Projet de loi Climat : la décentralisation de la police de la publicité actée en première lecture
Par Caroline Reinhart
C’est au cœur de la nuit du 1er avril, dans le cadre de la 1ère lecture à l’Assemblée du projet de loi Climat et résilience, qu’a été discuté – et adopté – l’article 6 du texte, prévoyant la décentralisation des pouvoirs de police encadrant les publicités, enseignes et pré-enseignes. Une compétence déjà exercée par les communes et EPCI l’ayant choisi en adoptant un règlement local de publicité (RLP), l’objectif du gouvernement étant de généraliser ce transfert à l’ensemble des communes (et EPCI), couvertes ou non par un RLP.
« Patate chaude »
Avant même sa discussion dans l’hémicycle, cette disposition concentrait déjà les critiques, tant du côté des associations de défense de l’environnement et du cadre de vie, que du côté des élus locaux. Sans lien avec les 149 propositions de la convention citoyenne pour le climat – dont 10 seulement ont été reprises « sans filtre » dans le projet de loi –, ce transfert d’une nouvelle compétence aux maires a ainsi étonné bon nombre d’entre eux, qui ont pu y voir une façon pour l’État, de se décharger sur les collectivités (lire Maire info du 3 mars). Il faut dire que la police de la publicité n’est pas vraiment un cadeau pour les petites communes : la réglementation est complexe, nécessite ingénierie et ressources, et la proximité des maires avec leurs administrés peut les placer dans des situations intenables. D’autant plus le projet de loi (art. 7) prévoit d’inclure dans cette police les dispositifs de publicité lumineuse – y compris ceux placés à l’intérieur des vitrines des commerces. Une responsabilité lourde pour les maires, sans cadre légal suffisant. Lors de sa discussion le 2 avril, un amendement de la rapporteure Aurore Bergé a été adopté afin de laisser un délai de deux ans aux commerçants pour adapter les enseignes installées avant l’application du nouveau RLP.
Venu défendre l’un des multiples amendements visant à supprimer l’article 6, le député de la Seine-Maritime Hubert Wulfranc (gauche démocrate et républicaine) a ainsi pu qualifier ce transfert de « patate chaude (que) l’on refile aux élus locaux sous prétexte de décentralisation ». Autre question soulevée par cette disposition, celle de la cohérence territoriale : jusqu’ici le soutien du préfet permettait une application homogène de cette police. En généralisant sa décentralisation, le risque est d’aboutir à « une régulation de la publicité à deux vitesses », a encore relevé Hubert Wulfranc. Pour marteler, en fin de débat : « Nous nous opposons avec la plus grande fermeté à cet article qui, je le répète, mettra les maires en difficulté et suscitera des malentendus de terrain dont vous savez très bien jusqu’où ils peuvent aller. Il en sera du contrôle de la publicité comme de celui des ordures ». La mort du maire de Signes (Var), Jean-Mathieu Michel, au cœur de l’été 2019, est encore dans toutes les têtes : si le litige portait alors sur la question brûlante des dépôts sauvages, la police de la publicité pourrait faire des maires de nouvelles cibles – l’augmentation des agressions d’élus locaux n’étant pas de nature à rassurer.
Fin de non-recevoir
Autre problématique : qui dit transfert, dit charge. L’AMF souhaitait qu’elle soit évaluée et accompagnée « d’une ingénierie et de financements compensant réellement ce transfert de charges ». Elle plaidait également pour réserver ce transfert automatique aux communes de plus de 10 000 habitants. En dessous de ce seuil, le maire (ou le président de l’EPCI par délégation) pourrait délivrer les autorisations au nom de l’Etat et bénéficier de l’instruction par les services de l’Etat. Les communes (et EPCI) de moins de 10 000 habitants pourraient également continuer si elles le souhaitent, comme c’est le cas actuellement, à se soumettre à un RLP. Elle s’était également opposée à tout transfert automatique au président de l’EPCI du pouvoir de police du maire en matière de publicité dès lors que l’EPCI était déjà doté d’un RLP intercommunal.
Un amendement déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – dont Barbara Pompili, alors députée de la Somme, réclamait la suppression dans le cadre de la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron – qui n’a finalement jamais abouti. « Aujourd’hui (en 2018), le seul vrai législateur en France, c’est l’exécutif. » avait-elle alors déclaré au Monde, estimant que la disparition de l’article 40 « redonnerait de la valeur au travail parlementaire et conforterait la place au législateur ».
Dans le cadre de la discussion de l’article 6 du projet de loi Climat – entre 23 h 30 et minuit le 1er avril –, les amendements parvenus en bout de parcours ont finalement écopé du même sort : une fin de non-recevoir du gouvernement. Seul l’amendement du rapporteur général et député LaREM du Gers, Jean-René Cazeneuve, adopté en commission spéciale, a été conservé. Il prévoit qu’une conférence des maires des communes appartenant au même EPCI, « visant à assurer la cohérence de l’exercice du pouvoir de police », pourra être convoquée par le président de l’EPCI.
Les débats à l’Assemblée se poursuivront jusqu’à la mi-avril, puis la chambre des territoires prendra le relais. Avec toujours le même point de vigilance : sans tenir la promesse du « sans filtre » ni entendre les propositions des élus et associations, la loi portée par Barbara Pompili pourrait devenir un autre symbole de « l’impuissance organisée de l’État », décrite par certains économistes – Frédéric Farah en tête.
Accéder au dossier législatif de la loi Climat et résilience.
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