Polices municipales : la Cour des comptes souhaite une intervention accrue de l'État Â
La Cour des comptes vient de rendre public un volumineux rapport sur les polices municipales. Un rapport qui prône, une fois de plus, davantage d’intercommunalisation des polices municipales, mais aussi une véritable clarification, par l’État, de la répartition des rôles entre polices municipales et nationale.
Pendant la dernière décennie, constate la Cour des comptes, les polices municipales ont continué de se renforcer, quoiqu’à un rythme moindre que pendant la décennie précédente. Mais ce développement est divers : si de nombreuses communes – y compris des villes grandes et moyennes – font le choix de ne pas avoir de police municipale, d’autres disposent d’effectifs pléthoriques de policiers municipaux, approchant même « la parité d’effectifs avec la police nationale », comme à Cannes. La Cour note cependant que des polices municipales se sont récemment créées dans des régions « où elles étaient quasiment absentes il y a dix ans, comme la Normandie, la Bretagne ou les Hauts-de-France ».
Encore et toujours la police intercommunale
Le rapport pose, d’emblée, la question du développement des polices municipales à l’échelle intercommunale. Les magistrats ne cachent pas leur préférence pour cette solution, estimant que « le déploiement des polices intercommunales, (…) permettrait un accès plus large aux polices municipales pour des populations qui n’en bénéficient pas à ce jour ». Ils estiment en outre que « le choix de mutualiser permet un gain financier et un surcroît d’efficacité opérationnelle ».
Le rapport pointe « les réticences des maires à mutualiser cet instrument essentiel, marque d’une autorité de police qui est la leur ». Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, reconnaît d’ailleurs cette réticence dans la réponse qu’elle a faite à ce rapport, mais en évoquant davantage des problèmes « juridiques » : « Les maires des villes moyennes se montrent effectivement réservés quant aux processus de mutualisation humains et matériels des polices municipales à l’échelle intercommunale, puisque l’exercice combiné des pouvoirs généraux de police (tranquillité publique, sécurité, stationnement, salubrité…) leur incombe toujours, et implique une complexité juridique dans le partage de cette compétence. »
Quoi qu’il en soit, la Cour des comptes recommande – en accord avec le rapport Fauvergue-Thourot – un « assouplissement » des règles de mutualisation à l’échelle intercommunale et « la révision, voire la suppression, de certains seuils contraignants ». Mais la Cour des comptes va bien plus loin, donnant sa préférence à une réforme beaucoup plus profonde : « Le développement de la coopération se trouve limité par l’impossibilité de déléguer à l’autorité intercommunale le pouvoir de police générale du maire (…), et le législateur n’a pas souhaité dessaisir les maires de leur pouvoir de police générale. Une évolution législative dans ce sens pourrait présenter des avantages. » La Cour des comptes note cependant qu’une telle réforme « rencontre l’opposition » non seulement des associations d’élus mais également des services de l’État. Elle cite la DGCL, qui lui a répondu que « le maire est le mieux à même d'exercer les pouvoirs de police administrative générale compte tenu de sa proximité avec ses administrés et de l'impact important sur la vie de ces derniers que peuvent avoir les mesures de police dans des domaines extrêmement variés. »
« Intervention » de l’État
De façon plus consensuelle, la Cour demande que les polices municipales bénéficient enfin d’un accès accru aux fichiers de police – pas seulement les fichiers des cartes grises et des permis de conduire, comme c’est le cas depuis 2018, mais surtout au FOVeS (fichier des objets et des véhicules signalés). Ce point fait consensus chez les associations d’élus. Beaucoup plus que l’accès aux fichiers des personnes radicalisées – comme le demande Christian Estrosi, maire de Nice et président de la Commission consultative des polices municipales (CCPM). Ce point fait largement débat chez les maires.
Au passage, la Cour des comptes n’est pas tendre à l’égard de cette CCPM : « Cette commission est trop peu souvent convoquée et ses réunions sont accaparées par les questions statutaires, au détriment des sujets stratégiques. » La Cour en fait porter la responsabilité à l’État, « réticent à définir un champ d’intervention clair des polices municipales ». Les magistrats proposent une première solution radicale : sortir les questions statutaires de la CCPM, en réservant celles-ci au seul Conseil supérieur de la fonction publique territoriale – dont c’est la raison d’être – et « recentrer » les travaux de la CCPM sur « les enjeux stratégiques et opérationnels ».
Plus largement, la Cour des comptes attend de l’État qu’il mène un véritable travail de « clarification des missions des polices municipales » et qu’il « soutienne », y compris financièrement, celles-ci. « À ce jour, l’État s’est abstenu de définir une véritable politique vis-à-vis des polices municipales. Invoquant le libre choix des maires et l’adaptation aux réalités locales, le ministère de l’intérieur reste dans une position de relative neutralité », regrette la Cour des comptes. Si les magistrats reconnaissent qu’une « doctrine unifiée » n’aurait « pas de sens » dans une république décentralisée, ils estiment cependant que l’État « doit adopter une politique explicite » vis-à-vis des polices municipales. D’abord en enrichissant les « conventions de coordination », clarifiant localement « la répartition des rôles et la coopération entre les forces », quitte à « élargir » le champ d’intervention des polices municipales. Deuxièmement, en intervenant financièrement, par une « réallocation des crédits du FIDP [Fonds interministériel de prévention de la délinquance] de la vidéoprotection vers l’équipement et la formation des policiers municipaux. »
« L’objectif est moins d’accroître les moyens de polices municipales existantes déjà bien dotées, que d’aider les maires qui souhaiteraient s’engager dans la création de tels services, dans l’optique d’accroître la couverture du territoire », concluent les magistrats.
Franck Lemarc
Télécharger le rapport de la Cour des comptes.
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