Engagement et proximité : décryptage du volet « pouvoirs de police »
Suite de la série que Maire info consacre au projet de loi Engagement et proximité, avant la commission mixte paritaire qui devrait se réunir le 11 décembre. Aujourd’hui, zoom sur les mesures adoptées par les députés en matière de pouvoir de police du maire.
Première nouveauté : un amendement a été adopté permettant d’améliorer l’information des maires sur leur prérogatives en tant qu’officier de police judiciaire. « La méconnaissance de leurs prérogatives peut en effet constituer un frein au bon accomplissement de leurs missions », estime le rapporteur du texte, Benoît Questel (LaREM). Ces prérogatives leur seraient donc présentées directement, en début de mandat, par le préfet et le procureur de la République de leur département. Les maires recevraient également, ainsi que les adjoints, « une carte d’identité tricolore ».
L’article 12, renforçant les prérogatives de police spéciale du maire en matière de fermeture des établissements recevant du public (ERP) menaçant ruine, a été adopté quasiment sans modification par rapport à la version Sénat : après une mise en demeure restée sans effet, le maire pourrait ordonner la fermeture et imposer une astreinte au propriétaire, pouvant s’élever à 500 € par jour de retard.
Débits de boissons
En séance, les députés ont longuement débattu d’une disposition prévue par le Sénat : la possibilité pour le préfet de déléguer certains de ses pouvoirs au maire notamment en matière de fermeture administrative des débits de boissons. La majorité et le ministre Sébastien Lecornu se sont montrés peu enthousiastes vis-à-vis à ce dispositif, estimant qu’il pouvait devenir « coercitif » parce que « systématique ». Des députés de l’opposition ont plaidé que le gouvernement pouvait à cette occasion « manifester sa confiance envers les maires de France ». « Il s’agissait là d’accorder de la liberté, du pouvoir d’intervention et de la confiance aux maires », a plaidé Robin Reda (LR). Par ailleurs, ils ont rappelé que lorsque des débits de boisson provoquent des nuisances, c’est bien le maire « qui finit par être pris pour cible par la population qui ne (les) supporte plus ». Il devrait donc « pouvoir procéder à la fermeture sous le contrôle du préfet ». L'article 13 permet finalement, comme prévu par le Sénat, que les maires puissent demander aux préfets de leur déléguer cette prérogative, « au vu des circonstances locales ».
Par ailleurs, il sera créé dans chaque commune concernée une « commission municipale des débits de boissons », présidée par le maire et incluant des représentants des forces de l’ordre et du préfet, chargée de « proposer à titre consultatif des avis motivés ».
Concernant les débits de boissons, un nouvel article a été adopté, permettant la mise en musique d’une des mesures de l’Agenda rural, censée faciliter la réimplantation de cafés dans les petites communes. De nouvelles licences IV pourront être créées et elles seront, de nouveau, gérées au niveau départemental. Maire info reviendra prochainement, dans un article spécifique, sur ces dispositions particulières et assez complexes.
L’article 14 quinquies, relatif à la lutte contre les marchands de sommeil, a été supprimé sur demande du gouvernement. Il permettait aux maires de prendre des arrêtés d’interdiction de louer des logements insalubres, avec astreinte. Cette création de fait d’une « nouvelle police spéciale du maire » a été rejetée par le gouvernement, qui estime que « les polices existantes » suffisent, notamment après les mesures décidées dans le cadre de la loi Élan. L’ordonnance prévue par celle-ci mettra en œuvre de nouvelles polices de lutte contre l’habitat indigne.
L’article 15 a été enrichi et adopté. Important, il traite des amendes administratives que le maire pourrait désormais dresser pour manquement à un arrêté « présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu », en matière d’élagage, d’entrave à la circulation ou d’occupation du domaine public dans droit ni titre. Il s’agit, pour Sébastien Lecornu, d’une « avancée significative et majeure ». Plusieurs amendements ont été rejeté, notamment ceux qui proposaient d’élargir le dispositif à la possibilité d’immobiliser les véhicules pris en flagrant délit de dépôt sauvage de déchets. Le ministre a fermement rejeté les amendements suggérant d’étendre ces dispositions à l’interdiction des tentes et autres logements de fortune – « ligne rouge » pour le gouvernement qui « n’acceptera pas » que des maires risquent de « s’en prendre à des personnes dormant dans la rue ».
En revanche, à la demande de nombreux députés, le dispositif a été élargi au « non-respect d’un arrêté de restrictions horaires pour la vente d’alcool à emporter sur le territoire de la commune ».
Rétablissement de l’information des maires par les procureurs
Les députés ont supprimé la possibilité, introduite par le Sénat, de fixer une limite inférieure à 120 jours par an pour location de logements par les plateformes type AirBnB. La majorité, dans le sillage de la commission des lois, a estimé que cette disposition « n’aurait pas d’effet sur le marché du logement » et présenterait des risques d’inconstitutionnalité. Ils ont en revanche confirmé que les plateformes devraient désormais transmettre aux communes le nom de chaque loueur et le fait de savoir si le bien loué constitue, ou non, sa résidence principale.
De façon un peu inattendue, les députés ont également rejeté des amendements proposant que les agents de police municipale aient accès aux fichiers des véhicules volés et à celui des personnes recherchées – mesures qui font pourtant l’objet d’un consensus général. Le ministre Lecornu s’y est dit, en effet, favorable « sur le fond », mais estime que ces dispositions doivent figurer dans un projet de loi spécifique.
Les maires seront plus satisfaits du rétablissement de l’article 15 quater, qui permet l’information obligatoire du maire, à sa demande, par le procureur de la République, des suites données à une plainte déposée par lui-même ou à des infractions constatées par des agents de la police municipale. On se souvient que la commission des lois avait supprimé cet article au nom de la séparation des pouvoirs. C’est Sébastien Lecornu lui-même qui a veillé à son rétablissement, dans une rédaction « plus solide », qui a fait l’unanimité dans l’hémicycle.
F.L.
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