Édition du mercredi 2 février 2011
Un débat sans complaisance entre les députés et le ministre de la Ville
Mardi 1er février, dans le cadre du débat relatif à la politique de la ville, organisé à la demande du comité dévaluation et de contrôle des politiques publiques de lAssemblée nationale, Maurice Leroy, ministre de la Ville, sest prêté durant trois heures au jeu des questions des députés sur la politique de la Ville.
«Les critiques formulées de manière positive et constructive, je ne les prends pas comme une mise en accusation de la politique de la ville. Il faut savoir se remettre en question et, par ce débat, le Parlement apporte sa pierre à lédifice», a précisé le ministre à la fin du débat qui avait été ouvert par le bilan dressé par François Goulard, député du Morbihan, et François Pupponi, député du Val-dOise, rapporteurs du comité dévaluation et de contrôle des politiques publiques (1).
Les deux députés ont «constaté léchec global des politiques en faveur des quartiers défavorisés, malgré des réussites partielles». «Il suffit de lire les statistiques: sur une longue période, il ny a pas de changement ou, si changements il y a, ils ne vont pas dans le bon sens sagissant des principales données concernant les quartiers en difficulté. Que ce soit le taux de chômage comparé à celui de la moyenne nationale, le taux déchec scolaire, la situation en matière de sécurité et la situation sociale dans son ensemble, sur tous ces critères, on ne peut pas dire que la situation des quartiers évolue dans le bon sens», devait souligner François Goulard.
Pour François Pupponi, «même si, depuis trente ans, les gouvernements ont essayé de mettre en uvre des politiques publiques efficaces dans ces territoires, nous navons pas été capables de sortir ces quartiers de létat de relégation dans lesquels ils étaient». Il a ajouté que «parmi les réussites», «nous avons relevé que dans des quartiers insérés dans des espaces urbains, souvent hors région parisienne, des collectivités locales avaient été capables de porter un vrai projet, aidées bien entendu par lÉtat. Là où les politiques publiques travaillent autour du maire ou du président de la communauté dagglomération avec des moyens efficaces, les résultats sont réels».
En réponse, Maurice Leroy a indiqué quil fallait «conduire, cest vrai, non pas une, mais des politiques de la ville», et prendre en compte la spécificité de la situation de la région Île-de-France et résoudre la question des copropriétés dégradées de certains quartiers. Comme plusieurs intervenants, il a observé que dans «un certain nombre de villes, aujourdhui, le vrai ghetto se trouve non pas dans le logement social, mais dans les copropriétés dégradées, où règne une absence totale de mixité sociale et géographique». Sur cette question des copropriétés, il a souligné que «la difficulté, pour une fois, nest pas financière, mais liée au droit de propriété», et il a indiqué quil travaillait à ce «problème prégnant en Île-de-France» avec Benoist Apparu.
Le ministre a rejoint lopinion des deux rapporteurs sur la question du relogement des ménages DALO. «Il est évidemment prioritaire, mais il ne doit pas nous conduire à revoir à la baisse nos ambitions en matière de mixité dans les quartiers, sous peine de "planter" les opérations de rénovation urbaine», a-t-il lancé. Il faut reloger, «mais en veillant à ne pas réduire cette ambition de mixité».
Revenant sur le rôle du maire qui doit «être le chef dorchestre», il a indiqué quil ne devait «tout de même pas être le seul à prendre les décisions, comme le montre lexemple des maires nappliquant pas la loi DALO ou la loi SRU». «Il faut bien que lÉtat soit là pour réguler, sans quoi il y aura toujours des communes qui préféreront être condamnées à des sanctions financières plutôt que de construire des logements sociaux».
Concernant le devenir des zones franches urbaines (ZFU), Maurice Leroy a invité les députés à «attendre la remise du rapport de M. Raoult, cest-à-dire la fin du mois de mars». Il sest aussi déclaré «tout à fait ouvert à une réflexion sur les emplois francs». Quant au contrat dautonomie, «trop souvent décrié» selon lui, il a indiqué quil demandait «quils soient territorialisés car, là où ils ont pu être mis en uvre, ils ont démontré leur efficacité».
Au cours des débats, Maurice Leroy a annoncé que «le Gouvernement sengageait à prolonger les CUCS (2) jusquen 2014; cela donnera à tous les maires la visibilité dont ils ont besoin pour sinscrire dans la durée».
En réponse aux questions de plusieurs députés sur le rôle des associations, le ministre a rappelé que «les maires sont en première ligne, mais, sans le tissu associatif, sans le travail formidable des bénévoles sur le terrain, il y a belle lurette que tout aurait explosé, bien plus gravement que tout ce que certains ont exprimé ici». «Il nest pas une réunion à laquelle je participe sans reconnaître quil est inadmissible que les subventions narrivent pas dans les délais», a-t-il ajouté, avant dannoncer quil avait décidé «de mobiliser et déléguer au plus vite les financements existants, tels quils ont été arrêtés par lACSÉ (3) le 20 décembre». «Cest un problème que je mengage à régler. Je ne sais pas si jy réussirai, mais vous aurez remarqué que je nabuse pas des effets dannonce», a-t-il ajouté.
Au cours du débat, il fut aussi beaucoup question de péréquation financière et dinterrogation sur le devenir de la dotation de solidarité urbaine (DSU), point sur lequel le ministre na pu se «contenter pour lheure dune déclaration dintention. Nous ferons en sorte que la péréquation sopère en faveur des quartiers qui en ont le plus besoin, sans quoi cela na pas de sens». Quant à la DSU, il a seulement rappelé quelle «augmentera effectivement de 6%, soit 77 millions deuros. Mais depuis 2007, laugmentation aura tout de même atteint 35%».
(1) Rapport déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation des aides aux quartiers défavorisés. Voir notre article en lien ci-dessous.
(2) Contrats urbains de cohésion sociale.
(3) Agence pour la cohésion sociale et légalité des chances. LAcsé dispose de deux modes daction principaux: elle peut être à linitiative des projets, chargée de leur mise en uvre, ou elle finance les projets à linitiative des associations, des structures publiques ou privées. Lagence apporte son concours financier pour des projets sur lensemble du territoire national ou au niveau territorial.
- Pour accéder au compte rendu du débat, utiliser le premier lien ci-dessous.
- Pour accéder au rapport, utiliser le second lien ci-dessous.
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