Projet de loi de programmation du ministère de l'Intérieur : ce qu'il contient, et ce qu'il ne contient plus
Par Franck Lemarc
Lopmi, acte II. On se rappelle qu’en mars dernier, peu avant les élections, un premier projet de Lopmi avait été présenté (lire Maire info du 18 mars 2022), avec engagement de discuter et d’adopter le texte dès la rentrée, avant la loi de finances.
Finalement, le gouvernement a fait le choix de récrire ce texte et d’en présenter une nouvelle version, très nettement allégée : alors que le texte de mars dernier comportait 32 articles, celui qui a été présenté hier n’en compte que la moitié (16). Plusieurs mesures, qui concernaient directement les maires ou les collectivités, n’y figurent plus.
8 500 postes supplémentaires
La principale mesure budgétaire de ce projet de loi figurait déjà dans le texte de mars : il s’agit d’une rallonge de 15 milliards d’euros sur le budget du ministère de l’Intérieur, qui fait suite à l’augmentation de 10 milliards pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. « 8 500 postes seront créés sur le quinquennat », est-il annoncé dans le dossier de presse – sans préciser la répartition entre effectifs de police et de gendarmerie.
Ce chiffre de 8 500 recrutements, il faut le préciser, ne figure pas dans le projet de loi. Pas plus, d’ailleurs, que les « 200 brigades de gendarmerie » qui seront créées, annonce le dossier de presse, pour « assurer la sécurité notamment dans les zones rurales ». Le seul chiffre figurant dans le projet de loi lui-même est l’augmentation du budget du ministère, qui sera porté, en fin de quinquennat, à 25,3 milliards d’euros. En d’autres termes, le gouvernement demande au législateur de lui accorder une forte augmentation du budget du ministère de l’Intérieur, qu’il devrait utiliser, par la suite, pour honorer ses engagements en matière de recrutement.
Au-delà, ce texte relativement court comprend essentiellement des évolutions législatives dans le Code pénal ou le Code de procédure pénale, pour « lutter contre la cybercriminalité », améliorer le matériel des forces de l’ordre pour le mettre « à la pointe du numérique », « mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes » (avec une forte aggravation des peines), « renforcer la filière investigation » ou « améliorer la réponse pénale ».
Mesures « hors texte »
De façon inhabituelle, une partie importante des mesures comprises dans ce texte… n’y figurent pas directement. Explication : l’article 1er du projet de loi consiste à approuver le rapport annexé au texte, consacré à « la modernisation du ministère de l’Intérieur ». Il faut donc aller chercher dans ce rapport de plus de 50 pages pour connaître les tenants et les aboutissants de la nouvelle doctrine du ministère de l’Intérieur pour le quinquennat à venir – doctrine qui devra donc être approuvée ou rejetée, en bloc, par le Parlement. On ignore la façon dont va se dérouler cette discussion, puisque, par nature, un rapport n’est pas un texte législatif et ne peut donc être amendé. La marge de discussion sur ces mesures, pour les parlementaires, semble donc très réduite.
Ce « rapport annexé » contient, lui, toutes les mesures chiffrées et concrètes annoncées dans le dossier de presse : 200 brigades de gendarmerie, poursuite de la décentralisation de certains services centraux « dans les villes moyennes et les territoires ruraux », doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique…
Continuum de sécurité
C’est également dans ce rapport annexé qu’est évoqué le « continuum de sécurité », c’est-à-dire la question de la coopération entre les forces de l’ordre nationales et les polices municipales.
Les auteurs du rapport constatent qu’une « expansion supplémentaire » des pouvoirs des polices municipales semble aujourd’hui impossible, parce qu’elle se heurterait à « une limite de nature constitutionnelle ». Il est possible en revanche de « mieux structurer les partenariats ». Il va donc être créé « une direction unique des partenariats chargée de l’animation du continuum de sécurité » au sein du ministère, pour coordonner les partenariats non seulement avec les polices municipales mais également avec les sociétés de sécurité privées.
Annonce importante : les crédits du FIPDR (fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation) consacrés à la vidéoprotection vont être triplés sur les cinq ans à venir, et « viendront cofinancer les projets portés par les collectivités ». Le fait de flécher strictement cette augmentation du fonds sur la vidéoprotection fera, certainement, l’objet de débats.
Abandon de deux mesures intéressant les communes
Il faut noter enfin que le raccourcissement drastique de ce texte a amené la disparition de plusieurs mesures prévues dans le texte de mars, qui concernaient directement les maires. Exit, par exemple, la possibilité pour les collectivités territoriales de se porter partie civile lorsqu’un de ses élus a été victime d’un crime ou d’un délit.
Un autre article important de l’ancienne version du texte a disparu : il s’agit de l’article 14, qui modifiait le droit funéraire, en permettant dans toutes les communes, y compris en zone police, que les opérations de surveillance de la fermeture et du scellement du cercueil passent sous la responsabilité du maire, et se fassent en présence d’un garde champêtre, d’un agent de police municipale ou d’un autre agent communal. Ce transfert de compétence aurait concerné plus de 1 500 communes et il était prévu qu’il soit entièrement compensé en loi de finances.
On ignore, à ce jour, si ces deux mesures sont abandonnées ou si elles seront reprises, ultérieurement, dans un autre projet de loi.
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