Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 26 juillet 2021
Coronavirus

Projet de loi sanitaire : le Parlement bien loin de l'unanimité

Lors de l'adoption définitive du projet de loi sur le pass sanitaire et l'obligation vaccinale, les groupes parlementaires ont pu s'exprimer, certains se félicitant du compromis trouvé et d'autres faisant part de leur amertume, voire leur colère. Revue de détail. 

Par Franck Lemarc

Sans surprise, le ministre de la Santé, devant le Sénat comme devant l’Assemblée nationale, hier soir, s’est longuement félicité de l’adoption d’un texte de compromis, saluant les « soixante heures de débat », « l’engagement des parlementaires »  et de nouveaux dispositifs « plus proportionnés, (…) plus gradués, plus pondérés et, nous le croyons, tout aussi efficaces. »  Olivier Véran a également salué le fait que les deux chambres ont accepté l’amendement de dernière minute proposé par le gouvernement sur le pass sanitaire dans les centres commerciaux (lire article ci-dessus), destiné à éviter, « en cas de flambée épidémique », la fermeture de ces centres commerciaux. 

C’est d’ailleurs le principal avantage que les défenseurs de ce texte – sur les bancs de la République en marche en particulier – lui trouvent : ne pas avoir à restreindre à nouveau, à l’avenir, « la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, la liberté de travailler, d’étudier, d’accéder aux lieux culturels », c’est-à-dire éviter un nouveau confinement (Yaël Braun-Pivet). 

Les défenseurs du texte n’ont pas cherché à cacher que ce texte consacre un affaiblissement des libertés individuelles, rendu nécessaire par la remontée en puissance de l’épidémie et le variant Delta : « Personne ne se satisfait des mesures contenues dans le projet de loi. Personne ne se satisfait de leur mise en application un peu brutale, car très rapide. Malgré tout, les chiffres sont là ; l’évolution de l’épidémie est là », a reconnu Pascal Brindeau (UDI). « Oui, le succès coûte l’effort. C’est vrai, nous proposons aux Français de la rigueur, du courage et des obligations. Il faut les assumer ! », a renchéri Jean-Louis Bourlanges (MoDem). « J'entends les arguments sur l'atteinte aux libertés, mais j'estime pour ma part que le pass sanitaire peut être un passeport pour une liberté retrouvée. Sans mesures fortes, un nouveau confinement ne pourra être évité », a également plaidé, au Sénat, Véronique Guillotin (Mouvement radical).

Les Républicains, par la voix de Philippe Gosselin, ont décidé de soutenir ce texte malgré « certains désaccords » : « Notre parti assume des différences avec la majorité mais assume aussi de s’engager. Aujourd’hui il y a urgence car nul ne peut ne contester que nos concitoyens ont besoin de protection. Nul ne peut contester que des mesures doivent être prises. La maison brûle, nous ne regarderons pas ailleurs. » 

À gauche, les socialistes ont voté contre le texte non seulement par désaccord avec certaines mesures jugées attentatoires aux libertés, mais surtout parce que groupe souhaitait l’extention de la vaccination obligatoire à toute la population. Il aurait fallu « la vaccination universelle et massive contre le covid », a plaidé Gérard Leseul. « Cette mesure aurait pu être progressive, concerner l’ensemble des concitoyens et ne pas stigmatiser une ou deux professions. » 

Quant à la France insoumise, qui a proposé une motion de rejet du texte dans son ensemble, elle s’est indignée, par la voix du président de groupe Jean-Luc Mélenchon, d’une loi « liberticide » : « Liberté conditionnelle, donc, comme pour les condamnés qui se sont bien tenus ! C’est la société du contrôle permanent. Le pass sanitaire sera vérifié cent fois par jour ; à tout propos, vous ferez scanner et rescanner la population par toutes sortes de gens sans mandat, y compris par des gens qui ne le souhaitent pas ! ». 

Critiques sur les conditions du débat

À l’Assemblée nationale comme au Sénat, plusieurs orateurs se sont exprimés autant sur le fond du texte que sur la manière dont il a été débattu – en cinq jours, jour et nuit, au sens propre du terme. Les deux dernières séances publiques, au Palais-Bourbon et au Palais du Luxembourg, qui devaient adopter le texte de la CMP, se sont tenues quelques minutes après la fin de celle-ci. Les parlementaires, s’est plaint un sénateur, ont donc dû s’exprimer « à l’aveugle »  sur un texte final qu’ils n’ont pas eu le temps d’étudier en profondeur. « Nous achevons dans le chaos l'examen de ce texte », s’est désolée la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. « Nous avons travaillé dans des conditions extrêmement difficiles, sans doute mal travaillé. Nous avons manqué de recul pour apprécier des mesures graves, attentatoires aux libertés et parfois assumées comme telles. Le Parlement doit pouvoir légiférer dans des conditions décentes. » 

Enfin, plusieurs parlementaires se sont indignés du dépôt d’un amendement par le gouvernement après l’accord de la CMP – comme le communiste Pierre Dharréville : « Il est étonnant de voir un gouvernement corriger par un amendement la copie issue de (la) CMP. C’est pour nous le signe de l’abaissement du Parlement, que nous dénonçons depuis trop longtemps désormais. » 

Le texte a finalement été adopté par les deux chambres, aussi partagées l’une que l’autre : au Sénat, 195 voix pour et 129 contre ; à l’Assemblée nationale, 156 voix pour, 60 contre. La session extraordinaire du Parlement a été officiellement clôturée hier, à l’issue de ce vote. Les débats reprendront, à nouveau en séance extraordinaire, le 24 septembre.

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