PLF 2020 : le gel de la revalorisation des bases locatives supprimé, les associations d'élus entendues
C’est une relativement bonne nouvelle pour les collectivités locales et pour les associations d’élus qui étaient montées au créneau la semaine dernière : en commission des finances de l’Assemblée nationale, le gel de la revalorisation des bases locatives a été supprimé. Celles-ci seraient donc revalorisées en 2020, mais à un taux bien inférieur à ce qui s’est fait ces dernières années.
L’opposition unanime contre la réforme
L’article 5 du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, relatif à la suppression de la taxe d’habitation (TH), a fait l’objet d’une discussion très vive en commission des lois, la totalité des groupes politiques, en dehors de LaREM et du MoDem, se déclarant farouchement opposés à cette réforme – tant sur le fond que sur la forme.
Marie-Christine Dalloz (LR), dans une intervention au vitriol, a dénoncé « une véritable trahison » : entre le gel de la revalorisation des bases et l’impact de la suppression de la TH sur les autres taxes, notamment la taxe spéciale d’équipement et la taxe Gemapi additionnelle, « l’ensemble de ce dispositif, c’est 400 millions de pertes pour les collectivités. Vous ne pouvez pas dire que cette réforme est neutre ! Vous avez inventé un mécanisme de compensation qui est une véritable usine à gaz. Au moment où le gouvernement dit vouloir renouer la confiance avec les collectivités, bon courage ! »
Même tonalité chez la socialiste Christine Pires Beaune : « Dix ans après la suppression de la taxe professionnelle, on parle encore de sa compensation. Je fais le pari que ceux qui siégeront dans cette salle dans dix ans parleront encore de la compensation de la suppression de la TH ! ». Comme d’autres députés, Christine Pires Beaune a vivement dénoncé le fait que cette réforme, qui devait faire l’objet d’un texte spécifique, soit finalement traitée dans le PLF (« 25 pages et plus de 500 alinéas ! » ) et que le gouvernement n’a toujours pas fourni à la commission des finances la moindre simulation. La députée du Puy-de-Dôme a également rappelé que tel que le texte est écrit, la compensation ne tiendra pas compte des augmentations de taux décidées par les communes en 2018. « Cela veut dire que la compensation à l’euro près n’est pas prévu. C’est encore une promesse non tenue ! ».
François Pupponi (Libertés et territoires) a lui aussi fustigé « les zones grises » de cette réforme, que les députés n’ont « pas les moyens » d’estimer. « Si l’on n’a pas les simulations, on nous demande de voter un texte les yeux bandés, sans savoir ce qu’il va se passer. Je m’y refuse. » Charles de Courson, du même groupe, a lui parlé « d’atteinte fondamentale aux principes de la démocratie locale ». Pour lui, cette réforme « affaiblit considérablement le lien entre le citoyen contribuable et les élus locaux ». Il s’agit pour lui « d’une réforme improvisée qui donnera lieu à d’innombrables ajustements. Nous sommes en train de légiférer sur un texte sur lequel nous n’avons aucune simulation, c’est incroyable ! ». Pour le député de la Marne, cette réforme est inconstitutionnelle, puisque la compensation se fera sur les taux 2017 : « Normalement, vous êtes obligés de compenser sur les taux en vigueur au moment de la réforme ! C’est du jamais vu, de légiférer rétroactivement à des taux qui ne sont pas ceux de la réforme. »
Les députés de la majorité ont défendu la réforme en dénonçant l’usage par l’opposition de « chiffres non prouvés et anxiogènes ». Pour Laurent Saint-Martin (LaREM), « il s’agit simplement de baisser la pression fiscale sur nos concitoyens ». Pour Christophe Jerretie (LaREM), « nous assumons de diminuer les impôts. Cette année est le début de la réforme, nous avons un an pour ajuster. Il est proposé quelque chose de simple, de juste. Notre réforme aboutira au final à une vraie refonte de la fiscalité. »
Revalorisation de 0,9 %
Dès la discussion générale sur cet article, Jean-René Cazeneuve (LaREM), par ailleurs président de la Délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, a annoncé que la majorité souhaitait revenir sur le gel de la revalorisation des bases. « Nous sommes attachés au fait qu’il puisse y avoir une revalorisation en 2020, car c’est la règle – même si cela reste une augmentation d’impôt pour les Français. » Christophe Jerretie est allé dans le même sens : « Nous avions annoncé que nous ne toucherions pas à ce point. Nous devons tenir parole. »
S’il était donc acquis que la commission allait renoncer au gel voulu par le gouvernement, il restait à discuter du taux de revalorisation – qui a été, cette année, de 2,2 %. Les députés de la majorité, dont le rapporteur général du budget, Joël Giraud, a estimé ce taux bien trop élevé dans la mesure où l’inflation n’a été, en 2018, que de 1,2 %.
Des députés de plusieurs groupes avaient déposé un amendement demandant une revalorisation en 2020 de 1,1 %, correspondant à l’IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé). Joël Giraud, lui, a demandé que le taux pris en compte soit celui de l’IPC (indice des prix à la consommation), soit 0,9 %. C’est cette solution qui a été votée par la commission des finances. Plusieurs députés, en vain, ont demandé que soit plutôt décidée la suppression de l’alinéa 159 (qui évoque le gel de la revalorisation) afin que les choses restent en l’état. C’est le cas en particulier de Christophe Jerretie, qui s’est opposé aux collègues de son groupe en estimant qu’on « ne peut pas changer les règles qui avaient été prévues avec les collectivités ». Christine Pires Beaune a elle aussi demandé la suppression de l’alinéa, qui représente pour elle « une marque de défiance vis-à-vis des élus ». « Le 2,2 % [de revalorisation] de 2019, il ne sort pas de nulle part. Nous l’avons voté en loi de finances. (…) Le panier du maire ce n’est pas nouveau, on sait qu’il est supérieur à l’inflation. Encore une fois, tout cela signifie qu’il n’y aura pas de compensation à l’euro près. » Ils n’ont pas été entendus.
Ces questions se reposeront très probablement dans l’Hémicycle lors de la séance publique (qui débutera le 14 octobre). Il sera alors intéressant de voir si le gouvernement se range, ou non, aux arguments de sa propre majorité. Si c’est le cas, cela représentera une petite avancée pour les collectivités, dont les associations avaient vivement dénoncé cette décision inattendue. Comme l’a résumé un député hier : « Ce sera toujours mieux que rien. »
Franck Lemarc
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