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Édition du jeudi 23 février 2023
Réforme des retraites

Réforme des retraites : plusieurs dispositions courent un risque d'inconstitutionnalité

Avant l'examen du projet de réforme des retraites à l'Assemblée, le Conseil d'État a mis en garde le gouvernement dans une note restée confidentielle : certaines mesures pourraient être contraires à la Constitution. L'une d'entre elles concerne les agents contractuels titularisés dans la fonction publique. 

Par A.W.

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Le gouvernement a ignoré plusieurs alertes émises par le Conseil d’État à l’encontre de certaines mesures du projet de réforme des retraites. C’est ce que révèle une note produite, par la haute juridiction en amont de l’examen du texte à l’Assemblée et restée confidentielle, qu’ont pu consulter Le Point et Le Monde. Une information qui a, depuis, été confirmée à l’AFP par « Matignon et une source proche du dossier ».

Agents contractuels, index seniors, suivi médical…

Les auteurs de cette note – récupérée initialement par les députés de l’Essonne et du Rhône, Jérôme Guedj (PS-Nupes) et Cyrille Isaac-Sibille (MoDem), en tant que co-présidents de la mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale - laisse entendre que la loi sur la réforme des retraites courrait donc le risque d’être retoquée, au moins en partie, par le Conseil constitutionnel. 

Vendredi dernier, lors des discussions dans l’Hémicycle sur le texte, Jérôme Guedj y avait d’ailleurs fait rapidement allusion en expliquant l’avoir obtenu en se rendant « au secrétariat général du gouvernement »  alors que, jusque-là, « le gouvernement refusait de [la lui] communiquer ». Et celui-ci de « regrette[r] que ce document, qui aurait pu éclairer nos débats, ne nous ait pas été communiqué plus tôt ».

Ces mises en garde visent plusieurs articles du projet de réforme dont les mesures concernant l’index sur l’emploi des seniors, le transfert à l’Urssaf du recouvrement des cotisations de retraites complémentaires Agirc-Arrco ou encore « le suivi médical renforcé de salariés exposés à des « risques ergonomiques »  (postures pénibles, etc.) ».

Une dernière alerte vise la disposition qui donnerait « la possibilité aux agents contractuels, qui deviennent fonctionnaires, de se prévaloir d’une partie de leur carrière avant la titularisation pour leurs droits à la retraite », précise Le Monde, dans son article. Ces dernières mesures pourraient être considérées comme des « cavaliers », selon l’avis du Conseil d’État. 

Fragilités juridiques

L’institution du Palais-Royal a donc proposé de retirer les dispositions pouvant poser des problèmes juridiques, leur présence dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) - le véhicule législatif choisi par le gouvernement pour faire passer sa réforme - n’étant pas justifiée, à ses yeux.

En effet, si ce véhicule législatif permet d’encadrer la durée des débats au Parlement, il exige que les mesures y étant associées aient un impact sur les comptes de la sécurité sociale pour 2023. Or, l’impact financier de certaines dispositions sur les finances publiques serait largement incertain pour cette année. 

S’agissant de la disposition instituant un index seniors, le Conseil d’État estime que la dimension financière de cette mesure n’est « pas assez caractérisée pour qu’elle soit logée dans un texte à caractère budgétaire », celle-ci relevant davantage d’un « mécanisme ayant trait à l’emploi et relevant, donc, d’une loi ordinaire ».

Un dispositif qui n’a d’ailleurs pas reçu l’assentiment des députés puisque l’article 2 du PLFRSS, consacrant cet index seniors, a été assez largement rejeté par les députés lors de son examen dans l’hémicycle.

Réintégré depuis dans la version envoyée au Sénat, il prévoit que, « dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, l’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs à l’emploi des salariés âgés ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise ».  La non-publication de cet index serait passible d’une « pénalité ».

De la même manière, l’article 3 du texte prévoyant l'annulation à partir de 2024 du transfert de recouvrement des cotisations des retraites complémentaire Agirc-Arrco à l'Urssaf n’aurait un véritable impact que l’année prochaine. Son intégration dans le PLFRSS pour 2023 serait donc tout aussi problématique.

Un texte « valide », selon l’exécutif 

Une analyse que n’approuve pas le gouvernement. C’est pour cette raison qu’il a décidé de les maintenir. « Nous considérons que le texte a vocation à être valide d’un point de vue constitutionnel », a ainsi fait valoir, hier, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, à l’issue du conseil des ministres

Egalement interrogé directement, Matignon estime que l’index seniors « a sa place »  dans un texte financier car « le produit de la pénalité viendra alimenter dès 2023 la Caisse nationale d'assurance-vieillesse ». Et si la mesure venait à être censurée, l'exécutif prévoit de la réintroduire dans « un projet de loi relatif au plein-emploi »  qui serait présenté au printemps. 

S’agissant de l’article 3, il estime avoir « la possibilité de l’intégrer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 », dans le cas où celui-ci serait retoqué par le Conseil constitutionnel. 

Pour rappel, le texte prévoit notamment la hausse d'un point des cotisations retraites des employeurs de la fonction publique territoriale et hospitalière, à partir de 2024. Une décision qui a été prise unilatéralement par le gouvernement alors qu’il avait promis qu’une telle augmentation n’était pas à l’ordre du jour. Celle-ci devrait représenter une charge de quelque 460 millions d’euros pour les collectivités que le gouvernement s’est engagé à compenser (dans un courrier de la Première ministre adressé à l'AMF). Le véhicule législatif de cette compensation reste, toutefois, inconnu à ce jour.

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