Proposition de loi Sécurité globale : la Défenseure des droits émet de sérieuses réserves
La proposition de loi relative à la sécurité globale a été déposée à l’Assemblée nationale le 20 octobre dernier, et elle sera débattue en séance publique dès le 17 novembre. Elle contient un certain nombre de mesures, notamment sur les polices municipales, qui ont retenu l’attention de Claire Hédon, la nouvelle Défenseure des droits.
Pouvoirs de police judiciaire
Ce texte, élaboré par le député « marcheur » Jean-Michel Fauvergue (ancien patron du Raid) et cosigné par tout le groupe LaREM de l’Assemblée nationale, porte donc le nom de « Sécurité globale », il est vrai plus intelligible que l’expression « continuum de sécurité » utilisée jusque-là. Le texte reprend en partie les préconisations du rapport élaboré par le même Jean-Michel Fauvergue et sa collègue Alice Thourot (qui sera rapporteure du texte), à l’automne 2018. Objectif : mieux intégrer « l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la sûreté » – en particulier les polices municipales et les agents de sécurité privés – dans la lutte contre l’insécurité.
En ce qui concerne les polices municipales, les auteurs du texte souhaitent qu’elles « poursuivent leur montée en compétences et explorent de nouvelles modalités d’action, en complément des forces de l’État ». Le titre Ier de la proposition de loi y est consacré, avec une demi-douzaine de mesures. Première d’entre elles : le lancement d’une expérimentation dans les communes employant au moins 20 agents de police municipale, permettant à ces agents d’exercer un certain nombre de compétences de police judiciaire : ils pourraient ainsi dresser des procès-verbaux pour un certain nombre de délits « dès lors qu’ils sont commis sur le territoire communal et ne nécessitent pas d’enquête ». Parmi ces délits : la vente à la sauvette, la conduite sans permis ou sans assurance, le squat, l’usage de stupéfiants, les tags…Au moment de constater ces délits, les agents de police municipale seraient habilités à relever l’identité des auteurs.
La proposition de loi permet également la création d’une police municipale à Paris, demandée depuis de nombreuses années.
Les propositions les plus polémiques du rapport Fauvergue-Thourot n’ont pas été intégrées à ce texte, en particulier l’idée d’armer de droit les polices municipales sauf avis contraire du maire et celle d’ôter la formation des polices municipales au CNFPT.
En dehors de la question des polices municipales, le texte aborde la question de la vidéoprotection et permet notamment que celle-ci puisse s’effectuer par drone, ainsi que celle des caméras-piéton. Enfin, une autre proposition fait couler beaucoup d’encre : celle d’interdire à la presse comme au public de diffuser l’image du visage ou « de tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme « lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».
« Atteintes au principe du respect de la vie privée »
La Défenseure des droits, l’ancienne journaliste Claire Hédon nommée à ce poste en remplacement de Jacques Toubon le 22 juillet dernier, a publié hier son avis sur cette proposition de loi.
Sa première remarque porte sur la possibilité, ouverte par l’article 20 de la proposition de loi, de permettre aux agents des polices municipales de visionner les images des caméras de vidéoprotection. « La loi prévoit actuellement que le visionnage de ces images ne peut être assuré que par des agents de l'autorité publique individuellement désignés et habilités des services de police et de gendarmerie nationale », rappelle Claire Hédon. Dans la mesure où ces images peuvent « revêtir un caractère personnel », l’élargissement des personnes habilités à les visionner peut « porter atteinte au principe du respect de la vie privée », poursuit-elle.
Sur les caméras-piéton, le texte créerait un nouvel objectif à leur usage : « L’information du public sur les circonstances de l’intervention ». Il élargit par ailleurs, là encore, la liste des personnes habilitées à regarder les images issues de ces caméras : « Les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel (…) aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention. » Autant de dispositions qui font tiquer Claire Hédon, qui rappelle que le cadre actuel interdit précisément aux agents eux-mêmes de pouvoir accéder à ces images et que la suppression des garanties existantes est, là encore, « de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée ».
Quant à l’usage des drones « comme outil de surveillance », la Défenseure des droits s’y oppose fermement : « Cette technologie permet une surveillance très étendue et particulièrement intrusive, (et) pourrait permettre l’identification de multiples individus et la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel. »
Enfin, Claire Hédon s’exprime longuement sur l’article 24 de la proposition de loi, relative aux images des forces de l’ordre, dont la diffusion « par tous moyens » serait punie d’un an de prison et 45 000 euros d’amende. Si « tout policier ou gendarme a le droit au respect de sa vie privée », elle rappelle que dans le cadre de ses fonctions il « ne peut s’opposer à l’enregistrement d’images ou de sons ». « La liberté d’information, qu’elle soit le fait d’un journaliste ou d’un particulier, prime sur le droit à l’image » dès lors qu’il n’y a pas atteinte à la dignité de la personne, juge Claire Hédon.
Et de conclure : « Le Défenseur des droits souligne l’importance du caractère public de l’action des forces de sécurité qui permet son contrôle démocratique, notamment par la presse et les autorités en charge de veiller au respect de la loi et de la déontologie. »
Nul doute que ce point fera l’objet, lors de l’examen du texte, d’ici une dizaine de jours, d’âpres débats.
Franck Lemarc
Télécharger l’avis de la Défenseure des droits.
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