Maire-info
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Édition du mercredi 19 juin 2024
Élections

Quels sont les scénarios possibles après les élections législatives ?

Quelle sera la situation politique au lendemain du second tour des élections législatives, le 8 juillet prochain ? Si la réponse à cette question dépend évidemment du résultat de ces élections, on peut néanmoins envisager un certain nombre d'hypothèses. Tour d'horizon. 

Par Franck Lemarc

Le calendrier, sauf coup de théâtre, est connu : le premier tour des législatives aura lieu le dimanche 30 juin, et le second tour le dimanche 7 juillet. Une fois connu le résultat, l’Assemblée doit se réunir « le deuxième jeudi qui suit son élection » , impose l’article 12 de la Constitution, relatif à la dissolution de l’Assemblée nationale. Ce sera donc le jeudi 18 juillet. 

Recours au Conseil constitutionnel

Ce calendrier peut-il être bouleversé ? Même si cela apparaît peu probable, ce n’est pas totalement impossible. En effet, de nombreux recours (pas moins de 16) ont été déposés devant le Conseil constitutionnel pour contester la date du premier tour du scrutin. Le site du Conseil constitutionnel permet de visualiser la liste des recours, mais pas leur contenu. On sait néanmoins qu’une partie au moins de ces requérants estime que la date du premier tour, le 7 juillet, ne respecte pas les délais fixés par la Constitution. 

Que dit celle-ci ? L’article 12 dispose que « les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ». A priori, le chef de l’État a donc fait les choses dans les règles : le décret de dissolution a été signé le 9 juin, le premier tour est fixé au 30 juin, soit 21 jours plus tard. Même en considérant que le délai court à partir de la date de publication du décret (10 juin), les vingt jours sont encore respectés. Mais les choses se compliquent, en revanche, si l’on considère que conformément à l’article 1 du Code civil, les décrets entrent en vigueur, sauf mention contraire, le lendemain de leur publication… soit le 11 juin. Sauf que cet argument, brandi par certains, ne tient pas : il est clairement indiqué, à la dernière ligne du décret, que celui-ci entre en vigueur « immédiatement ». 

Reste la question des territoires ultramarins, où le premier tour du scrutin sera organisé le samedi 29 juin. Là, il y a un vrai problème : entre le 10 juin, date de publication du décret, et le 29 juin, il n’y a que 19 jours. Il n’est pas totalement inimaginable que le Conseil constitutionnel estime que cela ne passe pas. 

Dans ce cas, il aurait deux solutions : ou bien ordonner que le scrutin doit avoir lieu le 30 juin y compris Outre-mer – ce qui aurait pour effet, décalage horaire oblige, de reporter la proclamation des résultats au lundi matin au lieu du dimanche soir. Ou bien de décaler le premier tour d’une semaine. Ce qui ne serait pas sans poser de multiples problèmes : un second tour qui tomberait… le 14 juillet, et une première réunion de la nouvelle Assemblée qui tomberait le jeudi 25 juillet, soit la veille de l’ouverture de Jeux olympiques et paralympiques. 

Il reste que dans ce type de situation et au vu des enjeux, les Sages ont la possibilité d’interpréter la loi avec une certaine souplesse, en prenant en compte le contexte politique et les problèmes pratiques, comme les JOP par exemple. Ce qui fait dire à beaucoup de constitutionnalistes que la probabilité de voir l’une de ces requêtes satisfaite est « faible ». Il serait néanmoins souhaitable que les Sages se prononcent rapidement. 

Majorité relative ou absolue ?

Une fois les élections passées, de nombreuses inconnues demeurent, qui dépendront du résultat, très incertain, du scrutin. Seule certitude : le Premier ministre remettra au président de la République la démission de son gouvernement, comme il est d’usage (même si ce n’est pas une obligation légale ou constitutionnelle) après chaque renouvellement de l’Assemblée nationale. 

Tout dépendra ensuite de savoir si les électeurs auront donné une majorité absolue à l’un ou l’autre des blocs en présence : ou au Rassemblement national, ou au Nouveau front populaire, ou à l’actuelle majorité présidentielle. Si le RN ou le NFP ont la majorité absolue, ils proposeront un Premier ministre : Jordan Bardella pour le RN, et… on ne sait pas qui pour le NFP, qui se déchire depuis plusieurs jours sur cette question. La France insoumise souhaite que le futur Premier ministre soit issu des rangs du parti de cette coalition ayant remporté le plus de sièges, alors que le Parti socialiste souhaite que le Premier ministre soit choisi par un vote l’ensemble des députés NFP. 

Mais il faut rappeler par ailleurs que la nomination du Premier ministre est une prérogative exclusive du président de la République. Les partis de l’opposition, s’ils dominent l’Assemblée, ne peuvent que proposer un nom, et le chef de l’État accepte de le nommer ou pas. Dans les précédentes situations de cohabitation (1986, 1993 et 1997), les présidents Mitterrand et Chirac ont toujours accepté le nom proposé par l’opposition – non sans avoir parfois essayé, sans succès, de trouver une autre solution. Mais la situation actuelle ne ressemble à aucune autre. Si par extraordinaire le chef de l’État nommait un autre Premier ministre que celui proposé par le groupe majoritaire, l’Assemblée nationale aurait la possibilité de faire tomber son gouvernement aussitôt, par motion de censure, ce qui aboutirait à un blocage complet. 

Une autre situation compliquée se produira si le RN n’obtient qu’une majorité relative, puisque le président de ce parti, Jordan Bardella, vient d’annoncer que dans ce cas, il refusera d’être Premier ministre. Dans ce cas, comme celui où, à l’inverse, c’est le NFP qui n’obtiendrait qu’une majorité relative, viendra le temps des grandes manœuvres pour tenter de constituer un gouvernement de coalition, dont personne ne peut aujourd’hui imaginer la composition ni même les grands équilibres. 

Et tout cela durera au moins un an, puisque la Constitution interdit une nouvelle dissolution moins de 12 mois après la précédente. 

Dernier outils constitutionnel

Si de telles situations de blocage ou d’instabilité permanente s’installaient, le dernier outil qui resterait au chef de l'État, à terme – sauf à accepter que cette situation dure jusqu’en 2027 –, serait la démission, avec l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle et de nouvelles législatives dans la foulée (mais pas avant juin 2025, délai d'un an pour une nouvelle dissolution oblige). Rappelons qu’en cas de démission du président de la République, la nouvelle élection doit se dérouler entre 20 et 35 jours plus tard, l’intérim étant assuré entre-temps par le président du Sénat. 

Emmanuel Macron a dit exclure toute démission après les élections des 30 juin et 7 juillet. Mais rien ne dit que, dans les mois qui suivront, la situation politique ne l’obligera pas à faire ce choix. 

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