menée par Huguette Bello l’a emporté d’une courte tête contre le président sortant de la région, Didier Robert (Union des droites et du centre). Huguette Bello a remporté le scrutin avec 51,8 % des suffrages, dans une île où l’abstention a été moins marquée qu’en métropole (53,5 %).
Alternance aussi en Martinique, où celui qui avait déjà été président de la région de 2010 à 2015, Serge Letchimy, va devenir le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale, en détrônant Alfred Marie-Jeanne. L’ancien maire de Fort-de-France a donc rejoué, en sens inverse, le scrutin de 2015, où il avait été battu par Alfred Marie-Jeanne. Cette fois, Serge Letchimy l'a emporté de deux points seulement, à la faveur d’une triangulaire.
Les résultats complets et définitifs des élections départementales seront connus dans la journée, Maire info reviendra demain en détails sur ce scrutin.
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