Vers une simplification bienvenue de l'élaboration des Plans d'action et de prévention des inondations
Par Franck Lemarc

« Les élus locaux font face à un enchevêtrement de normes et à des lourdeurs administratives qui ne favorisent ni la prévention ni l'action rapide », a expliqué hier le sénateur Jean-Yves Roux (Alpes-de-Haute-Provence, Parti radical de gauche). Cette phrase pourrait s’appliquer à bien des domaines de l’action locale – mais elle évoquait, ici, la prévention et la gestion des inondations.
Cette proposition de loi fait suite à la mission d’information du Sénat menée par Jean-François Rapin qui, après quarante auditions et une consultation des élus locaux qui a reçu près de 1 200 témoignages, a pu identifier les principales difficultés auxquelles sont confrontés les maires et présidents d’EPCI. « Réel besoin d’accompagnement de l’État », « demande de simplification administrative » et « renforcement de la solidarité entre les territoires » sont les trois principaux axes qui sont ressortis de cette consultation.
Après cette enquête, la mission a formulé 20 recommandations dans son rapport intitulé Le défi de l'adaptation des territoires face aux inondations : simplifier l'action, renforcer la solidarité, adopté par le Sénat en septembre dernier.
« Simplifier, accélérer, accompagner »
La proposition de loi débattue hier – que le gouvernement soutient au point de l’avoir placée sous le régime de la procédure accélérée – reprend plusieurs de ces recommandations. Elle concerne notamment les Papi (Programmes d’action et de prévention des inondations), afin de les accélérer.
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, a exprimé son soutien à ce texte « qui s’articule autour du triptyque ‘’simplifier, accélérer, accompagner’’ ».
L’article 1 de la proposition de loi vise à simplifier la très complexe réglementation applicable à la gestion des cours d’eau, en créant une nouvelle procédure d’autorisation simplifiée de travaux, « alternative aux procédures d’autorisation et de déclaration », en anticipation à une crue ou pour réparer des dommages après une inondation. L’article complète également le droit en cas d’intervention d’urgence « afin d’y inclure les travaux d’entretien des cours d’eau visant à remédier à une inondation d’ampleur ou à en éviter la réitération à court terme ».
L’auteur du texte a expliqué qu’il entendait remédier à la trop grande différence « entre les procédures administratives applicables en situation normale et en situation d'urgence ». Le texte prévoit de permettre, « en situation normale », des interventions rapides, à la demande du maire ou de « l’autorité gémapienne », sans procédure de déclaration ou d’autorisation.
Pour les travaux à réaliser d’urgence, un amendement adopté en séance a raccourci la consultation du public de trois mois à 45 jours.
« Référent Papi »
Concernant les Papi, les maires consultés par le Sénat ont universellement dénoncé « la longueur des délais de mise en œuvre » (jusqu’à 6 années pour élaborer un Papi) et « la complexité administrative » de la procédure.
L’article 2 du texte prévoit la nomination par le préfet coordonnateur de bassin d’un « référent Papi » « mis à disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements », chargé de « leur fournir un accompagnement technique et réglementaire durant la phase d’élaboration du programme ». Par ailleurs, un « guichet unique » serait mis en place dans chaque bassin, « chargé d’instruire les demandes d’autorisation, de financement et d’accompagnement relatives aux actions inscrites aux programmes ».
Il faut toutefois noter que l’existence d’un tel référent est déjà prévue dans le cahier des charges des Papi. L’intégration de cette disposition dans la loi ne changera donc sans doute pas grand-chose.
En séance, les sénateurs ont adopté d’autres mesures de simplification : application du principe « dites-le nous une fois » (il ne serait plus nécessaire d'inscrire dans l'étude d'impact les éléments figurant déjà dans le rapport sur les incidences environnementales) ; et reconnaissance « a priori » de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) aux actions inscrites dans un Papi.
Enfin, les sénateurs ont adopté le principe de l’élaboration d’un rapport par le gouvernement, dans un délai d’un an après promulgation de la loi, sur de nouvelles simplifications à apporter à la procédure des Papi.
Réserve d’ingénierie
L’article 3 intéressera beaucoup les élus des petites communes : il vise à instaurer une « réserve d’ingénierie » qui puisse être mise à disposition de celles-ci en cas d’inondation. Le principe est simple : les communes et EPCI « peuvent instituer une réserve d’ingénierie destinée à fournir un appui technique et administratif aux communes sinistrées ». Cette réserve serait constituée d’agents territoriaux. Reste à savoir qui sera chargé de la coordination de cette réserve. Le texte initial prévoyait que ce soit les régions, la commission a préféré confier cette mission aux centres de gestion (CDG). Finalement, en séance, estimant que ce type de mission n’entrait pas dans la compétence des CDG, les sénateurs ont botté en touche en laissant le gouvernement décider de cette question ultérieurement, par décret.
La mise en place de cette réserve d’ingénierie répond à une demande des maires – et de l’AMF, auditionnée par la mission – notamment dans les petites communes, pendant la phase de reconstruction après la catastrophe, où les élus se sentent souvent très seuls et démunis.
Il est à noter enfin que les sénateurs ont rejeté un amendement proposé par le gouvernement qui prévoyait de « réduire les délais liés à l’élaboration et aux évolutions » des PPRN (plans de prévention des risques naturels). Cet amendement visait à permettre la concomitance de la consultation des conseils municipaux et de l’enquête publique, pour gagner du temps ; à supprimer l’obligation d’affichage en mairie pendant un mois ; et à simplifier les règles de consultation du public. Le gouvernement demandait également « la création d’une procédure simple de rectification d’erreurs matérielles des PPRN, (permettant) au préfet de rectifier ces erreurs matérielles par simple arrêté, en lieu et place d’une procédure de modification ».
Le Sénat a rejeté ces propositions : le rapporteur du texte, Pascal Martin, a estimé qu’elles constitueraient « une régression », « en limitant le temps pendant lequel les maires peuvent s’exprimer après l’avis de leur conseil municipal ». Par ailleurs, a défendu le rapporteur, « les administrés ont l'habitude de consulter les panneaux d'affichage, pas de consulter le recueil des actes administratifs », sur un sujet dont les servitudes d’urbanisme « ne sont pas neutres ».
La ministre a tout de même salué l’adoption de cette proposition de loi, même sans son amendement PPRN, estimant qu’il représente « une petite pierre sur un long chemin ». Elle a rappelé que lundi prochain, elle va présenter la version finale du Pnacc (Plan national d’adaptation au changement climatique), qui permettra de « tracer plusieurs feuilles de route », sur le recul du trait de côte, la montagne, la forêt ou les inondations.
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