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Édition du mercredi 8 novembre 2023
Restauration scolaire

Pour l'Ademe, les surcoûts d'une restauration scolaire plus durable sont modérés

L'Ademe publie une étude très fournie qui conclut au faible surcoût – hors inflation – de l'application des objectifs Egalim aux cantines scolaires, même si la marche reste encore trop haute pour les communes dont la population est paupérisée.

Par Emmanuel Guillemain d'Echon

Faut-il y voir un espoir pour les communes ? Selon l’Ademe, la réalisation des objectifs Égalim ne représenterait – en moyenne – qu’une augmentation de 5 % des coûts comptables des repas, « et même un peu moins sur les coûts complets », si l’on prend en compte la réduction « externalites »  environnementales mises en avant par la loi Égalim, mais dont la définition juridique reste encore peu claire.

Trois d’entre elles ont pu être évaluées financièrement par l’étude : les coûts de dépollution de l’eau engendrés par l’utilisation de pesticides et la pollution aux nitrates liée aux rejets agricoles, le coût du carbone associé aux émissions de gaz à effet de serre des repas en restauration scolaire et enfin les coûts de la collecte et du traitement des déchets organiques de la restauration scolaire.

Ainsi, un repas préparé pour 8,72 euros en 2018 dans le cas d’une cantine d’école primaire servant 200 élèves avec une cuisine sur place, coûterait 9 euros dans le cadre d’un repas respectant les stantards Égalim – uniquement en ce qui concerne les quotas de produits bio et de repas végétariens, la réduction du gaspillage alimentaire et la suppression du plastique, l’introduction de produits « durables »  n’ayant pas été modélisée.

Le coût des animateurs surpasse celui des denrées

De manière inattendue, ce n’est pas le coût des denrées qui a le plus d’impact sur cette légère augmentation, mais bien celui du personnel et notamment les animateurs qui encadrent le repas des enfants, qui augmente de près de 19 centimes. De manière générale, explique l’Ademe, « les coûts des encadrants des élèves - qui sont indispensables pour les accompagner et faire de la sensibilisation a une alimentation saine et durable - peuvent depasser les coûts d’achat des denrées en maternelle et primaire, soit plus d’un quart des coûts complets ».

Pour le rapport, la hausse dans l’assiette est en partie « compensée par les économies réalisées grâce à la réduction du gaspillage et à la baisse des produits issus de l’élevage, dans le cas où la composition du repas végétarien n’est pas ultra-transformée »  (steaks de soja, etc.).

D’autres modèles « poussant encore plus loin les curseurs »  sont étudiés : « durabilité + », « durabilité ++ »  et « durabilité ++ & relocalisation », ce dernier comptant 50 % de produits bio et 50 % de repas végétariens (un par semaine et une alternative quotidienne), avec 50 % de réduction du gaspillage et l’emploi de produits bruts grâce à l’existence d’une légumerie. Tandis que les deux premiers modèles affichent un coût quasiment identique au modèle Égalim, c’est le plus poussé qui coûte le plus cher : 9,76 euros par repas pour « durabilité ++ & relocalisation ».

C’est sans surprise la relocalisation de l’approvisionnement qui génère des surcoûts plus importants, « a minima à court terme », ce qui, pour l’Ademe, « met en lumière les besoins de mutualisation entre communes et/ou d’un accompagnement financier pour les investissements initiaux (infrastructure, matériel, personnel, formation...) ». Une demande portée de longue date par l’AMF et seulement partiellement satisfaite par les enveloppes débloquées par l’État dans le cadre du plan de relance et du Fonds vert.

Point important à noter : l’effet de l’inflation sur les budgets scolaires n’a pas été prise en compte, alors que comme le rappelle le rapport, « le Syndicat national de la restauration collective (SNRC) indique que l’inflation des denrées en restauration scolaire était de l’ordre de 12 % en septembre 2022 par rapport à l’année précédente (2021) »  - et que cette inflation s’est encore poursuivie en 2023. L’Ademe s’en explique en précisant que l’inflation « n’était pas stabilisée pendant l’étude ».

La situation se complique pour les communes pauvres

La partie qui intéressera sans doute le plus les collectivités qui gèrent une restauration scolaire concerne la part de ses coûts qu’elles peuvent prendre en charge. L’Ademe définit, pour les familles, deux tarifs : le tarif actuel moyen pratiqué par une collectivité, et « le tarif optimum qui permettrait de minimiser le nombre de familles en situation de vulnérabilité alimentaire ».

Le constat est sans appel : les communes dont la population est plus aisée peuvent « largement »  couvrir les surcoûts générés par Egalim, tandis que celles où dominent les ménages modestes et moyens « ne sont pas en capacité d’appliquer cette politique tarifaire sauf à grever fortement leur budget municipal ». En effet, les communes dont la population est plus aisée peuvent augmenter leur recette moyenne à 4,97 euros au lieu de 3 euros, « ce qui implique un taux de subvention public du service de 40 % contre 64 % dans la situation initiale », tandis que les communes à population pauvre devraient fixer leur recette moyenne « à 1,54 euro pour garantir l’accessibilité de toutes et tous à la restauration scolaire, ce qui implique un taux de subvention public de 84 % du service de restauration ».

Au passage, le rapport égratigne l’initiative gouvernementale du « repas à 1 euro »  pour les communes rurales souhaitant instaurer une tarification solidaire : ainsi, « le dispositif laisse sous-entendre qu’il faut mettre le maximum de ménages à un tarif de 1 euro alors que l’enjeu est sans doute de permettre aux plus modestes d’être à 0,7 euro par repas, et aux ménages un peu moins modestes d’être à 1,5 euro. L’écart est substantiel à la fin du mois », critiquent les auteurs du rapport, qui pointent aussi le risque d’un surcoût trop important pour les familles qui vivent avec 1 ou 1,5 smic.

Signalons que les modélisations présentées par l’Ademe, qui ne sont valables que pour les communes de métropole, sont basées sur une large revue bibliographique ainsi que des entretiens avec les réseaux nationaux (AGORES, RESTAU’Co...) et des ateliers de travail avec des collectivités pilotes. Virginie Lanlo, alors adjointe au maire de Meudon et co-présidente du groupe de travail restauration scolaire de l’AMF, a notamment fait partie du comité de pilotage.

Télécharger la synthèse du rapport.

Télécharger le rapport complet.

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