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Édition du jeudi 19 mai 2022
Handicap

Prise en charge financière des AESH pendant le temps périscolaire : l'État refuse de soutenir les communes

Plusieurs sénateurs, ces derniers mois, ont saisi le gouvernement sur la question de la rémunération des AESH pendant le temps périscolaire et le temps de cantine, après que l'AMF eut fait de même en février dernier. Le Conseil d'État a en effet récemment décidé que cette prise en charge financière revenait aux collectivités territoriales. Explications.

Par F.L.

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S’il revient à l'État (ministère de l’Éducation nationale) de rémunérer les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pendant le temps scolaire, il n’en va pas de même pendant le temps périscolaire et le temps de restauration scolaire : la prise en charge incombe aux collectivités qui organisent ces activités. C’est ce qu’a statué le Conseil d’État, dans une décision rendue le 20 novembre 2020

La décision du Conseil d’État 

Le Conseil d’État s’appuie sur un argument relativement simple : l’organisation d’activités périscolaires et d’un service de restauration scolaire est facultative, et « les communes, départements et régions en supportent la charge financière ». Lorsque ces collectivités font le choix d’organiser de telles activités, « il leur incombe »  donc de veiller à ce que les élèves en situation de handicap puissent y participer… et donc de rémunérer les AESH qui rendent cette participation possible. 

Dans une « analyse »  complémentaire à cette décision, le Conseil d’État donne trois possibilités pour mettre en œuvre ce dispositif : ou bien les accompagnants employés par l’État pour aider les élèves sur le temps scolaire sont « mis à disposition »  des collectivités pour le temps périscolaires, « sur le fondement d’une convention », la charge financière étant assurée par la collectivité ; ou bien la collectivité recrute directement des accompagnants; ou bien le recrutement se fait « conjointement par l’État et la collectivité ». 

« Inquiétudes »  des maires

Cette décision, passée alors relativement inaperçue, « soulève de fortes inquiétudes chez les maires », avertissait le président de l’AMF dans un courrier adressé à la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel et à Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, le 17 janvier dernier.  Car il s’agit bien d’une décision qui remet en cause des pratiques couramment appliquées jusqu’à présent dans la plupart des académies – à savoir la mise à disposition gratuite des AESH par l’État. L’AMF relevait que cette décision allait « complexifier les conditions »  d’accueil de ces enfants, poser « d’inévitables difficultés organisationnelles »  et « faire peser sur les communes un nouvel effort financier conséquent ». Le tout étant encore compliqué par le fait que les communes ne sont pas associées aux décisions des CDAPH (Commissions départementales des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) et qu'« un certain nombre de maires font état de l'absence de véritable concertation établie par la direction académique pour la mise en œuvre de la décision du Conseil d'État ». 

Sept sénateurs à la charge

Ces préoccupations ont été relayées, ces derniers mois, par pas moins de sept sénateurs, qui ont interpellé par écrit le gouvernement sur ce sujet. Marie-Claude Varaillas (Dordogne), écrivait ainsi le 3 mars dernier que « la charge financière qui incombe désormais aux collectivités fait courir le risque d'une école inclusive à deux vitesses », arguant que « le recrutement et la rémunération des AESH devrait relever de la seule responsabilité de l'État et [que] cela passe également par une mise en place d'un statut et d'un corps de fonctionnaires d'État, mieux à même de garantir cette égalité de traitement par le service public »  (ce qui est également la position de l’AMF). Patrick Chaize (Ain), s’alarme du fait que « nombre de maires se heurtent à des difficultés dans l'application de ces mesures comme dans la mise en œuvre des modalités de prise en charge financière émises par le Conseil d'État », et demande à l’État de « soutenir les communes ». 

Éric Gold (Puy-de-Dôme) soulève un problème supplémentaire : « Certains rectorats et directions académiques ont annoncé vouloir recentrer les AESH sur le temps scolaire, et les collectivités redoutent d'avoir du mal à trouver des accompagnants, dans un secteur déjà confronté à des difficultés de formation et de recrutement. »  Il estime entre autres que « la multiplication des employeurs, pour les AESH, va encore fragiliser leur statut déjà précaire ». 

Fin de non-recevoir

Le ministère de l’Éducation nationale a publié une réponse commune à tous ces sénateurs, hier. Et – hélas sans grande surprise – cette réponse n’en apporte aucune. Le ministère se contente de rappeler la décision du Conseil d’État et affirme – contre toute évidence – que « depuis la rentrée 2021, les services académiques veillent à s'assurer de la bonne information des collectivités territoriales lors du recrutement d'un AESH afin de garantir la continuité de l'accompagnement de l'élève et la bonne articulation entre temps scolaires et périscolaires ». L’hypothèse de l’intégration des AESH dans le corps des fonctionnaires de l’Éducation nationale n’est même pas mentionnée. Le ministère rappelle simplement les « trois options »  listées par le Conseil d’État (dont aucune n’apparaît réellement satisfaisante ni opérationnelle aux associations d’élus), et précise simplement que « des travaux interministériels sont en cours pour décliner (ces) différentes options et préciser les modalités concrètes que prendra cette coordination nécessaire dans l'intérêt de ces élèves. » 

Une réponse qui ne risque pas de satisfaire l’AMF qui, en lien avec Territoires Unis dans un courrier du 11 février 2022 adressé au Premier ministre, avait rappelé une fois encore que « le recrutement et la rémunération des AESH devrait relever de la seule responsabilité de l’État, au titre de sa mission générale de garant de l’inclusion et de la continuité de la prise en charge de ces enfants ». Elle a, en outre, demandé au Premier ministre d’organiser les conditions d’un vrai travail partenarial sur ce sujet, et d’associer les collectivités « à la conception et à la mise en œuvre de solutions concrètes et opérationnelles ». 

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