Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 29 janvier 2024
Agriculture

Plusieurs mesures obtenues par les agriculteurs concernent aussi les maires

C'est depuis une exploitation agricole de Haute-Garonne que le Premier ministre a annoncé un certain nombre de « mesures d'urgence » pour tenter de répondre à la colère du monde agricole - sans totalement y parvenir. Certaines mesures intéressent directement les maires.

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© D.R.

C’est une première salve de mesures qui a été annoncée vendredi 26 janvier par le Premier ministre, avant de nouvelles annonces qui devraient intervenir cette semaine. Affirmant avoir « reçu cinq sur cinq »  le message envoyé par les agriculteurs en colère, Gabriel Attal a déclaré, dans une intervention très mise en scène autour de bottes de paille, dans une ferme de Montastruc-de-Salies, en Haute-Garonne, que l’agriculture serait désormais mise « au-dessus de tout ». 

Les trois premières revendications satisfaites

Rappelons que le mouvement était parti, à l’origine, de la Haute-Garonne, avec un premier barrage sur l’autoroute A64, qui ne s’était pas fait à l’appel de la FNSEA ou d’un autre syndicat agricole. Ce blocage, dirigé par l’éleveur Jérôme Bayle, rapidement devenu une figure du mouvement, avait mis en avant trois revendications : le retour à une défiscalisation du gasoil non routier (GNR), des mesures pour faciliter l’irrigation, et le paiement rapide des indemnisations de l’État aux agriculteurs dont le cheptel a été frappé par la MHE (maladie hémorragique épizootique). 

Ces trois revendications ont clairement été satisfaites par le Premier ministre. La hausse du GNR agricole, prévue par la loi de finances pour 2024, est « abandonnée », confirme Matignon. « À partir de cet été, la remise sur la TICPE sera appliquée directement sur la facture. Plus besoin d’avancer les frais », a précisé Gabriel Attal.

Sur l’irrigation, le chef du gouvernement a annoncé plusieurs mesures : d’une part, une accélération des procédures par la suppression « d’un échelon de juridiction »  et l’obligation pour un juge de se prononcer « en moins de dix mois »  sur la faisabilité d’un projet. Pour le curage des voies d’eau, Gabriel Attal s’est engagé à publier dès cette semaine un décret permettant de délivrer les autorisations en deux mois au lieu de neuf. Le délai de recours contre les projets agricoles, dont les retenues collinaires, devrait passer de quatre à deux mois.

Enfin, sur l’indemnisation de la MHE, un fonds d’urgence de 50 millions d’euros va être débloqué, et le taux d’indemnisation va être porté de 80 % à 90 %. Les dossiers vont être traités immédiatement, a promis le Premier ministre, avec de premiers versements qui devraient intervenir dès le début du mois de février. 

Jérôme Bayle, au nom de ses collègues du barrage de l’A64, a déclaré vendredi soir que « les trois revendications ayant été satisfaites », le barrage serait levé. « Je suis un homme de parole, a martelé l’éleveur. Ceux qui veulent continuer, qu’ils continuent, mais nous, nous avons obtenu ce que nous demandions, et même plus. » 

Egalim : renforcement des contrôles

Gabriel Attal ne s’est en effet pas arrêté à ces trois mesures, reprenant à son compte un certain nombre des revendications portées par la FNSEA mercredi dernier (lire Maire info du 25 janvier). 

Le chef du gouvernement a ainsi reconnu que la loi Egalim, censée garantir une « juste rémunération des producteurs », n’était pas partout respectée, et a annoncé que « prochainement », de « très lourdes sanctions »  allaient être prononcées contre trois entreprises qui ne respectent pas la loi. Selon les informations de BFMTV, il s’agirait de deux entreprises industrielles de traitement de la viande et d’une coopérative de lait. Rappelons que la loi Egalim prévoit que les contrevenants puissent être sanctionnés, au maximum, à hauteur de 2 % de leur chiffre d’affaires. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé un renforcement des contrôles de la DGCCRF, notamment sur la « francisation », pratique frauduleuse consistant à présenter des produits étrangers comme français (lire le dossier sur le site de la DGCCRF). 

L’OFB « sous tutelle des préfets » 

Le gouvernement a aussi répondu aux attentes de la FNSEA sur les contrôles des agents de l’OFB (Office français de la biodiversité). La FNSEA a en effet demandé à la fois le placement de ces agents « sous le contrôle des préfets »  et leur « désarmement »  – les 1 700 inspecteurs de l’OFB sont des policiers, investis de pouvoirs de police judiciaire, et armés. 

Gabriel Attal a accepté la première revendication (« l’OFB sera sous la tutelle des préfets » ) et même ouvert la porte à la seconde (« est-ce qu'il faut vraiment être armé quand on vient contrôler une haie ? » ). 

Cette décision pose de nombreuses questions : en effet, en tant qu’agents de police judiciaire, les agents sont sous l’autorité des juges, en particulier de ceux des nouveaux Pôles régionaux environnementaux créés par un décret de mars 2021. D’ores et déjà, des voix s’élèvent à l’OFB et ailleurs pour critiquer une décision qui contredirait la séparation des pouvoirs – les préfets étant représentants du pouvoir exécutif. Quant à l’armement, l’Unsa-Écologie, dont le secrétaire général siège au conseil d’administration de l’OFB, a rappelé dans la presse ce week-end qu’une « trentaine »  d’agents avaient été tués dans l’exercice de leur fonction… 

Les OLD dans le viseur ?

Enfin, le Premier ministre a annoncé une série de « simplifications »  sur des sujets divers – débroussaillement, haies, zones humides…

Gabriel Attal a évoqué les OLD (obligations légales de débroussaillement), mais sans se montrer très précis. Rappelons que cette obligation, qui existe dans une trentaine de départements, se fait sous le contrôle des maires, qui ont pour mission d’en vérifier l’effectivité et de constater les infractions, voire d’y faire pourvoir d’office en cas de manquement, aux frais des propriétaires. 

La réglementation va évoluer, c’est la seule chose certaine au regard des déclarations du Premier ministre, qui a dénoncé des « incohérences » : « On vous dit d’un côté qu’il faut débroussailler pour éviter les incendies, et de l’autre on vous interdit de débroussailler pour d’autres raisons. (…) Si vous débroussaillez, c’est un problème, si vous ne débroussaillez pas, c’est un problème. On va sortir de cette incohérence et prendre les mesures qui s’imposent. »  Reste à savoir lesquelles.

Gabriel Attal a également promis de mettre fin à l’enchevêtrement de règles concernant la plantation ou l’arrachage des haies : interdiction de taille en période de nidification, interdiction d’arrachage dans le périmètre d’un captage d’eau potable ou dans les zones patrimoniales, déclaration obligatoire en mairie sur la haie protégée par un PLU, règles spécifiques dans les zones Natura 2000 ou dans le périmètre d’un PPRN… les règles sont en effet particulièrement complexes. Le Premier ministre a constaté qu’il existe « 14 réglementations différentes »  sur les haies et reconnu que les agriculteurs ne « peuvent pas les connaître par cœur ». Il s’est donc engagé à passer de « 14 réglementations à une seule réglementation ». 

Gabriel Attal a, pour finir, annoncé une « pause »  sur le « sujet des zones humides et des tourbières ». « Je le dis devant tout le pays : on fait une pause pour discuter du zonage et du principe de non-surtransposition ». La décision, a-t-il ajouté, a été « communiquée aujourd’hui à l’ensemble des préfets ». 

Blocage de Paris

Si ces annonces ont satisfait les agriculteurs qui ont lancé le mouvement, elles n’ont en revanche pas suffi à convaincre les syndicats d’agriculteurs. La Confédération paysanne a constaté qu’il n’y avait pas grand-chose, dans ce bouquet de mesures, sur « le revenu paysan ». Si la Confédération juge les mesures annoncées « indispensables », elle attend toujours « des mesures structurelles pour garantir des prix rémunérateurs pour nos produits agricoles ». 

Ces annonces n’ont pas non plus convaincu la FNSEA et les Jeunes agriculteurs, qui ont appelé à la poursuite de la mobilisation et même à une montée en puissance : à partir de 14 h ce lundi 29 janvier, les deux syndicats organiseront un « blocage »  de Paris et de Lyon. Huit points de blocage seront organisés en périphérie de la capitale – annonce qui a provoqué la mobilisation de quelque 15 000 forces de l’ordre par le ministère de l’Intérieur, afin d’empêcher « que les tracteurs entrent dans Paris ». 

Des points de blocage résiduels subsistent encore, par ailleurs, comme sur l’autoroute A9 à proximité de Nîmes. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2