Protection des élus contre les agressions : en commission, les députés favorables à davantage de fermeté
Par Lucile Bonnin
« En 2022, 2 265 faits d’atteintes aux élus ont été recensés sur le territoire national soit une augmentation de 32 % par rapport à l’année précédente, rappelle la députée Violette Spillebout, rapporteure de la proposition de loi sur la sécurité des élus et la protection des maires. Sur les 9 premiers mois de 2023, 2 387 faits ont été recensés. Dans six cas sur dix, les élus agressés sont des maires. Ces violences, nous ne pouvons pas les laisser perdurer, il en va de l’essence même de notre démocratie ».
Ces propos préliminaires qui ont été prononcés hier au début de la réunion de la commission des lois de l’Assemblée nationale donnent le ton. Après avoir été adoptée à l’unanimité en première lecture au Sénat en octobre dernier (lire Maire info du 10 octobre), la proposition de loi renforçant la sécurité des élus et la protection des maires avait déjà été renforcée par une dizaine d’amendements visant notamment à rendre les sanctions plus sévères pour les auteurs de violences.
En commission, 36 amendements ont été adoptés allant dans le sens d’une amélioration de la protection fonctionnelle pour les élus et de l’instauration de peines plus lourdes.
Sanctions pour protéger les anciens élus locaux
La première partie de la proposition de loi vise à « renforcer l’arsenal répressif » , en alignant les peines en cas d’agression contre un élu à celles encourues en cas d’agression contre les dépositaires de l'autorité publique, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende si les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours et sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende si l’incapacité de travail qui en résulte dépasse huit jours.Les amendements adoptés en commission hier étendent l’aggravation des sanctions en cas d’agression d’ « anciens titulaires d’un mandat électif public » . En effet, les anciens élus « peuvent faire l'objet de menaces ou de violences du fait de leurs fonctions électives passées » et font régulièrement « l'objet de menaces pour le futur (lorsqu'ils ne disposeront plus des protections propres aux élus) », comme l’indique Thibault Bazin (LR), auteur de l’amendement.
Par ailleurs, un amendement prévoit que le gouvernement devra rendre un rapport au Parlement, avant le 31 décembre 2024, « sur l’opportunité d’élargir la protection fonctionnelle aux élus ayant cessé leurs fonctions lorsque ceux-ci sont victimes de violences, menaces ou outrages jusqu’à 6 ans après la fin de leur fonction ».
L’article 2 prévoit une peine de TIG (travaux d’intérêt général) en cas d’injure publique, qui pourrait être alourdie en cas de cyberharcèlement des élus locaux, qui est une nouvelle circonstance aggravante introduite par cette proposition de loi. Un amendement étend la possibilité de prononcer cette peine de travaux d'intérêt général en cas d'outrage. Rappelons également que les délais de prescription pour les délits de diffamation et d’injure envers les élus locaux sont allongés, passant ainsi de trois mois à un an.
Protection renforcée et relations simplifiées
Deux amendements importants ont été introduits hier concernant, de manière indirecte, la protection des élus. D’abord, la commission semble favorable à la réévaluation du montant des compensations de l’État dans les frais liés à la protection fonctionnelle des élus. En effet, un amendement prévoit dans « un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi » la remise d’un rapport au Parlement « sur le coût pour les communes de l’obligation de souscrire un contrat d’assurance pour couvrir les frais liés à la protection fonctionnelle des élus ».
Autre orientation : la commission a adopté un amendement pour évaluer par le biais d’un rapport « l’opportunité d’élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle à tous les élus locaux, y compris ceux qui n’exercent pas de fonctions exécutives ». « Ces élus pourraient bénéficier de la protection fonctionnelle accordée par leur collectivité territoriale, après délibération de l’organe délibérant ». Pour rappel, le texte prévoit l'octroi automatique de la protection fonctionnelle de la commune lorsqu’une demande est instruite. Les députés ont précisé que le maire peut formuler sa demande de protection fonctionnelle auprès du représentant de l'État dans le département.
La proposition de loi vise aussi à simplifier les relations entre les maires et les autorités judiciaires. Ainsi, un amendement a été introduit « afin d’améliorer l’information des maires sur le traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des élus » . « Des conventions prévoyant un protocole d’information peuvent être signées entre les associations représentatives des élus locaux, le représentant de l’État dans le département et le procureur du ressort concerné. » Le but est de généraliser des « pratiques vertueuses » qui existent déjà dans certains départements. Enfin, un amendement de la rapporteure réintroduit la faculté pour le procureur de la République de la cour d’appel compétente sur le territoire municipal de disposer d’un espace de communication réservé dans les bulletins d'information municipaux des communes de plus de 1 000 habitants. Cette disposition avait été supprimée en séance publique au Sénat.
Prévention de la délinquance : des points d'organisation
Plusieurs amendements votés tendent également à renforcer la prévention de la délinquance en repensant l’organisation des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD). Un amendement prévoit par exemple que la présence d'au moins un représentant du groupe local de traitement de la délinquance au sein des CSPD soit obligatoire.
La désignation d’un agent coordinateur est une mesure qui a été ajoutée au texte hier et qui vise à assortir à la création d’un CSPD, la désignation d’un agent coordinateur pour assister le maire dans l’animation du conseil. Ce dernier sera désigné au sein des services de la collectivité locale. Il a aussi été proposé que les maires « des communes de moins de 5 000 habitants limitrophes d'une commune qui dispose d'un CSPD, puissent être associés au sein dudit conseil ».
Enfin, les députés demandent à ce qu’un autre rapport soit produit par le gouvernement « recensant l’ensemble des actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et leurs conséquences ».
Statut de l’élu
La proposition de loi sera examinée en séance publique à partir de mardi prochain. Violette Spillebout a rappelé qu’une autre proposition de loi qui constituera « l’acte II » de ce travail sur le statut de l’élu sera prochainement déposée conjointement par la rapporteure et Sébastien Jumel. « Nous traiterons des indemnités, des conflits d’intérêt, de la reconversion professionnelle après le mandat, de l’extension de la protection fonctionnelle aux élus sans délégation et des droits d’opposition », annonce-t-elle.
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