Projet de loi pour la refondation de Mayotte : les mesures qui concernent directement les communes
Par Franck Lemarc
Si les grandes orientations du projet de loi « de programmation pour la refondation de Mayotte » et du projet de loi organique « relatif au Département-Région de Mayotte » étaient connues depuis lundi 21 avril, il a fallu attendre quelques jours pour que ces textes puissent être consultés sur le site du Sénat – où ils seront examinés dès le mois de mai –, accompagnés de l’avis du Conseil d’État et des études d’impact.
Le Conseil d’État globalement favorable
L’avis du Conseil d’État sur le texte principal – le projet de loi de refondation – valide globalement la presque totalité du texte, estimant que les mesures envisagées sont dans l’ensemble conformes à l’esprit de la Constitution, qui permet, dans les collectivités ultramarines, des adaptations du droit liées aux spécificités locales. Quasiment toutes les mesures envisagées par le gouvernement semblent, pour le Conseil d’État, « limitées, adaptées et proportionnées » . On notera toutefois que le titre même du projet de loi, en revanche, ne convient pas au Conseil d’État, qui estime que le terme de « refondation » n’est « pas conforme au contenu du texte », dans la mesure où les dispositions envisagées « visent à poursuivre (un) processus d’accompagnement déjà engagé ». Le Conseil d’État préfèrerait donc que le texte s’intitule « projet de loi de programmation et portant diverses mesures d’adaptation ».
En dehors de cela, le Conseil d’État ne critique que certaines dispositions, à la marge, et constate qu’à la suite de ses observations initiales, le gouvernement a modifié certains passages de son texte. Seule une disposition, relative aux conditions de relogement des personnes expulsées des bidonvilles, est clairement rejetée par le Conseil d’État, au motif qu’elle « n’assure pas une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de l’intérêt public et les atteintes à la vie privée et à la dignité humaine ».
Recensement, pharmacies, politique de la ville
Au-delà des grandes orientations décrites par Maire info dans son édition de mardi, qui figurent dans le « rapport » annexé au projet de loi, le texte comprend 34 articles, dont plusieurs concernent directement les communes.
L’article 14, par exemple, instaure un recensement de la population « exhaustif pour toutes les communes de Mayotte en 2025 », ce qui devrait permettre enfin, en 2026, d’obtenir un chiffre incontestable de la population de l’île – ce point faisant l’objet d’innombrables débats.
L’article 16 vise à introduire à Mayotte, deux ans après la publication de la loi, le régime Ircantec (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques). L’article 17 vise, lui, à augmenter l’offre de pharmacie dans l’archipel. La règle jusqu’à présent en vigueur à Mayotte est la délivrance maximale d’une licence par tranche de 7 000 habitants dans une commune. Le projet de loi propose, pour tenir compte des communes peu peuplées, de compter les 7 000 habitants à l’échelle des intercommunalités.
En matière d’habitat, le projet de loi propose de donner la qualification de quartiers prioritaires de la politique de la ville à l’ensemble du territoire de Mayotte. Le gouvernement souhaite également s’attaquer à la question brûlante du « désordre foncier » à Mayotte, qui affecte à ce jour plus de 70 000 parcelles.
École
Pour faciliter l’édification et la reconstruction des bâtiments scolaires, le projet de loi prévoit de prolonger jusqu’en 2030 des dispositions dérogatoires rendant possible le recours à des marchés publics globaux de conception-réalisation pour la construction d’écoles maternelles et élémentaires, et d’étendre cette facilité aux collèges et lycées.
Par ailleurs, le gouvernement souhaite recréer, au seul bénéfice de Mayotte, le Fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), supprimé à l’échelle nationale depuis cette année. Une dotation spécifique serait créée pour soutenir les communes (ou, le cas échéant, les intercommunalités) qui organisent des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial. Ce fonds serait mis en œuvre dès la rentrée prochaine.
Collectivité de Mayotte
Le projet de loi de refondation et le projet de loi organique prévoient, par ailleurs, une réforme profonde de l’assemblée de Mayotte. Le gouvernement serait autorisé à procéder par ordonnance à cette réforme afin de conforter le statut de collectivité unique de l’île, exerçant à la fois les compétences d’un département et d’une région. Cette collectivité prendrait d’ailleurs le nom de « Département-région de Mayotte ». Il est à noter que le Conseil n’est pas d’accord avec cette dénomination, qu’il ne juge « pas appropriée », « en raison de son ambiguïté concernant la nature de la collectivité qui serait ainsi créée ». Le Conseil d’État propose d’adopter la même dénomination que celle choisie dans le cas de la Martinique et la Guyane : « Collectivité territoriale de Mayotte ».
Le gouvernement souhaite modifier la composition de cette assemblée, en la faisant passer de 26 à 52 membres. Il est prévu que cette assemblée soit élue en même temps que les conseillers départementaux, pour six ans, au scrutin de liste à deux tours avec une prime majoritaire à 25 %. Pour ce scrutin, Mayotte constituerait une circonscription électorale unique composée de six sections, chaque section comprenant entre deux et cinq communes. La répartition des sièges entre les sections serait décidée par le préfet en fonction du dernier chiffre authentifié de population.
L’examen du projet de loi de refondation commencera en commission du Sénat à la mi-mai, avec un examen en séance publique qui devrait se dérouler entre le 19 et le 23 mai. Les débats, comme c’est toujours le cas lorsqu’il s’agit de Mayotte, promettent d’être âpres, tant sur ce qui figure dans le projet de loi que sur ce qui n’y figure pas – le gouvernement ayant, rappelons-le, fait le choix de faire l’impasse sur une des mesures les plus ardemment réclamées par les élus locaux de Mayotte : la fin des titres de séjour territorialisés (lire Maire info du 26 mars).
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