Réformes à venir : le Premier ministre donne des précisions sur la forme, mais pas sur le fond
Par Franck Lemarc
Si le Premier ministre, dans l’interview qu’il a donnée au Parisien hier, ne fait pas d’annonce réellement nouvelle, il donne du moins le calendrier législatif des mois à venir, avec plusieurs projets de loi qui seront présentés. Calendrier dans lequel, peut-on remarquer, ne figure pas le texte sur le statut de l’élu, pourtant promis par Élisabeth Borne pour le premier semestre. Cela ne signifie pas, naturellement, que le projet de loi ne sera pas présenté, mais il n’apparaît pas au rang des « priorités » mises en avant par le nouveau locataire de Matignon.
Simplification et normes
Le sujet de la « simplification » est, en revanche, au centre de cette interview. Gabriel Attal avait annoncé lors du discours de politique générale que les comités et commissions « inutiles » allaient être supprimés – il précise dans l’interview que le gouvernement en a identifié « une quarantaine » . Il annonce également que « 250 procédures de la vie quotidienne » vont être simplifiées. En matière de logement, « simplification » également avec, « d’ici quelques jours » , l’annonce des 20 territoires où le gouvernement va expérimenter « une simplification drastique de toutes les procédures pour qu’on puisse y construire rapidement des logements » , avec un objectif de 30 000 en trois ans. Il faudra regarder de près cette expérimentation, afin de savoir à quel étage de décision le gouvernement souhaite supprimer ou raccourcir, l’expérience de ces dernières années ayant montré que le gouvernement est prompt à sacrifier l’avis des maires sur l’autel de la « simplification ».
Sur la modification de la loi SRU annoncée, le Premier ministre ne donne pas de précisions, si ce n’est que celle-ci sera présentée « avant l’été ».
Gabriel Attal revient également sur le chantier de la suppression des normes, et annonce « avant l’été » un « projet de loi Macron 2 », référence à la loi Macron du 6 août 2015 « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances » , à l’époque où l’actuel président de la République était ministre de l’Économie. C’est cette loi, notamment, qui a libéralisé le transport interurbain routier et créé ce qui est resté sous le nom des « cars Macron ».
Dans son interview, le Premier ministre affirme que les normes représentent « 60 milliards d’euros de pertes économiques pour nos entreprises » . Ce chiffre a de quoi surprendre. D’où vient-il ? En dehors de la très libérale fondation Ifrap, qui brandit dans chacune de ses publications un chiffre de « 80 milliards » d’euros comme « coût de la sur-administration » , le chiffre de 60 milliards semble venir du lointain rapport de la commission Attali de 2010. Cette commission nommée par Nicolas Sarkozy, rappelons-le, avait pour nom « Commission pour la libération de la croissance française » … et Gabriel Attal, dès le début de son interview d’hier, parle du futur projet de loi Macron 2 comme d’un texte permettant de « libérer la croissance » – la filiation semble claire.
Mais il faut noter que dans son rapport, Jacques Attali ne parle pas de 60 milliards de « pertes pour les entreprises » . Il écrit que « le coût engendré par la complexité normative (…) est estimé à 60 milliards d’euros » , à l’échelle de la nation toute entière, ce qui n’est pas du tout la même chose – une bonne partie de ce coût étant supporté par l’État lui-même, par exemple.
Jeunesse
Concernant la jeunesse, il n’y a pas d’annonce nouvelle dans l’interview au Parisien, si ce n’est, en matière « d’autorité » que le gouvernement réfléchit à pouvoir appliquer « des sanctions éducatives beaucoup plus tôt, sans attendre de convoquer un conseil de discipline » . Il a également l’ambition de « réfléchir à l’évolution du cadre dès le primaire ».
Les mesures sur la justice des mineurs (travaux d’intérêts éducatifs dès 13 ans) seront présentées « au printemps ». C’est également au printemps que seront expérimentés les « internats gratuits » sous l’égide des départements, « sur simple accord des parents ».
Sécurité
Au mois de mars, annonce le Premier ministre, un « grand plan anti-stups » sera présenté, en particulier destiné aux « villes moyennes » , qui sont « victimes d’un tsunami blanc avec une arrivée massive de cocaïne » . Par ailleurs, une « nouvelle stratégie de lutte contre les cambriolages » sera présentée « avant les départs en grandes vacances » , sans plus de précisions.
Santé et social
Sur la santé, Gabriel Attal a rappelé qu’il entend mettre en place, d’ici l’été, « dans tous les départements », un SAS (service d’accès aux soins), plateforme téléphonique permettant d’être orienté vers la médecine de garde ou l’hôpital, ou encore de bénéficier rapidement d’une visio-consultation. Si, dans certains territoires, les médecins libéraux « ne jouaient pas le jeu », le Premier ministre « n’exclut pas de réintroduire les obligations de garde » .
En matière sociale, pour lutter à la fois contre « la fraude et le non-recours » , le gouvernement va expérimenter « le pré-remplissage des formulaires de la prime d’activité et du RSA » : « L’État est capable de savoir combien vous gagnez pour prélever vos impôts, il doit être capable de savoir combien vous gagnez pour verser les aides auxquelles vous avez droit ».
À la rentrée prochaine, le gouvernement présentera « un projet de loi pour l’acte II de la réforme du marché du travail » . Il faudrait d’ailleurs, plutôt, parler de l’acte III, le premier ayant été la publication des ordonnances de 2017 réformant le Code du travail, et le deuxième la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail. Objectif affiché par le Premier ministre : « Faire en sorte que l’écart entre travail et inactivité soit toujours plus important. »
Déficit
Gabriel Attal a confirmé les annonces du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui prévoit une ponction considérable de l’ordre de 12 milliards d’euros dans le budget pour 2025. « Nous devrons tous faire des efforts pour éviter la catastrophe » , estime Gabriel Attal, y compris « les collectivités ». Le Premier ministre n’évoque toutefois pas, pour l’heure, de ponctions sur leurs dotations, mais plutôt des économies de fonctionnement. Il estime par exemple à « un milliard d’euros par an » le coût des collectivités « qui font toujours travailler moins de 35 h leur personnel » , ajoutant : « Peut-on continuer ainsi ? »
Il faut noter, une fois encore, que le terme de « décentralisation » n’est pas utilisé une seule fois dans cette longue interview, alors même que la mission pilotée par Éric Woerth doit rendre ses conclusions dans la semaine à venir. Ce sujet semble bien, manifestement, en dehors des radars du nouveau Premier ministre.
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