Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 3 juin 2024
Aménagement numérique du territoire

Projet de loi simplification : accélérer le déploiement des réseaux mobile sans restreindre les pouvoirs du maire

L'examen au Sénat du projet de loi de simplification de la vie économique débute aujourd'hui en séance publique. Parmi la vingtaine d'articles qui compose le texte, un concerne l'installation d'antennes-relais pour les réseaux mobiles. Ce dernier fait l'objet de nombreuses réticences de la part des associations d'élus, dont l'AMF.

Par Lucile Bonnin

C’est en avril dernier que le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé vouloir « simplifier drastiquement (…) la charge des normes, des démarches, des complexités du quotidien »  dans le cadre d’un projet de loi (lire Maire info du 25 avril). 

Finalement, c’est un texte particulièrement technique, concernant des domaines variés allant de la commande publique au bulletin de paie simplifié, en passant par la mise en œuvre du ZAN, qui a été présenté au Sénat avec au total 28 articles. L’objectif du gouvernement est clair : « Un maximum d’autorisations sera transformé en simple déclaration ». 

Deux articles portent sur le numérique : l’article 15 vise à faciliter le déploiement de grands centres de données sur le territoire national et l’article 17 vise à accélérer et simplifier l'installation d'antennes-relais dans le cadre des déploiements de réseaux mobiles. C’est sur ce dernier que les préoccupations des associations d’élus se portent. 

« Faciliter l’essor de projets industriels et d’infrastructures » 

Cet article 17 du projet de loi, tel qu’il a été déposé au Sénat par Bercy, vise à « accélérer et simplifier l'installation d'antennes-relais en prévoyant la suppression de la possibilité, pour l'autorité administrative de retirer une décision d'urbanisme favorable à l'installation d'une antenne-relais et en luttant contre la spéculation foncière relative aux emplacements accueillant les infrastructures de téléphonie mobile ».

Dans l’exposé des motifs, le gouvernement explique que pour accélérer le déploiement du très haut débit mobile en France il faut résoudre « deux sources majeures de complexité pour les entreprises ». 

La première : « dans la mesure où les maires peuvent retirer une décision d'urbanisme entachée d'illégalité, les opérateurs doivent attendre l'expiration du délai de trois mois avant de lancer les travaux d'installation, ce qui retarde le déploiement de la couverture numérique » . Le gouvernement proposait alors dans son étude d’impact « de supprimer, de manière permanente, le droit pour les autorités locales de retirer, en cas d'illégalité, les décisions de non-opposition à déclaration de travaux préalable et les décisions de délivrance de permis de construire ».

La deuxième : « Compte tenu des investissements engagés et de la durée de leur amortissement, l'incertitude existe quant au maintien sur le site d'infrastructures de téléphonie mobile en raison de la chaine des contrats et baux impliquant différents acteurs. »  Le gouvernement propose alors dans son projet de loi « une nouvelle rédaction de l'article L. 34-9-1-1 du Code des postes et des communications électroniques »  qui tendrait notamment à inclure « l'ensemble des modalités juridiques liant le propriétaire d'un terrain à la tower company ». Le but : renforcer le dispositif de lutte contre la spéculation foncière sur les emplacements des antennes-relais. 

13 amendements en commission 

Réunie le 28 mai 2024, la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi a adopté un texte largement remanié par 90 amendements. Sur le seul article 17, la commission a adopté 13 amendements notamment pour  « revenir sur la suppression de la possibilité laissée à l'autorité administrative de retirer une décision favorable à l'installation d'une antenne-relais, faute de bilan de l'expérimentation menée à ce sujet ». 

Concrètement, les dispositions I à III, qui concernaient le régime de retrait des décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile, ont été supprimées par la commission. Il faut cependant souligner que le Conseil d’État a considéré que ce cadre dérogatoire ne portait pas atteinte au principe d’égalité et ne portait pas atteinte au droit à exercer un recours juridictionnel. La disposition pourrait être réintroduite au fil du parcours législatif du texte.

D’autres amendements à l’article 17 ont été votés en commission notamment pour « consolider et étendre le champ d'application du dispositif de lutte contre la spéculation foncière sur les emplacements accueillant des infrastructures de téléphonie mobile », « prévoir que l'Arcep recueille des informations relatives aux prix pratiqués sur le marché de la location d'emplacements d'infrastructures de téléphonie mobile »  et « créer une expérimentation autorisant les communes littorales visées par le dispositif du New Deal Mobile à déroger à l'application du principe de continuité du bâti pour installer des antennes-relais ».

Le projet de loi qui va être discuté ce jour en séance publique a fait l’objet au total de plus de 600 amendements. Un chiffre remarquable et annonciateur d’un parcours législatif compliqué. 

Les associations d’élus veillent au grain  

Du côté de l’Association des maires de France (AMF), on se félicite que les dispositions I à III de l’article 17 aient été retirées par le Sénat, mais l'association se dit défavorable à l'article 17 dans son ensemble, « dans la mesure où il est incomplet pour s’assurer de la bonne information du maire lors de l’installation d’une station radioélectrique ».

Concernant les dispositions liées aux baux télécoms, l’AMF juge en revanche que l’article « conforte la continuité de service mais limite aussi les conditions d’exercice de la concurrence dans un secteur dominé par quelques structures »  et qu’il « est indispensable que les communes soient garanties et protégées dans leurs relations avec des acteurs économiques plus importants qu’elles » . La semaine passée (lire Maire info du 29 mai), le président de l’Avicca, Patrick Chaize, expliquait que les associations d’élus ne sont pas opposés à une mesure sur les baux mobiles, « surtout si l’on est bien d’accord – et si je le dis, c’est parce que nous ne le sommes pas à l’évidence -, qu’il s’agit de conserver des baux et donc de ne pas aller vers une privatisation des parcelles publiques sur lesquelles sont implantés des pylônes. C’est une ligne rouge pour toutes les associations d’élus et l’Avicca ne fait pas exception. » 

Les crispations portent essentiellement sur l’absence de mesures visant à « rééquilibrer les relations contractuelles »  entre les maires et les TowerCo. Rappelons qu’une towerco, pour tower company, est une entreprise qui possède des tours de télécommunication et qui les loue à ses clients (opérateurs, partenaires, etc.) pour améliorer leur réseau télécom, et qui donc, comme l’explique Michel Sauvade, co-président de la Commission numérique de l’AMF, « s’intercale entre les collectivités locales et les opérateurs »  (lire Maire info du 2 octobre). 

A L’AMF, on rappelle que l'association a proposé « qu’une attestation mentionnant la date de la transmission du dossier d’information au maire ou au président d’intercommunalité soit jointe au dossier de permis de construire ou à la déclaration préalable »  notamment pour « s’assurer que le dossier d’information a bien été transmis au maire ou au président d’EPCI un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme. »  Cette disposition est d’autant plus nécessaire selon l’AMF que « le respect des délais entre le dépôt du dossier d’information et celui de la demande d’autorisation d’urbanisme déposée par l’opérateur d’infrastructure d’accueil de téléphonie mobile ("TowerCo") n’est, aujourd’hui, pas toujours respecté ». 

Enfin, l’AMF constate que « l’arrivée des "TowerCo" bouleverse les relations contractuelles entre ces acteurs et les maires dans leur relation foncière, en particulier dans la fixation des loyers encore trop souvent sous-évalués » . L’association est par conséquent favorable à ce qu’une disposition soit adoptée concernant « la transparence des loyers versés aux communes, prévoyant notamment des modalités objectives dans leur fixation et un montant conforme à la valorisation du patrimoine des collectivités. » 

Les associations d’élus se montreront donc particulièrement attentives à l’écriture de cet article 17 dont, comme l'a justement indiqué Patrick Chaize, « l’objectif ne doit pas chercher à instrumentaliser les collectivités, mais bien viser uniquement la préservation de la couverture mobile ». 
 

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