Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 26 octobre 2020
Plan de relance

Territorialisation du plan de relance : une étrange vision de la décentralisation

Le Premier ministre l’avait promis la semaine dernière : la circulaire sur la « territorialisation du plan de relance »  est parue vendredi 23 octobre. Elle doit répondre aux demandes de « clarification »  et de « visibilité »  exprimées par les élus. La réponse risque de les décevoir.

Il y a quelques jours, les responsables de plusieurs associations d’élus demandaient au gouvernement davantage de « visibilité »  sur la ventilation des 100 milliards d’euros du Plan de relance vers les collectivités territoriales (lire Maire info du 22 octobre). Les régions, réunies en congrès il y a une semaine, réclamaient, elles aussi, un « mode d’emploi ». 
Ce mode d’emploi a été publié vendredi sous la forme d’une circulaire aux préfets signée du Premier ministre Jean Castex. En préambule, il y est indiqué que « la territorialisation du plan de relance est un gage d’efficacité, d’adaptabilité, d’équité et de cohésion. Elle sera l’un des facteurs de sa réussite, en accompagnant les dynamiques territoriales et en rendant possible la consommation rapide des crédits. » 
Le Premier ministre demande donc d’abord aux préfets de faire « la promotion »  des différentes mesures du Plan de relance auprès des élus locaux en particulier, mais aussi auprès des acteurs économiques. Il les appelle également à « communiquer sur l’incidence du plan de relance dans les territoires »  et à « recenser les obstacles de toute nature (…) susceptibles de ralentir le déploiement du Plan ». 

Comités régionaux
Il devra être installé un « comité régional de pilotage et de suivi »  dans chaque région, co-présidé par le préfet de région et le directeur régional des finances publiques, ainsi que par le président de région partout où « un accord régional a été signé avec la région ». Ce comité devra « comprendre des représentants des collectivités locales », ainsi que les partenaires sociaux, les acteurs économiques, les opérateurs de l’État. 
Ces comités auront notamment pour tâche « d’assurer l’information des citoyens, des collectivités et des entreprises (et) le suivi des mesures déconcentrées ». 
À l’échelle des départements, des comités départementaux du Plan de relance devront aussi être installés, comprenant notamment les présidents des EPCI et le président de l’association départementale des maires. 
Alors que la circulaire cite plusieurs agences qui seront partie prenante de la démarche (Ademe, Anah, Anru…), elle ne cite pas une seule fois, de façon assez surprenante, la nouvelle Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), qu’on aurait pourtant pu croire placée au cœur du dispositif.

Tout à la main des préfets
Le Premier ministre distingue « quatre types »  d’actions, qui peuvent, ou non, être déclinées localement. La première, les mesures « élaborées au niveau national »  – comme par exemple les baisses d’impôts économiques locaux – ne peuvent être mises en œuvre « de façon différenciée ». Deuxièmement, les « appels à projets déconcentrés au niveau régional », gérés par les opérateurs, n’ont pas vocation « à être modifiés ». Les opérateurs devront seulement « informer les préfets de leurs choix de programmation ». 
Troisièmement : « Les enveloppes spécifiques sous la responsabilité des préfets »  seront – le Premier ministre enfonce bien le clou vis-à-vis des préfets – « employées à votre appréciation ». Il s’agit par exemple des enveloppes destinées aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux territoires ruraux (on pense à la DETR, même si celle-ci n’est pas citée). Reste enfin les crédits « correspondant aux différentes lignes du plan fléchés sur une politique publique »  (par exemple l’eau et l’assainissement, la qualité de l’air et les déchets), où là encore il reviendra aux préfets de choisir « les projets pertinents sur leur territoire ». 
Conclusion : ce sont bien les préfets qui vont décider de tout. Étrange vision de la décentralisation. 

Pas de contractualisation pour les communes seules
Finalement, il semble que la seule participation effective qui soit demandée aux collectivités soit d’ouvrir leur porte-monnaie pour abonder les crédits de l’État, dans une démarche de « contractualisation » : « Il convient d’associer les collectivités au financement des actions pour créer un effet de levier sur les crédits de l’État. »  Cette contractualisation concerne essentiellement les régions, mais « les préfets pourront contractualiser avec (…) les EPCI et les communes, si ceux-ci sont désireux d’entrer dans une telle démarche ». Et encore, les communes seules ne pourront pas contractualiser : « Le périmètre géographique du contrat inclura nécessairement un ou plusieurs EPCI. » 
Il n’est pas sûr que ces annonces rassurent les élus locaux qui demandaient, la semaine dernière, des clarifications. Il apparaît en effet que les enveloppes de crédits seront, de façon ultra-majoritaire, à la main des seuls préfets. Voilà qui sonne comme une réponse, peu encourageante, aux propos que tenait la semaine dernière Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF, dans Maire info : « N’y aura-t-il que des dotations distribuées par les préfets et fléchées ? Alors que nous, les maires, nous voulons décider nous-mêmes où nous investissons. Si le gouvernement refuse, cela veut dire qu’il ne nous fait pas confiance. » 

Franck Lemarc

Accéder à la circulaire.

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