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Édition du mercredi 19 octobre 2022
Fiscalité locale

Réforme de la taxe d'habitation : le Conseil constitutionnel juge conforme la compensation des EPCI issus de fusion

Les Sages estiment que les EPCI issus de fusion réalisée après 2017 - date référence pour le calcul de la compensation à la suite de la réforme de la taxe d'habitation - et incluant au moins un EPCI à fiscalité additionnelle ont bien été compensés intégralement.

Par A.W.

Le gouvernement ne devra pas revoir, une nouvelle fois, son mécanisme de compensation de la taxe d’habitation destiné aux collectivités. C’est ce qu’a conclu le Conseil constitutionnel, dans une décision publiée la semaine passée, après avoir été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) cet été. 

Contrairement aux communes membres d'un syndicat qui ont fait reconnaître, en début d’année, leur sous-compensation à la suite de la réforme de la taxe d'habitation, les EPCI issus de fusions réalisées après 2017 n’ont pas obtenu gain de cause sur un enjeu particulièrement complexe.

Principes d’égalité et d’autonomie financière en jeu

À l’origine de cette QPC, la communauté d'agglomération Vienne Condrieu Agglomération (Auvergne-Rhône-Alpes) qui reprochait aux dispositions inscrites dans la loi de finances pour 2020 – instituant la suppression de la taxe d’habitation – , de ne pas compenser intégralement la perte de ressources subie par un EPCI à fiscalité propre issu d’une fusion impliquant un EPCI à fiscalité additionnelle, lorsque cette fusion est intervenue après 2017.

En cause, l’absence de prise en compte dans le calcul de la compensation des mécanismes issus de la réforme de la taxe professionnelle, à savoir « la revalorisation du taux intercommunal de taxe d'habitation dont l'établissement doit bénéficier du fait de cette fusion »  ainsi que « la majoration des attributions de compensation que le nouvel établissement public doit verser aux communes membres de l'ancien EPCI à fiscalité additionnelle »  étant donné que, pour dédommager ces établissements, c’est cette année 2017 qui a été retenue comme référence (du taux intercommunal de taxe d’habitation) pour le calcul de la compensation.

Il y aurait donc, aux yeux de Vienne Condrieu, une différence de traitement entre les EPCI issus d’une fusion en 2018 avec au moins un EPCI à fiscalité additionnelle et les autres EPCI à fiscalité propre. De ce fait, les principes d'égalité devant la loi et devant l'impôt auraient été bafoués, mais aussi ceux de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales.

« Le législateur a considéré qu’en 2017 toutes les fusions d’EPCI était achevées », a exposé l’avocat du nouvel EPCI devant les membres du Conseil constitutionnel. Ce qui n’était pas le cas des anciennes communautés d’agglomération de Condrieu et de Vienne agglomération, dont la fusion n’a été finalisée qu’en 2018. 

« On se retrouve donc dans un conflit de textes et de compensation », a-t-il estimé, en soulignant que « l’agglomération de Vienne Condrieux compense les communes-membres de l’un des EPCI et l’État compense également pour les mêmes communes le manque à gagner. Ce qui fait que des communes sont deux fois compensées d’une perte de taxe d’habitation pour un montant global annuel de 1,2 million d’euros ». Et l’avocat de l’agglomération de préciser que « les communes sont directement impactées »  puisqu’il y a « des communes qui sont deux fois compensées et des communes qui, par le biais de cette adhésion à l’intercommunalité, vont payer pour cette compensation surabondante ». 

À l’échelle intercommunale, « pas de perte de recettes » 

« Après 2017 », a de son côté rappelé l’avocat de la Première ministre, le nouvel EPCI issu de la fusion d’un EPCI à fiscalité unique avec un EPCI à fiscalité additionnelle est « soumis au régime de la fiscalité professionnelle unique »  et est « tenu de verser aux communes membres de l’ancienne EPCI à fiscalité additionnelle une attribution de compensation correspondant à la réduction du taux de taxe d’habitation issue de la réforme de la taxe professionnelle, sans pouvoir bénéficier en contrepartie de la compensation par l’État de la fraction de taux de TH des communes qui n’appartenaient pas au nouvel EPCI ». À l’inverse, « les communes de l’ancien EPCI à fiscalité additionnelle bénéficient de la compensation d’un taux de taxe d’habitation qui a été transférée au bloc communal et qui leur est compensée par la majoration de compensation prévue par le Code général des impôts ».

Résultat, « la compensation versée au niveau de l’ensemble intercommunal est égale à celle qui aurait été versée si la compensation avait été calculée en référence au taux postérieur à la fusion », a assuré la défense du gouvernement.

Ainsi, « il n’y a pas de perte de recettes pour les communes et les EPCI concernés, l’État compensant le montant de la perte pour les communes comme pour les EPCI du produit de la TH à l’échelle intercommunale ». « L’EPCI peut donc assurer la neutralité de la répartition de la compensation entre collectivités en révisant les attributions de compensation versées aux communes », a-t-il souligné.

Taux intercommunal : l’année 2017, un « critère objectif » 

Estimant que le fait d’avoir choisi l'année 2017 comme année de référence du taux intercommunal de taxe d'habitation pour le calcul de cette compensation est un « critère objectif et rationnel », les Sages de la rue de Montpensier ont donné raison au gouvernement.

Selon eux, « si un EPCI à fiscalité professionnelle unique, issu d'une fusion postérieure à 2017 et impliquant un EPCI à fiscalité additionnelle, est susceptible de subir une perte de ressource équivalente à la surcompensation dont bénéficient certaines de ses communes membres »  du fait de la mise en œuvre des mécanismes de transfert de taux et de compensation issus de la réforme de la taxe professionnelle, « il n'en résulte pas pour autant une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».

En outre, ils ont écarté « le grief tiré de la méconnaissance des principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales », les EPCI ne constituant pas des collectivités « au sens de l'article 72 de la Constitution ».

À noter que l’avocat de la Première ministre n’a pu communiquer le nombre d’EPCI concernés par ce cas de figure lors de son audition.

Télécharger la décision.
 

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