Maire-info
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Édition du jeudi 28 septembre 2023
Budget de l'état

Programmation budgétaire : Elisabeth Borne déclenche de nouveau le 49.3

La Première ministre a mis rapidement fin, hier, aux débats ayant cours sur la trajectoire budgétaire des prochaines années, alors que son gouvernement avait annoncé qu'il proposerait, en séance, que l'effort demandé aux collectivités soit trois fois moins important que celui demandé à l'Etat.

Par A.W.

Elisabeth Borne renoue avec le « 49.3 ». Peu avant minuit hier soir, et après seulement un peu plus de deux heures d’examen en séance du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027, la Première ministre a fait irruption pour dégainer cet article de la Constitution qui doit lui permettre de faire passer ce texte sans vote.

Une première depuis sa dernière utilisation lors de la réforme des retraites, il y a six mois, mais pas vraiment une surprise puisque son gouvernement avait déjà entériné cette possibilité, le matin même, en Conseil des ministres. 

Un texte « indispensable » 

« Après avoir écouté les uns et les autres, je constate qu’au-delà de la majorité présidentielle, aucun groupe n’est prêt à voter ce texte essentiel pour notre pays », a expliqué la cheffe de l’exécutif, sous les rires et les huées des députés d’opposition. « Nous avons besoin de cette loi de programmation de nos finances publiques. Nous ne pouvons pas prendre le moindre risque », a-t-elle assuré, avant d'engager la responsabilité de son gouvernement sur « l’ensemble du projet de loi ».

Une mesure de précaution qui arrive alors que le texte a déjà été rejeté par les députés - puis la commission mixte paritaire - l’an passé, lors de sa première lecture. Un nouvel échec serait donc problématique d’autant que ce projet de loi s’avérerait « indispensable », selon le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, en début de séance. « C’est un texte indispensable à la crédibilité budgétaire de la nation française […] par rapport au marché », dans un contexte de taux d’intérêts élevés, mais aussi « par rapport aux autres Etats de la zone Euro qui, tous, ont déjà adopté une trajectoire pluriannuelle de réduction de leur dette et de leur déficit », a-t-il justifié.

En jeu, d’après lui, près de 18 milliards d’euros pour les caisses de l’Etat. « De ce texte dépend le décaissement de deux aides européennes, de 10,3 milliards d’euros en 2023 et 7,5 milliards d’euros que nous devrions recevoir avant la fin 2023 et en 2024. Et je veux être clair : sans loi de programmation des finances publiques, il n’y aura pas de décaissement », a prévenu le ministre de l’Economie, reprenant l’argument que la majorité présidentielle et l’exécutif déploient depuis l’an passé.

Mais comme en 2022, les oppositions ont rejeté cet argumentaire. « Rien ne permet d'affirmer que l'absence d'adoption serait un motif seul de blocage des versements », a estimé le président de la commission des Finances Eric Coquerel (LFI) qui a enjoint le gouvernement à « modifier sa politique budgétaire pour trouver une majorité ». « Soumettre le décaissement des crédits européens au vote d'une loi découle du seul engagement du gouvernement qui ne sait plus comment faire », a de son côté fait valoir la députée socialiste du Tarn-et-Garonne Valérie Rabault.

Limitation des dépenses des collectivités

S’il s'agit du 12e recours au « 49.3 »  de la part d’Elisabeth Borne depuis le début de la législature, ce n’est vraisemblablement que le premier d’une longue série automnale. Sauf succès peu probable de la motion de censure déposée, dans la foulée, par 146 députés et qui permettrait au passage de renverser le gouvernement, le texte sera donc considéré comme adopté dans les prochains jours.

Quelques minutes avant l’intervention de la Première ministre, la majorité avait d’ailleurs réussi à esquiver, par 175 voix contre 119, une motion de rejet préalable au texte (déposée par le député socialiste Boris Vallaud) grâce soutien des Républicains.

Reste que ce texte, qui avait fait couler beaucoup d’encre l’an passé, est particulièrement important pour les collectivités puisqu’il fixera leur trajectoire budgétaire pour les quatre prochaines années.

Initialement, il devait leur imposer, de manière coercitive - à travers des « contrats de confiance »  s’apparentant aux contrats de Cahors - , une limitation de leurs dépenses de fonctionnement « à un rythme inférieur de 0,5 point au taux d’inflation ». Le but étant toujours le même : les voir participer à l’effort de redressement des finances publiques. 

Si le dispositif contraignant a été désormais abandonné par l’exécutif, l’objectif de réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités était encore fixé à hauteur de « - 0,5 % par an par rapport à l’inflation prévisionnelle ». 

Mais le gouvernement s’était engagé, dans un communiqué publié mardi, après l’adoption en nouvelle lecture du projet de loi par la commission, de « proposer à l’Assemblée nationale, en séance publique, que l’effort demandé aux collectivités soit trois fois moins important que celui demandé à l’Etat ». Concrètement, « la dépense primaire de l’Etat devra ainsi reculer en moyenne de - 0,9 % par an en volume entre 2023 et 2027, contre - 0,3 % par an pour les collectivités », expliquait-il. Une annonce qui vient rappeler une indiscrétion qui avait déjà fuité dans Les Echos la semaine dernière. 

Dans l'attente de la publication du texte adopté, on ne sait donc pas encore clairement ce que le gouvernement a décidé en la matière. Maire info reviendra donc sur ce point dans les jours à venir.

« Manque d’ambition et de crédibilité »  pour le HCFP

Plus globalement, ce texte prévoit notamment de ramener le déficit public de 4,8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à « 2,7 % »  en 2027, sous l'objectif européen de 3 %, mais aussi d’« accélérer le désendettement pour revenir à 108,1 % de dette publique »  (la limite européenne étant de 60 %) et de « réduire le taux de prélèvement obligatoire de 45,4 à 44,4 points ».

Une trajectoire qui avait d’ailleurs été jugée, en début de semaine, « peu ambitieuse par rapport aux engagements européens »  et basée sur des hypothèses de croissance « optimistes »  par le Haut conseil des finances publiques (HCFP). Elle « manque encore à ce jour, à notre sens, de crédibilité », avait ainsi taclé son président, Pierre Moscovici. 

A noter que, en examinant ce texte en session extraordinaire, le gouvernement a réussi à manœuvrer pour disposer encore de la possibilité d’utiliser un « 49.3 »  pour la session ordinaire qui s'ouvre lundi. Pour rappel, l’exécutif ne peut dégainer cet article de la Constitution que sur un seul texte par session, hors budgets de l'Etat et budget de la Sécurité sociale, sur lesquels il peut engager sa responsabilité autant de fois qu’il le souhaite.

Consulter le dossier législatif du PLPFP 2023-2027.

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