Pour Zacharia Alahyane, directeur de la mission France Mobile, le New Deal Mobile, « c'est la décentralisation à son paroxysme »
Le 14 janvier 2018, Julien Denormandie, alors secrétaire d’État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, annonçait, de concert avec l’Arcep, régulateur des télécoms, et les quatre principaux opérateurs, la « fin des zones blanches » en France pour la fin 2020. Un an plus tard, le New Deal Mobile - c’est le nom de cet accord présenté comme « historique » - entre dans sa phase de « rodage ». Zacharia Alahyane, directeur de la Mission France Mobile au sein de l'Agence du numérique - agence de l’État rattachée à Bercy - et chargé d’assurer le suivi de ce plan financé dans sa totalité par les opérateurs, revient sur ses objectifs et sur le rôle des communes dans sa concrétisation.
Avant de faire avec vous un premier bilan, pouvez-vous rappeler dans quel contexte le New Deal Mobile a été lancé ?
Avant le New Deal Mobile, il existait un programme gouvernemental intitulé « Zones blanches - centres bourgs » (lancé en 2003, ndlr), qui prévoyait en résumé que la puissance publique - l’État et les collectivités territoriales – finance une partie des pylônes. Les opérateurs, eux, couvraient surtout les zones les plus rentables, celles où les densités de population étaient les plus élevées. Concrètement, environ 180 sites bénéficiaient d’une meilleure couverture chaque année.
Qu’est-ce qui a changé avec le New Deal Mobile il y a un an ?
Avec le New Deal Mobile, on change de logique. Les collectivités - et plus particulièrement la commune - ne financent plus les pylônes. Leur montant est pris en charge par les opérateurs depuis que l’État a renoncé au système d’enchères qui conditionnait l’attribution des fréquences 700 MHz [une partie du spectre de fréquences radio sur lequel sont émises les communications téléphoniques, ndlr]. Pour l’État, cela pouvait représenter des recettes de l’ordre de 3 milliards d’euros.
Qu’ont garanti les opérateurs en échange de ces 3 milliards d’euros ?
Les opérateurs ont pris l’engagement de généraliser la 4G d’ici à la fin de l’année 2020 et notamment dans les zones non ou mal couvertes, dans le cadre de ce que l’on appelle le dispositif de couverture ciblée. 5 000 nouveaux sites, au rythme de 600 à 800 sites mobiles par an, seront ainsi construits par les opérateurs, dont une partie sera mutualisée.
Une première liste de 485 sites, établie à partir des anciens programmes de couverture mobile, a été publiée au Journal officiel en juillet 2018. Une deuxième liste de 115 sites a suivi fin décembre, une autre sera publiée en février. 3 000 pylônes 2G-3G ont été convertis à la 4G depuis le 1er janvier 2018. Selon moi, l’investissement des opérateurs s’élèvera à plus de 3 milliards d’euros.
Comment ces sites prioritaires sont-ils choisis ?
Ils sont identifiés dans le cadre d’équipes-projets locales (échelle départementale, pluri-départementale ou régionale) dédiées réunissant notamment les collectivités territoriales concernées et l’État (préfets de département ou de région). Il en existe aujourd’hui 66.
En moyenne, chaque département bénéficie d’une dotation de 8 sites prioritaires à sélectionner chaque année (leur nombre augmente en cas de regroupement de départements), selon des critères démographiques et de surface. Le « tourisme » pourrait être un nouveau critère prioritaire d’ici trois mois.
L’Avicca craint que l’État incite les collectivités à proposer des sites inscrits dans l’Atlas, un document - configuré par la Fédération française des télécoms - qui regroupe les zones prioritaires, selon les intérêts des opérateurs.
En ce qui concerne l’Atlas, il a été réalisé par les opérateurs - en lien avec l’Arcep - pour déterminer les 2 000 zones parmi les plus habitées où aucun opérateur ne dispose aujourd’hui d’une bonne couverture. C’est un outil d’aide à la décision qui a l’avantage d’allier intérêt économique pour les opérateurs et accélération du déploiement de la 4G [l’étude radio a déjà été réalisée, ndlr]. J’y vois une opportunité. Pour autant, en aucun cas, l’État ne donne de consigne ou demande aux équipes-projets de choisir les sites prioritaires de leur région dans l’Atlas. Il convient de piocher dedans seulement si cela a du sens pour le territoire.
Vous garantissez donc que les collectivités ont le dernier mot…
Il n’y a aucune volonté de l’État de neutraliser les décisions des collectivités locales. C’est l’équipe-projet qui a le dernier mot. On aurait pu faire la répartition des 5 000 pylônes depuis Bercy mais on aurait tapé à côté. Le New Deal Mobile, c’est la décentralisation à son paroxysme. Rien ne serait réalisable sans la mobilisation des collectivités. Depuis le lancement de ces équipes-projets, il y a eu des petits sujets - nous n’avons pas tous la même appréciation des priorités - mais je vous assure que dans la quasi-totalité des situations, ça tourne très bien !
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