Prévention des noyades : des difficultés qui s'accumulent pour les collectivités
Par Lucile Bonnin
L’enquête noyades de Santé publique France de 2018 montre une véritable augmentation du nombre de noyades accidentelles en France (1266 en 2015 et 1649 en 2018) et une stabilisation du nombre de noyades accidentelles suivies de décès (436 en 2015 et 406 en 2018).
Plus récemment, entre le 1er juin et le 31 août 2021, 1 119 noyades accidentelles ont été recensées dont 26 % concernaient les moins de 6 ans.
Face à ces constats inquiétants, le ministère des Sports a lancé en avril 2019, le plan « Aisance aquatique » visant à assurer le développement de l’aisance aquatique pour prévenir le risque de noyade en priorité chez les plus jeunes (les 4 à 6 ans prioritairement) ; informer et communiquer sur le risque des noyades (signalétique, radio, actions sur les plages) ; faciliter l’accès à la profession de maître-nageur-sauveteur et faciliter l’accès aux bassins et plans d’eau pour enseigner la natation.
Mais le déploiement de ce dispositif nécessite un engagement fort de la part des collectivités qui, notamment depuis la crise covid-19, ont parfois du mal à répondre parfaitement à ces objectifs.
Apprendre à nager : un service public important pour les élus
L’AMF soutient cette idée depuis toujours : l’apprentissage de la natation est un service public et les élus y sont particulièrement sensibles. Les mesures de sécurité dans les piscines publiques sont très surveillées par les élus. L’apprentissage de la natation est aussi obligatoire à l’école depuis 1879, et les communes s’efforcent de respecter cette obligatoire malgré le manque croissant de maîtres-nageurs-sauveteurs (MNS) dans les piscines. (lire Maire info du 20 mai)
L’État, de son côté, partage cette ambition d’encourager l’apprentissage de la natation dans les territoires. Dans un guide dédié aux collectivités, le ministère des Sports indique notamment que l’apprentissage de l’aisance aquatique peut être réalisé sur le temps scolaire (« classe bleue » ), sur le temps périscolaire ou extrascolaire (stages bleus) ou encore lors d’activités familiales (« jours bleus » ). Si ces ambitions sont louables, elles sont parfois difficilement réalisables pour les collectivités qui en portent souvent la responsabilité seules.
Des politiques difficiles à mettre en œuvre
Les collectivités doivent faire face à plusieurs difficultés en ce qui concerne la gestion des piscines. La première, et non la moindre, concerne le coût financier du fonctionnement de celles-ci. Dans un courrier adressé à Jacqueline Gourault, ancienne ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, les représentants des collectivités (France Urbaine, l’AMF et l’Andes) ainsi que l’Union Sport et Cycle, avaient mis en avant, en mars 2021, la gravité de la situation des complexes aquatiques à la suite de la crise covid-19, et demandé à plusieurs reprises la mise en place d'un plan piscines pour soutenir les acteurs.
En cause : « La mise en œuvre des mesures sanitaires qui a augmenté les charges d’exploitation des communes et des intercommunalités ainsi que de leurs délégataires » et « la limitation au seul public prioritaire » qui a réduit leurs recettes. De nombreuses structures subissent encore les conséquences de la crise et n’ont donc pas suffisamment de moyens financiers pour déployer cette politique qui demande notamment l’élargissement de créneaux d’accueil et des équipements spécifiques. Sans oublier bien évidemment que les piscines sont des « gouffres » financiers et énergétiques (lire Maire info du 23 avril 2021) qui pâtissent de la crise inflationniste liée à la guerre en Ukraine.
Plus concrètement encore, le manque d’équipement fait aussi obstacle à de nombreuses collectivités. Si un retard sur l’apprentissage de la natation est à déplorer, c’est notamment parce que le manque de structures ne fait que s'accentuer depuis plusieurs années. D’autres problèmes viennent s’ajouter à ce phénomène : le parc aquatique est vieillissant et surtout mal réparti au sein du pays.
Dans son rapport annuel datant de 2018, la Cour des Comptes pointait que les 4 135 piscines publiques recensées étaient très mal réparties sur le territoire notamment car elles ont été construites « pour moitié avant 1977 » et cette géographie est donc dépassée, laissant de côté les espaces périurbains par exemple ou encore les territoires de montagne.
Bassins mobiles et piscines privées : des solutions à déployer localement
Ces enjeux sont bien identifiés par le ministère des Sports qui mise sur deux solutions pour agir rapidement : l’équipement complémentaire avec les bassins mobiles et l’optimisation de l’ensemble des équipements existants.
Prévu dans le cadre du programme des 5000 équipements sportifs de proximité (lire Maire info du 16 février), le déploiement de « bassins mobiles » , qui peuvent être subventionnés jusqu’à 80 % par l’Agence nationale du sport, apparaît comme une solution potentielle pour pouvoir offrir la possibilité à plus de jeunes d’apprendre à nager dans des gymnases ou en extérieur. Pour rappel, ce type de structure est implanté prioritairement en QPV.
Autre solution relativement nouvelle puisqu’elle a été annoncée début mai : dans le cadre d’une convention, les collectivités vont pouvoir recourir à des piscines privées à usage collectif pour l'apprentissage de la natation. Les collectivités, les écoles, les centres de loisirs et les clubs qui sont impliqués dans le plan Aisance aquatique vont pouvoir utiliser des piscines de campings, hôtels, villages vacances et autres centres de vacances.
Selon une source du ministère des Sports, contactée par Maire info, « 8 000 bassins ne sont pas utilisés à l’année mais majoritairement pour la saison touristique. L’idée est donc de développer une offre complémentaire à l’existant qui serve les jeunes localement et qui contribue à la relance de l’économie du secteur touristique suite à la crise sanitaire et dans le cadre du plan 2030. »
Des modèles de conventions à signer entre les professionnels de l’hébergement touristique collectif et les collectivités sont disponibles sur le site du Groupement national des indépendants hôtellerie et restauration. Les conditions de mise à disposition du bassin sont détaillées dans une fiche sécurité qui rappelle notamment que l’établissement doit mettre à disposition un bassin conforme à la réglementation en vigueur et qu’il y a une obligation de surveillance mise à disposition par la collectivité.
« Une des craintes des collectivités était de devoir ouvrir des créneaux piscines pour les enfants de 4 à 6 ans au détriment de créneaux piscines déjà occupés par des plus grands notamment des scolaires » , explique-t-on au ministère des Sports. Cette solution permettrait d’offrir ainsi plus de créneaux. C’est aussi l’occasion de favoriser un apprentissage avec deux séances par jour sur une semaine pour l’enfant.
Si les établissements ont l’air plutôt volontaires selon le ministère, la mise à disposition des bassins pourra se faire gratuitement... ou non ! Une collectivité pourra en supporter le coût dans sa totalité ou en partie. Les négociations devront se faire localement. Le modèle de convention ne prévoit pas de participation financière de l'État. Mais le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques soutient la formation des encadrants à l'aisance aquatique (2 millions d'euros en 2022), la mise en place de classes/stages bleus (1,5 millions d'euros en 2022) et l'apprentissage du savoir-nager (programme "j'apprends à nager" 1,5 millions d'euros en 2022) par le biais de son opérateur l'Agence nationale du sport.
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