Maire-info
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Édition du jeudi 17 octobre 2024
Précarité

Chèque énergie : le gouvernement propose un dispositif qui risque de faire exploser le non-recours

Les associations de consommateurs et la FNCCR se montrent très inquiets sur l'évolution du chèque énergie, qui n'est désormais plus attribué automatiquement mais sur demande des usagers précaires, avec pour conséquence un taux extrêmement élevé de non-recours. Ce qui, selon elles, arrange bien le gouvernement en période de disette budgétaire. 

Par Franck Lemarc

La FNCCR et une douzaine d’associations de consommateurs et d’associations caritatives ont publié, hier, un communiqué dénonçant « une attaque frontale du gouvernement »  contre le chèque énergie, assorti d’une lettre très détaillée adressée aux parlementaires. 

La fin de l’automatisation

Les associations notent en premier lieu que le chèque énergie – dispositif censé aider les ménages les plus précaires à acquitter leurs factures d’électricité ou de gaz – n’a pas augmenté depuis 2019, alors que pendant la même période les tarifs réglementés de vente de l’électricité ont augmenté de… 81 % ! Ce qui, en soi, constitue déjà un problème majeur. 

Mais c’est surtout sur les conditions d’attribution de cette aide que les associations souhaitent alerter les parlementaires. En effet, l’octroi du chèque, qui était automatisé auparavant, ne l’est plus aujourd’hui. C’est l’un des multiples dommages collatéraux de la disparation de la taxe d’habitation : en effet, jusqu’en 2022, c’était le croisement des données de la TH, définissant le nombre d’unités de consommation par ménage, avec le revenu fiscal de référence, qui permettait de définir l’éligibilité au dispositif et l’octroi automatique du chèque (attribué aux ménages déclarant moins de 11 000 euros par unité de consommation, soit, selon les associations, 5,6 millions de ménage). 

Dans un premier temps, en 2023, ne pouvant plus utiliser les données de la TH, le gouvernement a annoncé qu’il se contenterait de reverser en 2024, aux mêmes ménages, le même chèque qu’il avait versé en 2023. Levée de bouclier des associations, qui ont rappelé à l’époque que chaque année, environ un million de personnes nouvelles sont éligibles au dispositif, tandis qu’autant ne le sont plus. Reverser les mêmes sommes aux mêmes personnes aurait donc conduit, d’une part, à exclure du dispositif les nouveaux entrants potentiels, et, d’autre part, à continuer d’aider des ménages n’en ayant plus – ou moins – besoin. 

Le gouvernement avait alors annoncé la création d’une plateforme sur internet, qui a été ouverte le 4 juillet dernier, pour permettre aux nouveaux entrants potentiels de se signaler. Mais cette solution n’en est pas une : entre le fait qu’un grand nombre de personnes ignorent tout simplement et l’existence de cette aide et de la plateforme, et les difficultés liées à l’illectronisme, on pouvait s’attendre à un taux de non-recours considérable. Cela n’a pas manqué : selon la Direction générale de l’énergie et du climat, seuls « 3 % des nouveaux ayants-droit potentiels ont obtenu un chèque via la plateforme »  (31 500 sur un million).

Les associations demandent donc, pour commencer, que le gouvernement revienne sur la fermeture annoncée de la plateforme le 31 décembre prochain, et qu’une « information massive des consommateurs dans les médias publics »  soit organisée. 

Nouveau dispositif

Reste la question des campagnes suivantes. Les associations s’opposent au dispositif qui a été retenu par le gouvernement, et qui figure à l’article 60 du projet de loi de finances pour 2025. 

Le gouvernement propose, pour aboutir à « une solution pérenne et ne plus se fonder sur une liste obsolète », de définir les ayants-droit en croisant les données fiscales (revenu fiscal de référence) et le numéro du point de livraison (PDL) du logement (le numéro à 13 chiffres de leur compteur Linky). Pour établir la liste des bénéficiaires, l’Agence de service et de paiement s’appuiera d’abord sur « les données des bénéficiaires dont elle dispose déjà au titre des chèques précédemment attribués, ce qui permettra un envoi automatique dès lors qu’il est établi que ces bénéficiaires satisfont toujours la condition de revenus »  ; et, pour les nouveaux entrants, sur les données qui seront déclarées sur une nouvelle plateforme internet. 

C’est ce point qui suscite la colère des associations, qui affirment que les mêmes causes produiront les mêmes effets et que le taux de non-recours risque d’être le même que cette année. En effet, les bénéficiaires potentiels – à supposer qu’ils soient au courant de l’existence de l’aide et de la plateforme – devront se connecter, s’identifier – ce qui suppose de disposer de documents d’identité numérisés –, y renseigner leur numéro de PDL et leur numéro fiscal… Autant d’étapes difficilement accessibles à un public en difficulté face à l’outil informatique. 

Les associations accusent clairement le gouvernement de « complexifier volontairement l’accès au chèque énergie pour réaliser des économies budgétaires au détriment des plus démunis ». Elles demandent, au contraire, que l’octroi du chèque énergie soit de nouveau automatisé, et proposent une solution simple pour les années à venir : faire figurer sur les déclarations de revenus (papier et internet) une information sur l’éligibilité possible au chèque-énergie, et demander aux déclarants à cette occasion de renseigner leur numéro de PDL. Ainsi, l’administration disposerait directement du numéro de PDL et du revenu fiscal de référence de tous, et pourrait alors directement attribuer le chèque énergie aux ménages entrant dans les critères. 

Les associations demandent donc aux députés de porter cette solution et se disent disponibles pour réfléchir aux modifications législatives que cela impliquerait. Elles demandent également une revalorisation du chèque, afin de tenir compte de l’inflation de ces dernières années. Faute de quoi, le dispositif actuel laissera sur le bord du chemin des centaines de milliers de ménages touchés par la précarité énergétique. 

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