Maire-info
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Édition du mardi 18 février 2025
Politique de la ville

Le renouvellement urbain, une politique qui doit être maintenue et même élargie à d'autres territoires, selon un rapport

La poursuite de cette politique publique est « indispensable », selon la mission sur l'avenir de l'Anru qui pointe « la persistance d'une ségrégation socio-spatiale forte et de son renforcement probable sous l'effet du changement climatique ». Elle préconise un nouveau programme dès 2025.

Par A.W.

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© Anru

Maintenir une politique de renouvellement urbain « centrée sur les quartiers »  tout en l’élargissant à d’autres territoires fragiles ou « risquant de l’être demain ». C’est ce que préconise un rapport remis ce matin au ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, dans lequel une série de propositions est formulée afin d’« orienter le devenir »  de cette politique publique.

Alors que les engagements du programme actuel se termineront en 2026, le précédent gouvernement a voulu anticiper et a lancé, en décembre 2023, une mission* visant à « nourrir les réflexions du gouvernement »  sur le futur de la rénovation urbaine. 

En vingt ans, deux grands programmes se sont succédé, dont le deuxième – le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) – piloté par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) a été lancé en 2014 et doté de 12 milliards d'euros. Mais il doit s'achever en 2030.

Persistance de la « ségrégation territoriale » 

La mission fait d’abord le constat de « la persistance d’une ségrégation territoriale et sociale à l’égard des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) comme des habitants des territoires ruraux, périurbains et des territoires en déprise économique »  et dénonce « l’assignation à résidence, l’enclavement et le sentiment d’abandon »  des habitants qui y résident.

« Qu’on soit pauvre dans une commune rurale isolée ou dans un quartier urbain enclavé, les problématiques sont plus souvent communes que contraires », observent les auteurs du rapport, en soulignant « la difficulté à trouver un emploi, à accéder aux services publics, à se loger, à se déplacer, à se soigner ». Une « relégation sociale et spatiale »  qui s’ajoute souvent au « sentiment de relégation démocratique et civique qui touche les plus pauvres ». 

La mission note notamment que « 63 % des communes ont connu à la fois des émeutes en 2023 et une mobilisation des gilets jaunes en 2018, avec des ressorts communs aux deux mouvements, la ségrégation et l’éloignement des services ».

Sans compter que le changement climatique risque, lui aussi, de « renforcer »  ces « logiques de ségrégation, d’atomisation de la société et donc générer de la défiance » . Un phénomène qui « pèse encore plus sur les plus pauvres pourtant moindres émetteurs de carbone ».

« Il ne doit pas y avoir de débat sur le prolongement de l'Anru et je souhaite qu'il y ait une Anru 3 », a ainsi plaidé, il y a quelques jours, Patrice Vergriete, le nouveau patron de l’agence et ancien ministre du Logement… à l’origine de cette mission. Bien que le bilan de l'agence ait été nuancé voire critiqué après les émeutes de l'été 2023, celui-ci l’estime « très positif », l’Anru ayant à ses yeux « largement démontré son utilité en changeant la vie des gens ». 

Éviter « un écroulement brutal » 

La mission préconise ainsi de « réaffirmer la lutte contre la ségrégation socio-spatiale comme une priorité nationale »  en installant « un comité interministériel d’aménagement du territoire », placé auprès du Premier ministre et « associant les collectivités locales ». Celui-ci devrait être chargé de « définir et de porter une politique nationale de rééquilibrage territorial et d’anticipation des conséquences territoriales du changement climatique »  en élaborant des plans de mobilisation en faveur des QPV et des « territoires fragilisés ». 

Dans ce cadre, « le renouvellement urbain doit prendre toute sa part », selon les auteurs du rapport, qui estiment « nécessaire »  le maintien d’un programme centré sur les quartiers. Citant plusieurs intervenants, ils pointent le risque que les « QPV plongent s’ils ne sont pas accompagnés »  car « il y a encore des besoins ». « L’aggravation de la ségrégation urbaine et la surexposition de ces quartiers au changement climatique »   justifient ainsi à ses yeux la poursuite de cette politique. 

Il y a aussi « la crainte d’un "trou d’air" entre le programme actuel, dont les engagements se terminent en 2026 et le futur ». « Le gouvernement doit veiller à travailler dès maintenant à prévoir la suite du NPNRU, en continuité de celui-ci, pour ne pas créer de rupture dans le fonctionnement de l’Agence et donc créer un écroulement brutal de l’accompagnement des quartiers par les politiques publiques nationales », a ainsi expliqué l’AMF lors de son audition par la mission.

Cette dernière préconise donc le lancement d’un « programme national de renouvellement urbain en 2025, confié à l’Anru »  ayant pour objectif « la lutte contre la ségrégation urbaine et la résilience territoriale ». Il devra cibler les QPV « les plus vulnérables »  et inauguré « une nouvelle génération de programmes, récurrents et étroitement articulés avec le cycle municipal ». 

En outre, il devra « prendre en compte le critère des vulnérabilités environnementales en complément des dysfonctionnements urbains et sociaux dans la sélection des quartiers prioritaires de la politique de la ville éligibles au nouveau programme ».

Elargissement

Si l’Anru reste donc « légitime »  à poursuivre le portage de cette politique publique dans les prochaines années, selon les auteurs du rapport, elle pourrait néanmoins « adapter son mode de fonctionnement aux enjeux d’aujourd’hui, notamment environnementaux », « renforcer la territorialisation de son action »  et « mieux prendre en compte les attentes des habitants ».

L’agence devrait notamment « faciliter la sollicitation des financements par les collectivités territoriales »  et « graduer »  son accompagnement aux « capacités opérationnelles des collectivités territoriales ». En matière de financement, la mission propose aussi d’étudier « l’élargissement d’un pacte financier intégrant d’autres acteurs, dont les acteurs privés et les collectivités territoriales »  et appelle à une co-construction des projets avec les habitants.

La mission est également convaincue que la politique de renouvellement urbain doit être élargie à « d’autres territoires fragiles ou risquant de l’être demain, notamment sous l’effet du changement climatique ».

Les dispositifs d’accompagnement des collectivités territoriales - tels que « Action Cœur de Ville », « Petites villes de demain », ainsi que le Fonds friche et le Fonds verts – devraient ainsi être « confortés », selon elle.

Les auteurs soulignent, par ailleurs, « la nécessité de renforcer ces interventions pour favoriser une approche par le projet urbain face aux situations de territoires en déprise (villes moyennes, tissu pavillonnaire du périurbain, friches industrielles et zones commerciales désaffectées) ou de territoires confrontés aux conséquences du changement climatique, potentiellement inhabitables demain (inondation, recul du trait de côte…) ».

Toutefois, estime la mission, cette politique « ne pourra produire complétement ses effets si elle n’est pas accompagnée d’une politique volontariste de logement portant en particulier le développement massif d’une offre diversifiée et la répartition équilibrée du logement social », mais aussi « d’une mobilisation des autres politiques de droit commun en matière de sécurité, d’éducation, d’emploi, de santé et d’accès aux services publics et à la culture dans l’ensemble des territoires ».

 

*Une mission qui a été confiée au vice-président par intérim du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Jean-Martin Delorme, à la directrice générale de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), Anne-Claire Mialot, et au maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael.
 

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