Maire-info
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Édition du mardi 11 juin 2024
Petite enfance

Service public de la petite enfance : l'AMF calme le jeu

Dans une tribune publiée la semaine dernière, l'association Intercommunalités de France se montre très inquiète d'un risque de « déstabilisation de l'offre de garde d'enfants » comme conséquence de la loi qui a créé le service public de la petite enfance. L'AMF ne partage pas cette vision « alarmiste ». 

Par Franck Lemarc

La loi pour le plein emploi du 18 décembre 2023 a créé le service public de la petite enfance (SPPE) et a fait des communes les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant, avec un certain nombre de compétences nouvelles à la clé : recensement des besoins, information et accompagnement des familles, planification du développement des modes d’accueil et soutien à la qualité de ceux-ci. Par ailleurs, la loi impose aux communes de plus de 10 000 habitants d’établir un « schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant »  et de mettre en place des relais petite enfance. 

Ces dispositions entreront en vigueur au 1er janvier prochain, à l’exception de l’obligation de disposer d’un relais petite enfance pour les communes de plus de 10 000 habitants qui entrera en vigueur au 1er janvier 2026.

L’AMF rassurante

Cette loi risque-t-elle de « déstabiliser »  l’offre de garde d’enfants ? C’est ce que pense, en tout cas, l’association Intercommunalités de France (IdF) qui a publié, la semaine dernière, une tribune dans le quotidien Le Monde, signée par près de 200 maires et présidents d’intercommunalité, au ton particulièrement alarmiste. Pour IdF, « nos politiques de petite enfance sont en danger, et il est urgent de changer la loi » . Selon l’association, la loi « obligerait chaque commune »  à prendre en charge le SPPE et en 2025, « les intercommunalités pourraient se retrouver dans l’impossibilité d’agir en matière de petite enfance », ce qui laisserait les maires « isolés et seuls pour répondre aux besoins des familles », ce qui les amènerait, toujours selon IdF, à devoir « concéder le SPPE à des acteurs privés à but lucratif ». 

Cette lecture de la loi du 18 décembre 2023 est surprenante. En effet, ce texte n’interdit nullement aux intercommunalités d’exercer des compétences liées à la petite enfance – comme, du reste, un tiers d’entre elles le font déjà. Si la loi a bien donné la compétence d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant aux communes, rien n’empêche celles-ci de transférer cette compétence à leur EPCI, si elles le choisissent. Et cela, indique l’AMF dans un communiqué publié le 7 juin, « sans aucun risque juridique ». D’après l’AMF, cela pourra se passer de façon assez simple, par simple « actualisation de l’intérêt communautaire afin de préciser ‘’qui fait quoi ?’’ » . Dans de nombreux cas, ajoute l’AMF, il ne s’agira que « d’un simple rappel dans les statuts ou l’intérêt communautaire de ce que fait déjà l’intercommunalité » . Clotilde Robin, première adjointe au maire de Roanne et co-présidente du groupe de travail Petite enfance de l’AMF, explique que chez elle, « la compétence petite enfance est déjà à l’intercommunalité, et qu’elle le restera très certainement ». 

Autrement dit, pour l’AMF, non seulement la nouvelle loi ne bouleversera pas l’architecture actuelle de l’accueil du jeune enfant et la répartition des rôles entre communes et EPCI, mais il n’y a pas de risque de déstabilisation dans la mesure, rappelle-t-elle, où « les nouvelles missions ne concernent pas la gestion des crèches mais l’accueil et l’information des familles ». 

La compensation financière toujours inconnue

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de motif d’inquiétude pour l’association : le vrai problème, comme l’explique Clotilde Robin au nom de l’AMF, c’est « le manque total de visibilité sur les modalités de mise en place de ces dispositions, ainsi que sur les modalités financières permettant de compenser aux communes et aux intercommunalités les nouvelles compétences créées ». 

Dès le débat parlementaire sur cette loi, l’AMF avait salué la création de ce SPPE et la reconnaissance du rôle du bloc communal contenu dans la loi, mais en posant « deux prérequis »  : une compensation financière intégrale du dispositif et une solution à la grave pénurie de personnel. Sur ce terrain, l’AMF et IdF sont en phase, puisque cette dernière rappelle, dans sa tribune, qu’il « manque 10 000 professionnels de la petite enfance et 40 % des assistantes maternelles en exercice seront parties à la retraite en 2030 » , ajoutant : « Dans ce contexte, l’objectif du gouvernement de créer 200 000 places d’accueil d’ici à 2030 ne sera qu’un vœu pieux. » 

Or sur cette question de la pénurie de personnel, « rien n’est réglé » , indique Clotilde Robin. « Nous avons réussi à faire reculer le gouvernement qui voulait régler la question de la pénurie de personnel en diminuant les qualifications. Mais nous demandions la mise en place d’un véritable Plan métier, et ce n’est toujours pas le cas. » 

Quant à la compensation financière, c’est le flou total : ni les montants, ni le vecteur financier ne sont connus à ce jour. 

L’AMF attend donc impatiemment les projets de décret censés éclairer les élus sur les modalités de mise en place de ce dispositif, ainsi que le prochain projet de loi de finances qui devrait fixer les règles de la compensation financière. « Pour l’instant, nous n’avons pas la moindre information, regrette Clotilde Robin. Nous nous contentons d’espérer que les décrets ne soient pas plus contraignants que la loi et laissent une souplesse suffisante aux maires. » 

Mais la situation politique née de l’annonce de la dissolution pose un problème supplémentaire. En effet, le projet de décret était, dixit le gouvernement, prévu pour juillet. Mais le gouvernement sera-t-il encore en place en juillet ? Personne ne le sait. 

Quoi qu’il en soit, les délais se resserrent, et en juillet, il ne restera plus que six mois avant la prise de compétence au 1er janvier. Il y a donc urgence à ce que les communes et les intercommunalités disposent enfin de tous les détails sur les modalités de son exercice. 

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