Protection sociale complémentaire : enfin une traduction législative de l'accord entre employeurs territoriaux et syndicats
Par Franck Lemarc
Le 12 juillet 2023, les associations d’élus et les syndicats de la fonction publique signaient un accord qualifié par la secrétaire générale de l’AMF, Murielle Fabre, « d’historique ». Dans la foulée de l’ordonnance du 17 février 2021, qui permet aux collectivités et aux organisations syndicales de passer des accords collectifs spécifiques sans intervention de l’État, les parties prenantes ont conclu un accord sur la protection sociale complémentaire (PSC).
De l’ordonnance à l’accord
Cet accord, rappelle la commission des lois du Sénat, « a posé le principe de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance, et a fixé le montant de la participation minimale de l’employeur au financement de la protection sociale complémentaire en prévoyance à la moitié de la cotisation individuelle prévue au contrat ouvrant droit aux garanties minimales ».
Cette question est cruciale : les agents de la fonction publique territoriale sont particulièrement exposés aux risques d’incapacité de travail, d’invalidité, d’inaptitude, et, au vu du nombre particulièrement important d’agents de la catégorie C, également très exposés au risque de précarisation en cas d’arrêt de travail prolongé : sans prévoyance, un agent se retrouve à ne percevoir que la moitié de son traitement au bout de trois mois d’arrêt.
L’ordonnance du 17 février 2021 a représenté en avancée sociale, puisqu’elle rend obligatoire, à compter du 1er janvier 2025, la participation des employeurs à la prévoyance. Sauf que le montant fixé par cette ordonnance et son décret d’application (7 euros par mois et par agent) est inférieur à ce que pratiquaient de nombreuses collectivités qui participaient auparavant de manière volontaire.
L’accord du 13 juillet passé entre employeurs territoriaux et organisations syndicales a prévu d’augmenter notablement la participation de l’employeur, ainsi que le principe d’une adhésion obligatoire des agents aux contrats collectifs. L’augmentation de la participation des employeurs représente un effort notable de la part de ceux-ci – que la commission des lois du Sénat estime à quelque 500 millions d’euros.
Traduction législative
Problème : cet accord, qui représente une avancée sociale pour les agents, ne peut entrer en vigueur que s’il est traduit dans la loi. En attendant, il reste lettre morte. Ce texte a mis longtemps – trop longtemps – à émerger, plaçant, comme l’écrit la commission des lois du Sénat, les collectivités « dans une situation singulière » : « Ne sachant pas si elles doivent bâtir leurs nouvelles conventions de participation sur le fondement du décret du 20 avril 2022 ou sur les dispositions de l’accord collectif national, (…) certaines collectivités ont tout simplement suspendu leurs appels d’offres. »
Le 3 février dernier, une proposition de loi a enfin été déposée par la sénatrice MoDem Isabelle Florennes.
Ce texte de 7 articles répond à une double exigence : les trois premiers articles transposent dans la loi les dispositions de l’accord national, et les articles suivants visent à sécuriser juridiquement le dispositif.
Ainsi, les articles 1er et 2 inscrivent dans la loi la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance, dans la fonction publique territoriale. L’article 3 donne une nouvelle définition de la participation minimale de l’employeur, fixée à « la moitié du montant de la cotisation ou prime individuelle ouvrant droit au bénéfice des garanties minimales ».
Le texte d’Isabelle Florennes fixait au 1er janvier 2027 la date d’entrée en vigueur des dispositions prévues par l’accord national.
Les modifications adoptées en commission
La commission des lois du Sénat a adopté ce texte le 25 juin, après l’avoir modifié à la marge. Elle a salué non seulement l’accord du 13 juillet 2023 mais également la proposition de loi, tout en « regrettant » que cette transcription législative ait mis autant de temps. Pour la commission, l’effort financier que représente cet accord pour les collectivités est « un investissement sur le long terme », notamment parce qu’il va permettre d’augmenter l’attractivité des métiers de la FPT.
La principale modification apportée par la commission des lois concerne la date d’entrée en vigueur du dispositif. Estimant qu’il faut laisser le temps aux collectivités de « lancer les appels d’offres et de préparer les procédures en vue de la conclusion des contrats collectifs », la commission a reporté l’entrée en vigueur de deux ans, en la fixant au 1er janvier 2029 (pour les collectivités qui ne disposeront pas de contrat collectif à la date de publication de loi).
L’examen de ce texte, en séance publique, ne devrait pas faire l’objet de débats trop houleux, chacun semblant convaincu de l’utilité de ce texte – le gouvernement compris. Seuls six amendements recevables ont été déposés, qui ne modifieraient ce texte qu’à la marge. On retiendra notamment un amendement proposant, à titre de compromis, de ne décaler l’entrée en vigueur de ces dispositions que d’un an au lieu de deux, en 2028 donc.
Ce texte n’a pas fait l’objet d’une procédure accélérée. Il devrait donc faire l’objet de deux lectures dans chaque chambre, sauf si l’Assemblée nationale l’adopte dans les mêmes termes que ceux du Sénat.
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