Réforme des retraites : la journée décisive
Par Franck Lemarc
La commission mixte paritaire (CMP) s’est conclue, hier vers 18 heures, par un accord : les sept députés et sept sénateurs ont adopté un texte de compromis reprenant, pour l’essentiel, le texte du gouvernement, mais en conservant certains ajouts du Sénat et certaines dispositions supplémentaires demandées par le groupe Les Républicains. Pendant la CMP, dont un compte rendu partiel est disponible ce matin, le président du groupe LR de l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, s’en est félicité : « Les quelques exigences que nous avions fixées ont été entendues. »
Les dispositions pour les élus maintenues
Les élus retiendront de ce texte final que les deux principaux apports du Sénat les concernant ont été maintenus. D’une part, dans l’annexe au projet de loi, la phrase indiquant que le gouvernement s’engage à compenser dès cette année la hausse d’un point des cotisations employeurs à la CNRACL. Et, d’autre part, les dispositions concernant la retraite des élus locaux : tous les élus, s’ils le souhaitent, pourraient être « assujettis aux cotisations de Sécurité sociale de base sur les indemnités de fonction qu’ils perçoivent ». Jusqu’à présent, rappelons que les élus qui touchent moins de 1 833 euros d’indemnités et conservent un emploi par ailleurs ne cotisent, sur leurs indemnités, qu’à l’Ircantec.
Autre disposition importante conservée : le dispositif des rachats de trimestres serait étendu « aux périodes pendant lesquelles l’assuré a été membre de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ».
Ces dispositions, a déclaré en CMP la centriste Sylvie Vermeillet, « mettront un terme à l’injustice qui caractérise la retraite des élus locaux ». Pas entièrement tout de même, puisque les parlementaires ont déclarée irrecevable la proposition de l’AMF de faire en sorte que le régime « Ircantec élus » ne puisse plus interférer avec les autres régimes – ce qui génère, précisément, de graves « injustices ».
Les options sur la table
Et maintenant ? Sans surprise, le texte de la CMP a été adopté ce matin par les sénateurs, par 193 voix contre 114. Mais c’est à l’Assemblée nationale que le gouvernement doit trouver une majorité pour voter son projet de loi et, à l’heure où nous écrivons, nul n’est capable de savoir s’il y parviendra.
Plusieurs options sont sur la table. La première est celle du passage en force : si l’exécutif estime que les risques sont trop grands de ne pas obtenir la majorité – au dernier pointage, les choses pourraient se jouer à moins de cinq voix – il peut choisir de faire jouer l’article 49.3 de la Constitution. Avec un double risque. Risque politique, d’abord, parce que le passage d’un texte aussi crucial et aussi contesté via le 49.3 ne pourra être interprété autrement que comme un geste autoritaire. Risque pour la survie même du gouvernement, ensuite, parce que le 49.3 s’accompagne d’un vote de confiance, et que personne ne peut jurer, ce matin, que le gouvernement est certain d’obtenir la confiance du Parlement. Rappelons que si la confiance n’est pas voté, le gouvernement doit démissionner, ce qui se traduirait dans la foulée, a toujours assuré Emmanuel Macron, par une dissolution de l’Assemblée.
La deuxième option pour le gouvernement est de faire voter le texte. Là encore, c’est quitte ou double : si le texte recueille une majorité, aussi ténue soit-elle, il sera définitivement adopté. Ce qui ne signifie pas, d’ailleurs, que le mouvement social en cours s’arrêtera automatiquement – certains syndicats ayant déjà exprimé leur volonté de poursuivre la contestation même en cas d’adoption du texte. Si le texte est rejeté, en revanche, cela ne signe pas son arrêt de mort, puisque cela donnerait le départ à une nouvelle navette parlementaire. Mais ce serait un tel échec pour le gouvernement que le chef de l’État envisagerait, dans ces circonstances et selon des sources proches de l'Élysée, de dissoudre directement l’Assemblée nationale.
D’autres possibilités existent encore. Par exemple, le dépôt d’une motion préalable de rejet, avant le vote du texte. Si une telle motion était adoptée, cela mettrait fin aux débats. Le député centriste Charles de Courson envisageait, hier, de faire appel à ce procédé, en, sachant que sa position de centriste pourrait lui permettre de recueillir les suffrages aussi bien de la Nupes que du Rassemblement national.
Enfin, le gouvernement garde une ultime carte dans sa manche, bien que celle-ci ne soit plus évoquée depuis plusieurs jours : celle d’aller jusqu’au bout des dispositions de l’article 47-1 de la Constitution, qu’il a invoqué dès le début du processus parlementaire : cet alinéa de la Constitution dispose que si un projet de loi de financement de la Sécurité sociale n’est pas adopté par le Parlement 50 jours après son dépôt, le gouvernement peut le mettre en œuvre par ordonnance, c’est-à-dire sans débat. L’inconvénient majeur de cette stratégie – outre qu’elle apparaîtrait là encore comme un passage en force – est qu’elle revient à reculer pour mieux sauter : car tôt ou tard, une ordonnance doit être ratifiée par le Parlement, ce qui voudrait dire, dans quelques mois, la relance d’un débat qui aura déjà fait beaucoup de dégâts politiques pour le gouvernement.
Le pays, ce soir, aura probablement soit une réforme des retraites accouchée dans la douleur, soit plus de gouvernement. À moins que, si le texte est rejeté, celui-ci décide de repartir dans une nouvelle navette parlementaire, tout aussi incertaine.
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