Les jardins d'enfants sauvés in extremis par le Parlement
Par Lucile Bonnin
La proposition de loi visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics a fait l’unanimité autant du côté des députés que des sénateurs. Son adoption définitive au Sénat hier, sans aucune modification, met « un terme définitif aux incertitudes entourant l’avenir de ces structures ».
Depuis l'adoption de la loi du 26 juillet 2019 Pour une école de la confiance, les jardins d'enfants sont menacés de disparition (lire Maire info du 5 septembre 2022). L’obligation de scolarisation en école maternelle à l’âge de trois ans a eu pour effet collatéral d’amorcer la disparition des jardins d'enfants, dont certains existent « depuis plus de cent ans ».
Ainsi, comme l’a indiqué hier en séance publique au Sénat la ministre déléguée chargée de l'Enfance, de la Jeunesse et des Familles, Sarah El Haïry, « une telle évolution a posé la question du devenir des jardins d’enfants » et la loi prévoyait à l’article 18 une période transitoire de cinq années scolaires durant laquelle les jardins d’enfants existants avant l’entrée en vigueur de la loi peuvent continuer à accueillir des enfants de trois à six ans, dans le respect de l’obligation d’instruction. Or ce « moratoire expire à la fin de l’année scolaire », plus précisément en juin prochain. Le temps pressait donc.
Cette proposition de loi cosignée par des députés de plusieurs groupes politiques (LR, RN, Modem, Liot) prévoit concrètement une « dérogation permanente pour les jardins d’enfants existants » – à condition qu'ils aient été ouverts avant juillet 2019 – pour donner l'instruction obligatoire aux enfants âgés de trois à six ans.
Rappelons que lors des discussions parlementaires, l’AMF avait souligné l’attachement des maires à ces structures qui répondent à des besoins particuliers de familles et leurs inquiétudes sur des possibles fermetures. Elle avait identifié des difficultés très concrètes concernant leur éventuelle transformation portant sur l’adaptation des locaux, la formation des professionnels exerçant dans ces structures, et surtout sur les surcoûts engendrés…
Les jardins d’enfants « sauvés »
La sénatrice Agnès Evren, rapporteure du texte au Sénat, a souligné hier en séance publique l’importance du sujet : « Il y a urgence et c’est un enjeu important ; il s’agit de la dernière chance pour garantir un avenir aux jardins d’enfants » . Elle a rappelé que ces structures sont un « système complémentaire de l’école maternelle qui fonctionne et a fait ses preuves » taclant au passage l’obligation de scolarisation à 3 ans instaurée par la loi de 2019 qui pousse aujourd’hui le Parlement à « détricoter une situation qui fonctionnait parfaitement bien » alors que déjà « 95 % des enfants étaient déjà scolarisés à 3 ans ».
La sénatrice de Paris a rappelé que les jardins d’enfants sont « des structures d’accueil inclusives » : « À Paris, sur les 588 enfants que les jardins d’enfants accueillent, 105 ont des besoins éducatifs particuliers et 75 % d’entre eux sont en situation de handicap. » Agnès Evren a aussi souligné leur « vocation d’accompagnement à la parentalité » , et leur « très forte mixité sociale » .
La ministre a pointé hier que les jardins d’enfants sont aussi des « traditions locales installées » : « Au sein de l’académie de Paris, fin 2023, il y avait encore 25 jardins d’enfants dont 20 relevant de la gestion municipale et 5 d’une gestion administrative. Cela concerne 1 200 enfants environ. On compte aussi 13 jardins d’enfants en Alsace dont la moitié sont municipaux. Ce sont des territoires spécifiques avec des traditions locales spécifiques » .
Pour le sénateur Max Brisson, « la pérennité des jardins d’enfants n’aurait jamais dû être remise en cause ». Pour la rapporteure, « c’est un soulagement de sauver les jardins d’enfants, en sursis depuis 5 ans, au terme d’un long combat transpartisan » . L’année dernière, au moins trois propositions de loi avaient été déposées pour pérenniser les jardins d’enfants existants dont l’une émanait du groupe LR, une autre du groupe Écologie-Les Verts et une autre du PS. Au total hier au Sénat, sur 43 votants, 38 ont voté pour et 4 contre.
La loi sera promulguée sous 15 jours
Le texte voté sans modification vise donc à permettre aux jardins d’enfants associatifs ou ceux gérés, financés ou conventionnés par une collectivité publique, d’accueillir des enfants âgés de trois à six ans dans le cadre de leur instruction obligatoire (lire Maire info du 31 janvier).
L’article 2 du texte prévoit que cette dérogation permanente ne puisse s’appliquer « qu’aux jardins d’enfants existants à la date d’entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance, soit à l’été 2019 » . Aussi, « seuls les jardins d’enfants gérés ou financés par une collectivité publique seront concernés par la dérogation. Concrètement, cela concernera les jardins d’enfants gérés par une commune ainsi que les jardins d’enfants associatifs financés par une commune ou par la CAF ».
La loi devrait être promulguée dans un délai maximum de 15 jours par le Président de la République, sauf si le Conseil constitutionnel est saisi sur ce texte.
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