Maire-info
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Édition du vendredi 31 janvier 2025
Petite enfance

Crèches et service public de la petite enfance : l'AMF rappelle l'État à ses obligations

Un mois après l'entrée en vigueur du service public petite enfance, les maires s'inquiètent de l'absence persistante de réponses sur des points essentiels de cette réforme. Et à la veille d'une journée de mobilisation des micro-crèches du secteur lucratif, ils persistent pour exiger toujours plus de qualité dans l'accueil des 0-3 ans. 

Par Emmanuelle Stroesser

Officiellement en place depuis le 1er janvier, le service public pour la petite enfance n'est pas une coquille vide. Les communes, désormais reconnues « autorités organisatrices du service public de la petite enfance », n'ont pas attendu la loi pour investir dans l'offre d'accueil des 0 à 3 ans, ont rappelé Clotilde Robin, adjointe au maire de Roanne, et Daniel Cornalba, maire de l’Étang-la-Ville, co-présidents du groupe de travail petite enfance de l'AMF, lors d'une conférence de presse, jeudi 30 janvier. « On agissait déjà avant et on continue. Mais des communes, notamment rurales, nous disent vouloir profiter de cette réforme pour s’y mettre car elles ont pris conscience que c’est un enjeu pour l'attractivité de leurs communes », développe Daniel Cornalba. 

L'engouement est là. Le problème, constate l'AMF dans un communiqué publié hier, c'est que « les prérequis »  à cette réforme, « à savoir la résorption de la pénurie de professionnels et la compensation intégrale des dépenses induites », sont « loin d’être satisfaits ». Un euphémisme. L'association appelle donc à nouveau l’État « à garantir que les communes et intercommunalités disposeront des ressources nécessaires pour exercer ces nouvelles compétences dans les meilleures conditions possibles ». 

Le compte n'y est toujours pas

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit bien 86 millions d'euros pour compenser les charges nouvelles des communes. Mais cela couvrira au mieux « 50 à 80 % »  de ces dépenses, selon une estimation des services de l’État. Une estimation très large... « La réalité du surcoût compensé s'approchera davantage de la limite basse de 50 % », relève Daniel Cornalba. 

Ce qui nourrit encore plus l'agacement des maires, c'est qu'ils n'ont toujours pas de visibilité sur les clés de répartition de cette compensation. L'AMF n'a pas été consultée sur le moindre projet de décret d'application. La seule information obtenue vient de l'article 65 bis A du projet de loi de finances 2025 (soumis à la CMP) – et elle ne plait pas aux maires. L'article dispose bien que « l’État accompagne financièrement les communes pour l'exercice de leurs compétences obligatoires en matière d'accueil du jeune enfant ». Mais la fin de l'article précise que cet accompagnement est réparti « en tenant notamment compte du nombre de naissances et du potentiel financier par habitant de chaque commune ».

« C'est imparfait et insuffisant », critiquent les maires. « Car cela ne résume pas la situation d’un territoire ! Cela ne prend pas en compte par exemple les enfants de familles venant d'emménager. La vraie question c’est le nombre d’enfants de moins de 3 ans, il serait donc plus pertinent d’affiner ce critère », explique Daniel Cornalba. Les communes ne disposent pas aujourd'hui de ce chiffre, mais les CAF, a priori, si. 

Dernier coup de colère : les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI ayant pris la compétence petite enfance – ce qui peut être souvent le cas dans des territoires ruraux – restent écartés du droit à compensation. Une cause d’inquiétudes et d'incompréhension, relèvent les deux co-présidents après en avoir encore échangé avec près de 80 collègues en début de semaine, lors d'une réunion conjointe du groupe de travail petite enfance et de la commission des territoires ruraux. 

L'AMF a reçu un courrier de la ministre chargée notamment des solidarités, Catherine Vautrin, qui n’a pas suffi pas à la rassurer. « C'est un premier pont pour un dialogue, ce que l’on demande depuis longtemps. Mais nous, on attend des décrets », répète Daniel Cornalba. Les élus attendent aussi de l'État un engagement plus visible sur le terrain, pour continuer à faire le travail d'information auprès des maires. L'ancienne ministre Agnès Canayer s'était engagée au congrès des maires de France à entamer un « SPPE tour », consciente de la nécessité de faire circuler l'information sur ce nouveau service public. Mais il n'y a plus de ministre délégué à la petite enfance dans le gouvernement.  

Pas d'économies sur la qualité de l'accueil 

Lundi 3 février par ailleurs, une opération « crèche morte »  est organisée par les fédérations du secteur privé. Elles protestent contre la fin des dérogations (à partir de septembre 2026) dont bénéficient les micro-crèches s'agissant de l'encadrement des enfants (2). Les messages des fédérations sont alarmistes, craignant la fermeture de places et de structures en raison des surcoûts que cela va entrainer. La tension est palpable dans certains territoires pour des maires, alertés ou interpellés par les gestionnaires de ces micro-crèches. D'autant plus que c'est surtout ce modèle des micro-crèches (publiques et financées par la PSU ou surtout privées et financées par la PAJE) qui a permis d'ouvrir de nouvelles places d'accueil du jeune enfant ces dernières années. 

Le message de l'AMF reste ferme. « La pénurie de personnel ne (doit) pas se traduire par une baisse de qualité de l’accueil des jeunes enfants ». L’AMF rappelle « qu’elle a toujours plaidé pour le maintien des exigences de qualification des professionnels de la petite enfance et l’amélioration de leurs conditions de travail pour renforcer l’attractivité des métiers ». Elle réaffirme donc être « favorable à un rapprochement de la réglementation des micro-crèches de celle des autres établissements d’accueil ». Un rapprochement justifié par de nombreux rapports depuis le drame de l'été 2022 où un bébé est mort dans une micro-crèche privée lyonnaise, après avoir été empoisonné par une jeune auxiliaire de puériculture, seule dans la structure.  

« Nous devons travailler à un plan métiers pour redonner l'attractivité qui fait en partie défaut à ce secteur de la petite enfance », relance Clotilde Robin, d'autant plus inquiète que l'actualisation de l'enquête sur la pénurie de professionnels que vient de conclure la CNAF devrait révéler que loin de s'améliorer, la situation serait « encore plus mauvaise »  qu'en 2022. La CNAF avait alors pointé le chiffre de 10 000 professionnels manquants. Ce qui entraine le gel de milliers de places, ouvertes sur le papier, mais fermées dans la pratique…  

Accéder au dossier de presse de l'AMF sur le SPPE.

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