Quartiers défavorisés : après « l'appel au secours » de plus de 100 maires, Emmanuel Macron demande au gouvernement de les recevoir
Près de 110 élus locaux ont envoyé, vendredi, une lettre ouverte au président de la République « pour l’égalité républicaine de nos quartiers prioritaires » lui demandant de consacrer 1 milliard d’euros du plan de relance aux « territoires en décrochage » fragilisés par la crise sanitaire. Emmanuel Macron a demandé au gouvernement de les recevoir.
« À l’heure où nos villes sont sous pression, où nos habitants se précarisent, où nos associations s’éteignent, où les idéologies mortifères se développent, où les difficultés débordent... », quelque 110 maires, présidents d’agglomération et d’associations d’élus, dont les deux principaux responsables de l'AMF, François Baroin et André Laignel, ont rédigé une lettre ouverte à Emmanuel Macron, en forme d’« appel au secours », l’enjoignant à venir en aide aux territoires et aux quartiers défavorisés particulièrement affectés par les conséquences de la pandémie.
« 1 % solidarité » sur le plan de relance
Face à la « détresse sociale et économique » qui se développe, au « désespoir et à la division », ils réclament que le plan de relance sanctuarise 1 % de ses 100 milliards d’euros pour les « territoires en décrochage ». Les signataires, qui disent représenter « près de 10 millions d’habitants » vivant dans « des villes pauvres ou en voie de paupérisation », proposent d'abonder prioritairement plusieurs fonds avec ce milliard d’euros.
Un fonds d'urgence, d’abord, pour les associations « œuvrant pour la jeunesse et les publics en difficulté » qui serait doté d’une enveloppe annuelle de 100 millions d’euros, un fonds de 120 millions d’euros, ensuite, destiné à la mobilisation des acteurs de l’emploi, mais aussi deux fonds de 200 millions d’euros pour la création de comités locaux de solidarité consacrés à l’aide d’urgence, d’un côté, et de maisons médicales et de centres de santé, de l’autre.
Il permettrait également de créer 7 000 postes de médiateurs, le développement d'un plan national de lutte contre l'illettrisme et l'illectronisme, le lancement de 200 plateformes de mobilité dans les villes les plus enclavées (territoires urbains et ruraux) ou encore le renforcement des programmes d'éducation aux médias et au numérique dans les collèges et lycées. Les élus proposent, en outre, la « généralisation des clauses d’insertion dans tous les marchés publics et particulièrement dans le cadre de Paris 2024 ».
Ils souhaitent aussi la mise en place d’un « Conseil national des solutions » composé d’élus, d’associatifs, de fonctionnaires, d’entrepreneurs et d’universitaires bénévoles qui devront « identifier, promouvoir et évaluer les solutions qui marchent sur le terrain (en matière d’emploi, de citoyenneté, d’éducation, de sécurité, de mobilité, de logement...) ».
« Non-assistance à territoires en danger »
Les 110 élus rappellent que le président de la République n’a pas encore honoré les engagements pris en 2018 après la remise du rapport du ministre Jean-Louis Borloo sur les quartiers défavorisés. Celui-ci proposait 19 programmes et 48 mesures pour « faire revenir la République » dans les quartiers face au « repli identitaire et communautaire », ainsi que la création d'un fonds de 5 milliards d'euros.
« Trois ans plus tard, seules quelques mesures, portées principalement par les villes, ont pu être engagées (uniquement 4 avec le portage de l’Etat !) », fustigent les élus, estimant que l’ambition formulée par Emmanuel Macron de « changer le visage de nos quartiers (...) d’ici la fin du quinquennat a fait long feu ».
Au regard de la situation actuelle, « le sentiment qui domine est celui de non-assistance à territoires en danger », font-ils valoir, jugeant que « les villes et quartiers populaires restent un angle mort du plan de relance : aucune mesure ambitieuse n'a été prise pour répondre à la détresse sociale et économique qui frappe nos communes. (...) Aujourd’hui, un autre virus se développe dans nos quartiers et même au-delà : celui du décrochage à la République ».
Ils observent que « partout » les signaux sont « au rouge » : que ce soient les demandes d’aide alimentaire d’urgence qui « explosent », les demandes de RSA qui « progressent massivement », le chômage qui « augmente » ou encore les inscriptions dans les associations culturelles et sportives qui ont « massivement diminué ».
Emmanuel Macron « partage les inquiétudes et les objectifs des signataires »
Un constat qui vient faire écho à une série d’études internationales qui ont montré que les personnes en situation de pauvreté mourraient davantage du covid-19 que les autres. Le directeur de la santé publique à l’ARS Île-de-France, Luc Ginot, l’a encore évoqué la semaine dernière, concernant l’Hexagone (lire Maire info du 12 novembre).
En parallèle, la précarité ne cesse de progresser. Le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, a expliqué hier dans Le Journal du dimanche que le nombre de personnes sans domicile fixe était « effrayant » et avait doublé depuis 2012, pour atteindre les 300 000 personnes en France. Et celui-ci de craindre le retour des expulsions au 1er avril dans un contexte économique dégradé.
Ayant « bien reçu la lettre », Emmanuel Macron a expliqué, samedi, « partager les inquiétudes et les objectifs des signataires » et « demande au gouvernement de recevoir ces élus et de travailler avec eux », a appris l’AFP auprès de l’Elysée, sans qu’une date n’ait été décidée à ce stade. Le chef de l’Etat a également fait savoir qu’il tenait à ce que le plan de relance « soit au rendez-vous pour les quartiers populaires comme pour la ruralité ».
A.W.
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