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Édition du lundi 29 janvier 2024
Crise sanitaire

Plan de relance : la baisse des « impôts de production » n'a profité qu'à une partie des territoires et des entreprises

Entre 2020 et 2021, la réduction de CVAE, de CFE et de TFPB a largement bénéficié aux zones très denses en activité économique et industrielle et n'a que peu bénéficié aux petites entreprises, selon France stratégie, qui pointe « l'hétérogénéité territoriale » de la réforme.

Par A.W.

Des zones industrieuses grandes gagnantes, un bénéfice peu visible pour les petites entreprises et une baisse de l’autonomie fiscale des collectivités… Ce sont les conclusions tirées par France Stratégie dans son bilan final du plan de relance, présenté à l’automne 2020, qui devait permettre à la France de retrouver son niveau économique précédant la crise sanitaire.  

Doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros, le plan comprenait une baisse pérenne des impôts dits « de production »  afin de renforcer dans la durée leur compétitivité et de favoriser l’implantation de sites de production dans le pays, à hauteur de 10 milliards d’euros annuels (soit environ 20 milliards d’euros sur 2021 et 2022). Ce qui représentait 58 % des montants inscrits dans le volet « Compétitivité ». 

CVAE : 14,8 milliards d’euros de pertes de recettes 

Si les auteurs du rapport constatent que « la France semble le seul pays à avoir connu une baisse substantielle des impôts de production post-covid », ils rappellent également qu’en 2019, ils se situaient à « un niveau nettement plus élevé (3,1 % du PIB) que la moyenne européenne (1,7 % du PIB) ».

Dans le détail, on s’aperçoit que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) porte à elle seule près des trois quarts du coût final avec 14,8 milliards d’euros (en 2021 et 2022), devant les 4 milliards d’euros ponctionnés sur la cotisation foncière des entreprises (CFE) et les 3,5 millions d’euros sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

Pour rappel, la baisse des impôts dits « de production »  dans le plan de relance a entraîné une réduction annuelle de moitié du taux d’imposition de la CVAE pour toutes les entreprises, une diminution de moitié de la CFE et de la TFPB pour leurs établissements industriels, ainsi qu’une baisse du plafonnement d’un point de pourcentage de la contribution économique territoriale (CET).

« Hétérogénéité territoriale » 

Le déploiement des montants du plan de relance dans le pays montre, toutefois, que tous les territoires n’en ont pas tous profité de la même manière, France stratégie observant une « hétérogénéité territoriale »  de la réduction des impôts de production. 

Résultat, ceux qui en ont été les plus grandes bénéficiaires sont « les zones très denses en termes d’activité économique et industrielle ». « La zone d’emploi de Paris (incluant des communes des départements de Paris, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise) représente ainsi 36 % des exonérations d’impôts de production du pays. La concentration des entreprises en Île-de-France explique ce résultat », soulignent les membres du comité.

Globalement, et bien que profitant à l’ensemble des entreprises, la réforme a été « particulièrement utile »  aux entreprises industrielles. France stratégie estime que « 32 % de la baisse va au secteur manufacturier, soit deux fois son poids dans l’économie marchande ». À l’inverse, elle n’a que peu bénéficié aux petites entreprises, qui « disposaient de taux plus faibles et/ou d’exonérations avant la réforme ».

D’ailleurs, « une grande hétérogénéité »  apparaît également au sein même du secteur industriel, « les entreprises du secteur "Autres produits manufacturés", de l’agroalimentaire ou de l’électronique ayant nettement moins tiré avantage de la réforme que celles de la chimie, de la pharmacie ou de l’énergie ». 

Les auteurs du rapport reconnaissent, au passage, que « la réduction des impôts sur la production n’a pas été ciblée vers les entreprises les plus affectées par la crise sanitaire »  puisque les entreprises appartenant au décile le plus touché par la crise sanitaire ont bénéficié « d’une baisse des impôts de production équivalente à près de 0,5 % de leur valeur ajoutée, proche de la moyenne de 0,6 % pour l’ensemble des entreprises ».

Vers une hausse de l’emploi local… ou des dividendes ?

Si, dans l’ensemble, « cette réforme paraît en mesure de répondre aux objectifs de long terme fixés par le gouvernement », il reste à « démontrer que la réduction des impôts de production ait des effets positifs sur l’activité ». 

En effet, « les analyses statistiques menées jusqu’ici ne permettent pas d’identifier l’effet causal de la réforme sur l’activité économique », expliquent les auteurs du rapport. Dans ce contexte, la baisse des impôts de production pourrait aussi bien « renforcer la compétitivité des entreprises françaises et conduire à une hausse des investissements et de l’emploi », qu’être reportée « vers les profits ou les dividendes par exemple, sans effet sur l’investissement ou sur l’emploi ». 

Des « travaux ultérieurs prévus pour 2024 »  doivent permettre d’en savoir plus.

Baisse de l’autonomie fiscale des collectivités

Reste que les membres du comité confirment que cette réforme « contribue à une réduction du pouvoir fiscal du bloc communal et des départements »  et « participe à un affaiblissement du lien entre activité économique locale et recettes fiscales au niveau régional ».

« La disparition de la taxe d’habitation initiée en 2017, couplée aux réductions de CVAE, de CFE et de TFPB pour les entreprises industrielles, affecte nécessairement l’autonomie au sens strict et au sens intermédiaire des collectivités territoriales », soulignent-ils, en rappelant que la Cour des compte a calculé que, pour les communes, « le taux d’autonomie fiscale au sens large […] passe de 50 % en 2017 à 44 % en 2021 ».

Consulter le chapitre consacré à « la réduction des impôts de production ».
 

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