PLF 2021 : le Sénat souhaite préserver le caractère local de la taxe sur la consommation finale d'électricité
Les sénateurs ont décidé de supprimer l’unification voulue par le gouvernement des tarifs de la taxe locale sur la consommation finale d’électricité au niveau national, contre l’avis de ce dernier. En jeu, selon eux, éviter une augmentation de la facture d’électricité pour certains Français et une nouvelle « remise en cause de l'autonomie fiscale des communes ».
« C’est un article qui ne manque pas de soulever des inquiétudes dans les collectivités territoriales. » De l’aveu même de la sénatrice du Haut-Rhin, membre de l’ancien groupe LaREM (renommé RDPI depuis cette année pour « Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants » ), Patricia Schillinger, l’article 13 du projet de loi de finances (PLF) pour 2021 « porte atteinte à l'autonomie des collectivités » et lui fait craindre une « aggravation de la facture des ménages, dans un contexte déjà très compliqué ».
Se conformer au droit européen
Pourquoi réformer cette taxe qui représente 906 millions d'euros pour le seul bloc communal ? Selon le gouvernement, l’objectif est de se conformer au droit européen. Pour cette raison, il a décidé de la centraliser, celle-ci devant « faire l’objet d’un taux unique sur l’intégralité du territoire », avait expliqué le ministre en charge des Comptes publics, Olivier Dussopt, lors de l’examen du projet de budget à l’Assemblée. Si les collectivités conservaient ainsi toujours le produit de cette recette, elles perdraient la possibilité de délibérer sur son taux.
Un argument qui avait toutefois été remis en cause, lors de la première lecture, par le député de la Marne Charles de Courson (Territoires et libertés), à l’origine de la première réforme de la taxe sur l’électricité il y a dix ans, arguant avoir, à l’époque, « rendu la taxe euro-compatible ».
Frais de gestion : un « gain de 30 millions d’euros »
Peu convaincus par cette mesure, les sénateurs ont donc adopté une série d’amendements identiques (déposés par différents groupes allant du centre à la gauche en passant par certains membres du groupe RDPI), hier, en première lecture, afin de supprimer cette harmonisation qu’ils perçoivent comme « un nouveau coup porté aux collectivités territoriales ».
« Cet article harmonise par le haut les taux communaux de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), ce qui augmente ceux des communes qui avaient choisi un taux nul ou faible », a expliqué la sénatrice socialiste de la Haute-Vienne Isabelle Briquet. Face à cette « remise en cause de l'autonomie fiscale des communes », elle a réclamé au gouvernement de leur « laisse(r) le peu de liberté qui leur reste ».
Alors que la composante communale de la taxe a été « essentiellement allouée à des groupements de communes qui ont réalisé des travaux comme des extensions de réseau ou des enfouissements », le sénateur LR des Ardennes, Marc Laménie, a également mis en garde sur le fait que, « article après article, les pouvoirs locaux reculent de plus en plus ».
Le communiste Éric Bocquet (Nord) dénonçant de son côté « un nouveau coup de rabot » tandis que Patricia Schillinger a tenté d’esquisser, en vain, la possibilité de « laisser leur autonomie de taux (aux collectivités) tout en confiant la gestion de la taxe à la DGFiP, comme pour la taxe d'habitation ».
« Ce n'est pas un coup de rabot sur les budgets des communes puisque la fiscalité reste locale et qu'il ne s'agit pas d'un système de compensation », a rétorqué la ministre en charge de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher, assurant que « les économies de frais de gestion seront de 30 millions d'euros pour les collectivités locales » et que « l'augmentation d'imposition sera limitée : environ 80 % des communes sont au taux maximum et 10 % au taux immédiatement en dessous ».
Le rapporteur général Jean-François Husson a, cependant, dit regretté que « les exécutifs locaux qui avaient fait le choix d'une absence de taxe vont se retrouver pénalisés (mais) le droit européen, qui exige un taux unique, s'impose à nous ».
Une facture alourdie jusqu’à 240 euros par an ?
Autre inquiétude majeure, du côté des consommateurs cette fois : l’augmentation inévitable de la facture d’électricité pour les habitants des communes qui n'appliquent pas le taux maximum. Le rapporteur général a ainsi concédé que cette harmonisation implique bien « un ressaut d'imposition pour certains contribuables ». En pleine crise économique, « la hausse de la facture annuelle d'électricité pourrait aller de 80 centimes à 3,20 euros dans 10 % des communes, de 4 à 30 euros dans 6,6 % d'entre elles et de 10 à 55 euros dans 5,2 % d'entre elles », selon lui.
Un chiffrage déjà utilisé par Olivier Dussopt, lors de l’examen du texte à l’Assemblée, et qui lui avait valu les critiques de Charles de Courson pour qui « ces différents chiffres sont faux », celui de « 50 euros correspondant à la consommation d’électricité d’une famille qui n’est pas chauffée à l’électricité ».
Selon ses propres calculs, la facture serait loin d’être négligeable puisque « une famille - avec papa, maman et deux enfants - chauffée à l’électricité - votre consommation d’électricité dépend surtout du fait que vous le soyez ou non - et vivant dans un bâtiment de classe énergétique B ou C connaîtra une majoration de 120 euros par an, si elle vit en classe E ou F, le montant pourra même doubler, pour atteindre 240 euros ».
A noter que, selon l’étude d’impact, les départements qui seraient les plus touchés se situent dans l’est de la France étant donné que les communes à taux zéro sont principalement situées dans ceux de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et du Territoire de Belfort. « Pratiquement toutes les communes – qui sont dans la plupart des cas adhérentes des syndicats départementaux d’électricité – y sont à taux zéro », soulignait ainsi le député de la Marne.
A.W.
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